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© Getty Images

COUPLE: comment se disputer de manière constructive?

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Les désaccords font partie intégrante de toute relation et peuvent même être bénéfiques, pourvu que vous sachiez comment les aborder de manière constructive. Sarah Hertens, thérapeute de couple, nous guide pour améliorer nos compétences dans la gestion des conflits.

Bien sûr, au début de toute union, tout semble idyllique. On se balade main dans la main, on se nourrit mutuellement de fraises trempées dans du chocolat, et on sourit en nettoyant les chaussettes de l’autre. Mais soyons réalistes: il y aura probablement un moment où vous aurez presque envie de fourrer ces chaussettes et ces fraises dans la gorge de votre partenaire, tellement vous serez en colère contre lui·elle. Notez bien le « presque », car se disputer ne signifie pas nécessairement claquer les portes ou élever la voix. Bien au contraire. Les couples qui apprennent à gérer leurs désaccords de manière constructive en sortent plus forts, tant en tant que couple qu’en tant qu’individus.

Voilà pourquoi vous claquez la porte lorsque vous vous disputez

Claquer les portes, s’enfuir ou insulter votre partenaire lors d’une dispute peut sembler soulager la tension à court terme, mais cela ne résout pas les problèmes à long terme, on le sait! Les émotions s’intensifient et vous et votre partenaire vous retrouvez plus éloignés que jamais. Sarah Hertens, thérapeute de couple, nous explique pourquoi nous avons pourtant tendance à prendre l’une de ces directions: « Lorsque vous vous disputez, votre cerveau retourne à ses instincts primaires. Pour lui, un conflit avec votre partenaire équivaut à rencontrer un lion dans la jungle : le signal est clair, vous êtes en danger ! Alors, que faire? Vous réagissez instinctivement en choisissant l’une de ces trois options : combattre (en criant sur votre partenaire), fuir (en quittant la maison en claquant la porte) ou vous figer complètement (en restant assis sur le canapé, incapable de dire un mot). »

Hors de la fenêtre

Sarah Hertens va plus loin: « Lorsque cela se produit, vous sortez de votre ‘fenêtre de tolérance’. À l’intérieur de cette fenêtre, votre capacité à raisonner est en équilibre avec la manière dont vous exprimez vos émotions. Par exemple, si un être cher vous adresse un commentaire blessant, mais que vous êtes dans votre fenêtre de tolérance, ce commentaire peut vous affecter un moment, mais vous pouvez le mettre en perspective et y répondre de manière nuancée. Cependant, si votre partenaire appuie sur votre gros bouton rouge, vous pouvez sortir de cette fenêtre de tolérance.

En d’autres termes, votre partenaire franchit la limite de ce que vous pouvez supporter. À ce stade, votre cortex frontal se met hors service.

Cette partie de votre cerveau est responsable du self-control et vous permettrait normalement d’encaisser les reproches pour éviter de blesser votre partenaire. Mais voilà, c’est déjà trop tard... Votre instinct primaire prend le dessus, et la confrontation commence. »

Crier, s’enfuir ou se taire ?

S’il est vrai qu’il est préférable de ne pas perdre son sang-froid et qu’il est important d’apprendre à argumenter de manière constructive, la réaction qui se produit lorsque vous perdez votre calme est donc plus un comportement programmé qu’un choix conscient de votre part.

Sarah Hertens « Si votre instinct vous pousse à entrer en confrontation, vous voudrez engager une discussion sur-le-champ. Vous chercherez à comprendre les pensées de l’autre personne, à saisir ce qui s’est passé et à trouver une solution. Vous choisirez d’affronter directement la situation en vous adressant à votre partenaire afin de résoudre le conflit immédiatement, dans le but de passer à autre chose (ou pas).

En revanche, si votre réaction instinctive est de fuir pendant une dispute, vous chercherez à vous éloigner rapidement de la situation.

Parfois, cela impliquera de sortir à l’extérieur, de claquer la porte derrière vous ou même de faire crisser vos pneus en quittant les lieux. Vous ferez tout votre possible pour vous mettre hors de danger et trouver un lieu sûr.

Si vous vous figez, c’est que votre programmation vous pousse à rester immobile face à un conflit. Votre adversaire obtient alors l’image sans le son, vous laissant dans un état de court-circuit mental où vous ne savez pas immédiatement comment réagir face au lion qui gronde dans votre salon. Dans cette situation, rester assis sur le canapé et fixer un point droit devant vous devrait offrir un certain réconfort jusqu’à ce que les différentes parties de votre cerveau se réalignent. »

Les auto-tamponneuses

Sarah Hertens « Votre instinct primaire n’est ni bon ni mauvais en soi, il fait simplement partie de votre identité. Il en va de même pour votre partenaire. Cependant, lorsque 2 programmations différentes s’opposent, cela peut créer une situation très désagréable, semblable à une collision entre des autos-tamponneuses. Par exemple, si vous avez tendance à affronter les problèmes de front et à vouloir résoudre les conflits immédiatement, tandis que votre partenaire a tendance à fuir en claquant la porte, le conflit peut rapidement escalader, même si cela n’a rien à voir avec vous, votre partenaire ou l’amour que vous vous portez mutuellement. »

Comment se disputer de manière constructive

Vous souhaitez discuter de la situation ici et maintenant (en haussant peut-être involontairement le ton), mais votre partenaire cherche à sortir de la maison aussi vite que possible (en faisant trembler les murs). La première étape pour éviter ces stratégies contradictoires qui conduisent à l’escalade est de réaliser que ce n’est pas personnel. C’est le point de départ pour une série de mesures constructives que vous pouvez prendre pour transformer la dispute en une opportunité d’apprentissage et de connexion dans votre relation. Sarah Hertens, thérapeute de couple, vous guide étape par étape, pour apprendre à vous disputer de manière constructive.

Ne le prenez pas personnellement

La manière dont vous ou votre partenaire réagissez lors d’un conflit est simplement une stratégie personnelle pour gérer la tension. Celui ou celle qui cherche à s’éloigner cherche simplement à résoudre le problème plus tard, une fois que les émotions se seront apaisées. En revanche, ceux qui souhaitent en discuter immédiatement ont simplement besoin de cette conversation pour se sentir soulagés et résoudre le conflit. Il est donc important de ne pas prendre personnellement les réactions instinctives de votre partenaire. Au lieu de cela, concentrez-vous sur vous-même et sur ce dont vous avez besoin pour retrouver votre calme. Comment pouvez-vous vous détacher de cette réaction purement émotionnelle, vous relaxer et retrouver la raison? Comment pouvez-vous éviter les reproches, les mots extrêmes comme « jamais » et « toujours », ainsi que les actions que vous pourriez regretter par la suite ?

Appuyez sur le bouton pause

Pour arrêter parfois le tourbillon des disputes, prenez une pause et respirez profondément. Communiquez à votre partenaire que vous avez atteint vos limites et que vous avez besoin de faire autre chose pendant un certain temps. Accordez à votre partenaire de l’espace et concentrez-vous sur vous-même. Identifiez ce dont vous avez besoin pour vous calmer. Est-ce une promenade? Faire la vaisselle? Ou peut-être appeler un ami? En d’autres termes, engagez une autre partie de votre cerveau pour retrouver votre calme.

Retournez à la base

Une fois que vous avez retrouvé votre calme, posez-vous la question suivante : pourquoi suis-je tombé amoureux(se) de mon partenaire? Se rappeler l’amour que vous lui portez permet d’atténuer la tension, ouvrant ainsi la voie à une reconnexion. Bien que cela ne résolve pas immédiatement le conflit, cela rétablit déjà la confiance dans la relation.

Relancez la conversation

Il est inutile de discuter si vous (ou votre partenaire) êtes toujours hors de vos gonds. L’idée est donc d’attendre d’être calme pour engager une discussion, afin de pouvoir dialoguer de manière constructive. L’argumentation constructive est ainsi associée à la communication non violente.

Communiquez le problème de la bonne manière

Tout conflit peut prendre 2 directions complètement différentes. Prenons par exemple le cas où votre partenaire rentre souvent tard et que vous en avez assez. Vous pourriez réagir en criant que cela suffit et en disant que tout est de sa faute. Votre partenaire se mettra alors sur la défensive, argumentant qu’il n’est pas toujours en retard, mais seulement de temps en temps, et énumérera toutes les fois où il était à l’heure. Cela ne mènera qu’à une série d’excuses et peut-être même à une liste des fois où vous étiez vous-même en retard. Et voilà, c’est tout ce que vous obtiendrez !

 

Cependant, si vous orientez la conversation vers vos sentiments les plus profonds, si vous communiquez à partir de votre vulnérabilité et si vous évitez de placer toute la responsabilité sur votre partenaire, alors que vous êtes dans votre fenêtre de tolérance, vous pourriez exprimer votre tristesse de devoir souvent manger seule à nouveau en raison du retard de votre partenaire. Vous pourriez ensuite expliquer que vous avez besoin de moments de qualité ensemble et que cela vous manque pour le moment.

Exposez votre vulnérabilité

Lorsque vous communiquez à partir de votre vulnérabilité, la conversation prend une toute autre tournure. Vous donnez alors de l’espace à vos peurs, à vos insécurités, à vos défauts et à vos désirs. Votre partenaire n’a plus besoin de se mettre sur la défensive, mais a plutôt la possibilité d’écouter et de voir ce qu’il peut faire pour vous soutenir. Bien que cela puisse sembler effrayant d’ouvrir grand son cœur, vous découvrirez que les personnes qui vous apprécient vraiment et vous veulent du bien répondront avec beaucoup de douceur et de bienveillance.

Faites preuve de compréhension à l’égard des sentiments de l’autre

De la même manière qu’il est inutile d’essayer de convaincre quelqu’un que les araignées ne sont pas effrayantes et qu’il n’a donc plus besoin d’en avoir peur, il est également vain d’essayer d’expliquer à l’autre personne, à l’aide d’arguments rationnels, pourquoi ses sentiments n’ont pas de sens. Ignorer ces sentiments ne les fera pas disparaître non plus. Il revient donc à chacun d’être honnête au sujet de ses sentiments inconfortables, et à l’autre d’y répondre.

Ignorer ou minimiser les sentiments ne fait que les intensifier. Bien que nous puissions souvent penser le contraire, rien n’est plus faux. En tant que partenaire, il n’est pas nécessaire d’approuver ces sentiments, tout comme les autres ne doivent pas nécessairement partager la peur des araignées. L’important est de faire preuve de compréhension et d’empathie.

Soyez ouvert·e à la critique

Si votre partenaire continue de vous embêter à propos de quelque chose qui a été dit ou qui s’est passé précédemment, c’est un signe important qu’il ne faut pas ignorer. Il ne fait pas cela par simple caprice. Le fait de continuer à évoquer la douleur ou les sentiments négatifs indique généralement qu’il n’y a pas eu suffisamment de reconnaissance ou de compréhension dans le «camp adverse».

Répéter les choses est souvent un moyen de clarifier la situation. Bien sûr, il faut pouvoir passer l’éponge à un moment donné, mais il faut aussi pouvoir allouer suffisamment d’attention à une problématique, pour prendre d’éventuelles mesures.

Il arrive souvent que nous ne prenions pas suffisamment au sérieux les sentiments de notre partenaire. Nous avons tendance à projeter notre propre opinion sur eux et à penser qu’ils exagèrent. En adoptant cette attitude envers les sentiments de votre partenaire, vous ne faites pas preuve d’ouverture à la compréhension. En revanche, en considérant que votre partenaire a des raisons valables pour ce qu’il ressent et que vous n’avez peut-être pas encore tout à fait saisi, vous abordez la situation avec un esprit ouvert et curieux.

Apprendre à communiquer de manière constructive

Si vous souhaitez communiquer de manière constructive, vous pouvez suivre ces cinq étapes:

Étape 1 : l’observation

Vous observez les faits sans les juger, les compléter ou les interpréter. Par exemple, il ne faut pas dire « Tu es toujours en retard », mais plutôt « Tu es rentré·e tard à la maison lundi, mardi et jeudi de cette semaine. »

Étape 2: les sentiments

Dites ce que vous ressentez et pourquoi.  « Je ressens (je me sens) X parce que Y.» De cette façon, votre partenaire peut comprendre l’effet de son comportement sur vous et savoir ce qui se passe en vous. Par exemple, ne dites pas: « Je suis en colère parce que je me sens rejeté·e », mais dites : « Je suis déçu·e parce que j’ai dû dîner seul·e pendant 3 jours. »

Étape 3: l’expression des besoins

Indiquez quel besoin se cache derrière vos sentiments. Que voulez-vous? Qu’attendez-vous de votre partenaire? Il existe 3 besoins fondamentaux : l’inclusion (le désir d’appartenance), l’autonomie (être indépendant) et l’affection (le contact). Par exemple, ne dites pas: « Tu dois être plus attentionné·e à mon égard », mais plutôt : « J’aimerais passer plus de temps de qualité avec toi et manger ensemble est important pour moi à cet égard. »

Étape 4: la demande

Dites à l’autre personne ce que vous aimeriez ou ce dont vous avez besoin, et faites-le sans blâmer ou attaquer votre partenaire. Qu’aimeriez-vous que l’autre dise ou fasse? Par exemple, ne dites pas: « Tu devrais rentrer plus souvent à l’heure pour que nous puissions dîner ensemble », mais plutôt: « Es-tu prêt·e à rentrer plus souvent à l’heure pour que nous puissions passer plus de temps ensemble, en mangeant à 2, par exemple ? »

Étape  5: la compréhension

Faites preuve d’empathie à l’égard du comportement de votre partenaire sans le justifier ou le condamner. Cherchez à savoir pourquoi l’autre personne se comporte comme elle le fait. Quels sont les sentiments de votre partenaire? De quoi a-t-il besoin ? Quelle intention ou quel besoin se cache derrière ce sentiment ? Posez des questions ouvertes et écoutez activement. Par exemple, ne dites pas : « Tu rentres toujours tard et tu ne me prends pas en compte », mais plutôt : « Comment se fait-il que tu sois rentré·e si tard lundi, mardi et jeudi ? Qu’est-ce que cela signifie ? Et qu’est-ce que tu ressens ? ».

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