Les défilés sont fabuleux et les after-parties mémorables. Mais les nuits d’hôtel sont hors de prix et les invitations presque impossibles à avoir. Notre journaliste Mode Catherine vous emmène à la Fashion Week de Paris et vous raconte ce qui se passe réellement lors de la semaine la plus glamour du monde.
Deux fois par an – ou 6 fois si l’on compte les défilés de mode homme et de haute couture – la Ville Lumière accueille la célèbre Fashion Week. Paris se transforme alors en grand cirque à ciel ouvert, du Palais de Tokyo à la place Vendôme. Durant ces quelques jours, on découvre les futures tendances, on aperçoit des célébrités, on croise Anna Wintour et il est impossible de trouver une chambre d’hôtel (sans punaises de lit) à moins de 500 €. C’est un fait: de toutes les semaines de la Mode, celle de Paris est la plus prestigieuse et la plus exclusive. Les maisons de couture les plus réputées comme Dior, Vuitton et Chanel y présentent leurs créations dans les lieux les plus fabuleux. Si vous n’êtes pas une célébrité, un·e influenceur·se, un·e acheteur·se ou un·e journaliste connu·e, inutile de tenter d’y assister. À moins que vous ne travailliez pour la rubrique Mode du Flair!
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(Non)invitée
Parlons franchement: en tant que journaliste Mode pour un modeste magazine belge, vous n’êtes pas assise au premier rang. Les invitations aux grands défilés sont rares et sont souvent distribuées par marché. Malheureusement, un petit pays comme la Belgique se retrouve tout en bas de la liste. Pour avoir une chance de décrocher une invitation, il faut mettre son destin entre les mains de la personne la plus puissante de tout Paris: le responsable des relations publiques qui gère la liste des invité·e·s. Pour ce faire, vous lui envoyez un e-mail dans lequel vous expliquez pourquoi vous méritez d’assister au défilé de Mode de tel·le ou tel·le créateur·rice. Inutile de préciser que vous essuyez quelques inévitables refus du style « Nous avons le regret de vous informer que nous ne pourrons pas vous accueillir au défilé. »
Pour décrocher une invitation, certaines personnes sont prêtes à tout... Même à tricher!
Mais, comme le disait Platon, la nécessité est mère de l’invention! Il existe d’autres moyens d’obtenir une invitation. Comme l’astuce de l’échange: une personne brandit une invitation et passe vite, tandis que la personne invitée s’inscrit en indiquant son nom et son passeport. Deux pour le prix d’un! Et puis, il y a l’usurpation d’identité qui est monnaie courante. En effet, de nombreux·ses assistant·e·s de stylistes ou de journalistes Mode célèbres se font passer pour leurs boss trop occupé·e·s. Il arrive parfois qu’une invitation disparaisse du courrier d’un·e collègue et, selon un article récent de The Cut, il existe même un marché noir des places au premier rang, des relations publiques véreuses demandant des milliers d’euros pour une place au premier rang chez Balmain ou Balenciaga.
La clé vers les défilés
Étant moi-même non seulement trop pauvre pour mettre 3000 euros pour un défilé de Mode, mais aussi trop honnête, je décide de faire gentiment la demande par e-mail pour les défilés S/S24, comme les saisons précédentes. Quand, après avoir reçu quelques refus polis, je reçois une réponse positive de Leonard Paris, j’exulte. Certes, Leonard n’est pas la marque la plus excitante, mais je suis fan des imprimés sixties et de l’ambiance jet-set de cette maison française. Je saute donc dans le Thalys en direction de Paris pour un défilé avec une profusion de robes maxi et d’imprimés floraux. Les défilés commençant toujours en retard, je reste à l’extérieur avant le début pour observer les gens. Rien n’est plus amusant que de voir les it-girls arriver dans les tenues les plus extravagantes!
Ici, on découvre les futures tendances, on croise Anna Wintour et il est impossible de trouver une chambre d’hôtel à moins de 500 €
À côté de moi, une jeune Parisienne observe l’événement les yeux écarquillés. Elle me demande: « Vous savez comment assister à un défilé? » Je lui explique que je suis journaliste et lui montre mon invitation. Elle est impressionnée. Alors que je me prépare à entrer, je repense à ma première visite à Milan, lorsqu’une amie responsable du Lifestyle m’avait invitée à assister au défilé Max Mara. Dans un élan d’altruisme, je me retourne et lui dis: « Viens avec moi et fais comme si tu étais à ta place. » L’attaché de presse à l’entrée jette un coup d’œil à mon numéro de siège et nous laisse passer. Dans la salle, je fais un clin d’œil à ma nouvelle protégée: elle se tiendra dans la section debout, j’ai une place quelque part dans la troisième rangée. Je lui dis: « Profite bien du défilé », heureuse pour elle et pour mon karma.
Bus, show, pas de show
« No sleep. Bus. Club. Another Club. Another Club » voilà les mots qu’a un jour prononcés Lady Gaga lors d’une interview. Remplacez le mot « club » par « défilé » et vous obtenez un résumé de l’emploi du temps de la Fashion Week en Europe. Il est rare que l’on dorme ou que l’on mange. Après le final de Leonard, je saute directement dans le bus pour me rendre au prochain défilé. Loewe, la maison espagnole qui s’est réinventée sous la direction artistique du créateur Jonathan Anderson, organise un défilé au Château de Vincennes, à une bonne demi-heure du centre-ville. Ce défilé est l’un des temps forts de la Fashion Week à Paris chaque année. Seul bémol: je n’ai pas d’invitation. Heureusement, je ne suis pas seule. Une amie, cofondatrice d’un magazine de Mode en ligne attend dehors.
À la Fashion Week, il est rare que l’on dorme ou que l’on mange.
On voit passer des influenceuses comme Léna Situations et Caro Daur, l’icône de la mode Anna Dello Russo et le chanteur Troye Sivan. Les plus grandes célébrités, cependant, évitent les apparitions publiques et se font déposer par leur chauffeur juste à l’entrée. J’aperçois Kris Jenner – la mère! – mais je rate malheureusement Charli XCX et Robyn. Lorsque le show commence et que les premières gouttes de pluie tombent du ciel, le rêve se termine. Mon amie et moi décidons de partager un Uber pour retourner en ville. On me dépose à l’hôtel, où j’enfile un paquet complet de biscuits dans ma chambre. Mon premier repas de la journée. Je poste ensuite quelques Stories pour Flair et je me change pendant que mon téléphone recharge. Il est 14 h, mais j’ai l’impression qu’il est 2 h du matin.
Je n’aperçois que Kris Jenner – la mère! – mais je rate malheureusement Charli XCX et Robyn.
Showrooms & arnaques
Dans l’après-midi, des rendez-vous sont prévus dans les showrooms. Les défilés étant une affaire assez onéreuse, de nombreuses petites marques choisissent d’ouvrir un showroom pendant la Fashion Week. Là, les journalistes et les acheteur·se·s peuvent déjà découvrir la collection de la saison à venir. Avec mes collègues du Vif Weekend, je me rends au showroom de la marque belge Bernadette, connue pour ses imprimés floraux dessinés à la main. Le showroom donne sur la Tour Eiffel et les meubles sont enveloppés d’un motif Vichy romantique. Paris sous son meilleur jour.
C’est quand la nuit tombe, que la Fashion Week devient vraiment amusante!
Alors que nous admirons la collection du défilé de la créatrice bruxelloise Marie Adam-Leenaerdt, un étage plus bas, les pansements de mon pied commencent à se décoller et je réalise que les mules Prada vintage à petit talon ne sont peut-être pas les meilleures chaussures pour un marathon de la mode. Heureusement, ma journée touche à sa fin – ou du moins la partie officielle de ma journée. Car lorsque la nuit tombe et que les showrooms ferment, c’est là que la Fashion Week devient vraiment amusante. Hello les after-parties!
Une femme avisée m’a un jour dit qu’une invitation à une telle fête vous permet de mieux pénétrer le monde de la mode que n’importe quel défilé, et elle avait raison. Après tout, rien n’est plus propice aux rencontres qu’une coupe de champagne gratuite. Il est également beaucoup plus simple de s’incruster dans des after-parties, ce qui est vraiment plus chouette. À noter que si c’est trop facile, c’est qu’il y a un problème. Par exemple, notre bande a été autorisée sans problème à participer au cocktail Chloé dans le légendaire club Silencio. À une condition: les plus-ones devaient payer un droit d’entrée de 30 €. Aussitôt dit, aussitôt fait, pour se rendre compte 30 secondes plus tard qu’on s’était fait arnaquer. On n’était pas au bon Silencio.
L’after-afterparty
Si Chloé avait été la seule soirée à l’agenda, j’aurais tranquillement rejoint mon hôtel après le scandale du Silencio. Mais à Paris, il y a toujours une fête qui vous attend, et pas n’importe laquelle: l’after-party de Coperni, une jeune marque française connue pour ses coupes sexy et ses accessoires branchés. Le sac Discman, ça vous dit quelque chose?
Pour la première fois de ma vie, je n’ai pas à stresser à l’entrée et je peux crier fièrement: je suis sur la liste! Ce à quoi toute la file d’attente se retourne et répond en souriant: « Nous aussi ». Pour ne rien arranger, la personne qui garde l’entrée du club s’avère être une Britannique insolente en manteau de fourrure bleu qui ne fait qu’une bouchée des journalistes Mode et leur invitation.
La vodka coule à flots et Nina Kraviz prend place derrière les platines.
Pour rendre l’attente plus intéressante, madame décide calmement de nous faire danser comme des singes avant notre entrée. Une bouteille de champagne à la main et une cigarette dans l’autre, elle balance: « Je ne laisse entrer que les gens sexy et les bons danseurs. Qui sait danser ici? » Heureusement, je suis en bonne compagnie avec une amie styliste. Ses mouvements endiablés parviennent à impressionner Mme la videuse et à faire oublier un instant la corde de velours rouge. Nous y sommes. La vodka coule à flots et Nina Kraviz prend place derrière les platines. Lorsque la célèbre DJ lance son remix de Bailando et que je suis sur la piste de danse entre de vieilles connaissances et de nouveaux amis, la soirée est à son apogée.
Au revoir Paris
Samedi matin, 7 h 30. Paris s’éveille, et comme les strip-teaseuses de la chanson de Jacques Dutronc, je me rhabille après une courte nuit. Avec 4 heures de sommeil au compteur, je préférerais rester dans mon lit, mais le Thalys n’attend pas. J’ai mal à la tête, les pieds en compote, les vêtements qui puent la cigarette – il n’y a qu’à Paris que la clope est encore chic – et j’ose à peine ouvrir mon application bancaire. Comme la saison dernière, je rentre chez moi fatiguée et sans le sou.
La Fashion Week est peut-être fake, mais l’amour de la mode est réel !
Comme la saison dernière, je me demande si tout ça en vaut la peine, mais je me souviens du dîner et de la danse d’hier. Et les tenues, les tenues! La Fashion Week est peut-être fake, mais l’amour de la mode est réel. Elle vit sur les tapis rouges et dans les rues, dans le bus et dans le métro, dans les défilés et dans les soirées. Elle prend la forme d’un manteau à fleurs et de bottes aux genoux, qui parviennent à camoufler même la plus grosse gueule de bois, un samedi matin à la gare du Nord. Au revoir, Paris. On se voit la saison prochaine.
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