Il y a quelques années, j’ai traversé une dépression dont je suis maintenant complètement sortie. Parce que la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille, je reviens sur tout ce que j’aurais voulu savoir à ce moment-là.
La dépression n’est pas toi, tu n’es pas ta dépression
Je me rappelle très bien des jours où j’ai compris que je faisais une dépression et que j’avais besoin d’aide. De ce jour où j’ai appelé deux amies, qui me connaissaient depuis des années et à qui j’ai osé demander : « Tu te rappelles comment j’étais avant ? », « Tu te rappelles si j’ai toujours été aussi triste ? » C’est que la dépression est une maladie qui s’installe souvent progressivement et sournoisement de sorte à ce qu’il faille du temps pour la détecter et la nommer. J’ai longtemps pensé que je vivais un chagrin d’amour, très, très long. Les semaines de chagrin se sont transformées en mois et en années. Et finalement, le chagrin « normal » de ma rupture a posé ses valises dans un coin de mon cœur pour s’y installer. Comme un ami qu’on dépanne pour quelques mois en lui prêtant notre canapé, mais qui finit par avoir le double de nos clés. Mon erreur fut là : confondre chagrin d’amour et dépression. J’aurais aimé savoir à l’époque qu’on ne peut pas devenir sa tristesse, elle ne peut jamais nous définir. Personne ne peut jamais s’habituer au chagrin. La dépression vous fait oublier qui vous étiez sans elle.
La dépression n’est pas « comme dans les films »
Toutes les dépressions sont différentes. Pour ma part, je ne suis jamais restée au lit toute une journée, les rideaux fermés. Je n’ai pas désiré en finir avec la vie, mais j’ai souvent désiré des trèves et des pauses dans ce que je considérais être une lutte quotidienne pour “aller bien”. J’avais encore, de temps en temps, des fous rires, des réjouissances, des émerveillements. Je fonctionnais. Et cette fausse croyance sur ce que devrait être une « vraie dépression » m’a longtemps fait croire que je ne devais pas demander de l’aide. Certains signes, par contre, peuvent alerter. J’ai vécu cette sensation de combat quotidien. Les larmes qui montent aux yeux, “juste comme ça” quand on ne s’y attend pas. À la machine à café, dans le bus, au restaurant avec les copines. Respirer pour ne pas craquer, car le chagrin n’a rien à faire là.
J’ai vécu aussi la perte d’appétit, la perte de poids (ils ont été le plus gros signal d’alarme de mon côté) et la perte de cheveux qui va avec. Les sautes d’humeur, et l’irritabilité: j’ai crié deux fois sur des inconnus. La sensation d’être à fleur de peau et de ne plus pouvoir réguler aucune émotion. Le décalage qui se créé progressivement avec ses proches : cette si précieuse légèreté qu’ont les autres qui contraste de trop avec le poids qu’on porte sur ses épaules. Les conversations futiles auxquelles je ne savais plus participer. Les rires des copines qui ne résonnent plus en nous et les nôtres qui sonnent faux. Ce sont finalement les autres qui nous font réaliser que ce n’est pas normal ce qui se passe là dans notre poitrine. Sans point de comparaison, pas de prise de conscience.
La dépression n’est pas un signe de faiblesse
Aussi contradictoire que cela puisse paraître, la dépression s’installe et évolue au fur et à mesure que l’on essaye de la combattre, de la même manière que l’angoisse. Dans mon histoire personnelle, j’avais toutes les raisons de ne pas pouvoir souffrir de ce qui m’arrivait, car j’y étais pour quelque chose. Cette culpabilité m’a fait nier la tristesse que je ressentais, qui était pourtant légitime (comme toutes les émotions, rappelons-le). Il m’a fallu très longtemps pour me rendre compte de ça. J’ai toujours été une personne forte. J’ai d’ailleurs été éduquée dans une famille où on ne tombait pas malade, où on avançait sans se plaindre. La dépression, une maladie ? Impensable, là d’où je viens. J’ai grandi avec une image très péjorative de la dépression, mais surtout des gens qui en souffraient. Dans un coin de ma tête avait poussé, telle une mauvaise herbe, l’idée qu’il s’agissait de fainéantise. L’acceptation de mon état a été la première étape vers la guérison. J’ai alors progressivement compris que la dépression était une maladie, et que j’aurais pu danser sur ma tête, faire tous les cours de yoga et lire tous les livres de développement personnel du monde, je n’aurais pas pu m’en sortir de cette manière. La machine était cassée.
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N’essaye pas de t’en sortir seule
Combien de temps aurais-je gagné si j’avais directement baissé les armes? Par chance, j’ai directement été voir un psychologue pendant cette période, qui m’a énormément aidée à déposer, à nuancer… Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai pleuré dans son cabinet et déversé sur son divan mes plus sombres pensées. Pour ma part, cela n’aura pas été suffisant : j’ai finalement pris la décision de me traiter via des anti-dépresseurs, après avoir été longtemps réfractaire, encore une fois à cause de fausses croyances et d’une volonté très forte — trop forte — de m’en sortir toute seule. Je ne ferai jamais l’apologie de ces médicaments, mais je peux dire que les anti-dépresseurs m’ont complètement sortie du trou dans lequel j’avais plongé et que mon seul regret est d’avoir refusé cette idée pendant si longtemps.
Tu retrouveras la joie
C’est sans doute le point le plus important de cette liste de choses que j’aurais aimées savoir lors de ma dépression. C’est cliché, mais quand on est dans l’état dépressif, on développe une vision très noire et pessimiste de l’avenir. On pense, à tort, qu’on ne retrouvera plus le bonheur, la joie et la légèreté. On appréhende le futur et on regrette le passé. Il y a un avantage énorme à vivre une dépression : c’est que l’après prend alors un goût très particulier. Je n’ai jamais autant ressenti que j’étais heureuse que depuis cette période douloureuse. Je ne passe plus un seul réveil sans reconnaître ma chance de me sentir vivante. Je ne chante plus jamais à tue-tête dans ma voiture sans peser le poids de cette légèreté retrouvée. Je n’affronte plus une seule déception sans réaliser à quel point j’ai évolué. Je sais reconnaître plus qu’avant la joie quand elle se présente, les moments de grâce et la beauté des petites choses. Je ne prends plus le bonheur pour acquis et je le nourris au quotidien. Les moyens que j’ai dû déployer pour aller mieux sont désormais mes alliés pour la vie. J’ai été contrainte de comprendre ce qui me ressourçait, ce qui me faisait du bien et cette quête devrait être impérative pour s’armer contre les petits malheurs de la vie. Il y en aura encore, mais je suis outillée et je n’ai plus peur de grand chose.
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