Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur la manière dont on fait les bébés
“Et là, le spermatozoïde du papa pénètre dans l’ovule de la maman et ça fait un bébé”. Oui, sauf qu’en fait, l’ovule est tout sauf un acteur passif du processus, et qu’en perpétuant cette version de la conception, on perpétue aussi les clichés sexistes qui imprègnent la science.
Car oui, malheureusement, la science est (la plupart du temps) impartiale, basée sur l’empirisme... et sexiste. Une réalité qui se marque dans la faible proportion de femmes scientifiques, la proportion énorme de découvertes faites par des femmes et attribuées à des hommes, mais aussi l’histoire que l’on raconte aux petits et grands enfants sur comment on “fait les bébés”.
Lire aussi: Comment la science a trahi les femmes
Ainsi que le dénonce avec justesse la journaliste Daphnée Leportois, “dire que le spermatozoïde pénètre l’ovule, c’est faire de lui un preux chevalier”. Et faire de l’ovule (ainsi que de sa propriétaire) des acteurs passifs au passage. Pour la professeure d’anthropologie américaine Emily Martin, cela ne fait pas un pli: la science a construit une théorie romantique de la conception basée sur la distribution traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes. Soit une sorte de conte de fée où les faits scientifiques sont vus par le prisme de l’inégalité des sexes, avec l’homme (et sa semence) forcément dans un rôle conquérant tandis que la femme attend sa venue, au propre et au figuré. Sauf que donc justement, comme l’anthropologue le rappelle, cela ne se passe pas comme ça.
L’ovule et le spermatozoïde interagissent mutuellement. Que la science refuse de les considérer de la sorte est extrêmement dérangeant.
Et de souligner que “non seulement les stéréotypes associés à la conception laissent penser que les mécanismes biologiques et reproductifs des femmes sont moins valides que ceux des hommes, mais en outre, que les femmes elles-mêmes valent moins que les hommes”. Et ce alors même que c’est la femme qui porte pendant 9 mois le bébé dans son ventre, lui apportant tous les nutriments nécessaires à son bon développement. Ce qui n’empêche pas les scientifiques de perpétuer des clichés qui veulent que l’homme soit l’acteur principal de la conception.
On est face à une sorte de conte de fées scientifique, qui veut que les spermatozoïdes entreprennent un “voyage périlleux” dont seuls les plus forts sortent “vainqueurs”. On souligne que le voyage est éreintant car l’ovule “mourra s’il n’est pas fécondé” tout en passant sous silence le fait que les spermatozoïdes ont une durée de vie très brève. Surtout, on maintient qu’ils vont courageusement de l’avant pour “accomplir leur mission” alors que ce n’est pas le cas.
Au contraire, même: dans les années 80, des chercheurs en biologie américains ont ainsi remarqué que non seulement les spermatozoïdes ne vont pas forcément de l’avant, mais en plus, que leur tête “au lieu d’aller vers l’avant effectue surtout des mouvements d’aller-retour”. Pire encore pour l’égo des preux chevaliers chargés de “planter la petite graine”: l’équipe découvre que les spermatozoïdes ne franchissent pas la barrière de l’ovule à coups de tête mais bien qu’ils y pénètrent uniquement car cette “barrière” est conçue pour les capter et prévenir leur fuite, la propension des spermatozoïdes étant de “s’échapper et fuir l’ovule”. Un personnage masculin indécis qui va d’avant en arrière et refuse de s’engager, ça, ça ressemble tout de suite plus à la répartition des sexes qu’on connait, et pourtant, c’est passé sous silence, des générations de parents et professeurs de science en tout genre continuant à planter l’histoire de “la petite graine” dans l’esprit des enfants.
Rôles partagés
Une injustice qu’Emily Martin attribue entièrement au fait que “le dialogue autour de la reproduction et de la conception a été influencé d’emblée par les normes culturelles et les rôles associés aux sexes”. Et tant pis si les découvertes scientifiques récentes réfutent tout à fait l’histoire de la “petite graine” et d’un ovule passif. Tiens d’ailleurs, comment ça se passe en vrai?
La surface de l’ovocyte est recouverte de molécules ZP3 qui s’emboîtent avec les protéines présentes sur les spermatozoïdes et permettent aux gamètes mâles et femelles de s’imbriquer.
Si lors de la découverte de l’existence des spermatozoïdes au 17e siècle, on pouvait encore comprendre, état de la science oblige, qu’on mette au point l’histoire de la conquête de l’ovule par le spermatozoïde, en 2019, il est temps d’accoucher de la vérité. Oui, l’homme pénètre la femme, mais la conception ne suit pas un schéma semblable, et tant les spermatozoïdes que l’ovule jouent un rôle primordial dans le processus. Comment on fait les bébés? Ensemble.
Lire aussi:
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici