La dépendance affective, ou lorsque notre propre personne ne suffit pas
Le dépendant affectif expérimente en continu un sentiment de manque et de vide intérieur. Une angoisse permanente qui l’empêche de vivre en symbiose avec lui-même et en se contentant de sa propre personne comme seule et unique jauge d’évaluation. Geneviève Krebs, psychopraticienne, est spécialisée dans ce sujet et nous guide afin de s’en sortir dans son livre “Dépendance affective – Six étapes pour se prendre en main et agir”.
La dépendance affective est un sujet dont on entend beaucoup parler et un concept que l’on utilise à tort et à travers, parfois sans comprendre ce qui se cache réellement derrière. Mais de quoi s’agit-il concrètement? Selon Geneviève Krebs, la personne dépendante affective “est incapable de vivre sereine et heureuse en étant seule. Le degré de sa dépendance est relatif à sa capacité à gérer la solitude. Si vous êtes tétanisé à chaque période de vie où le vide s’installe (célibat, déplacement qui vous éloigne des membres de votre foyer, séparation temporaire de votre conjoint, etc.), alors posez-vous la question : “quelles sont les caractéristiques pouvant me faire penser que je suis dépendant affectif?”. Cette dernière se traduit essentiellement par le besoin d’avoir recours à autrui pour avancer. Comme le précise Geneviève Krebs, en réalité,
Le mot “affectif” nous amène à faire un raccourci à la vie sentimentale. Or, cette dépendance et ses conséquences peuvent également se retrouver dans la vie, au bureau, dans le monde du travail, dans sa vie familiale ou encore dans sa bulle sociale avec ses amis proches.”
Et cette dépendance affective, peu importe où elle agit, elle fait souffrir celui qui en pâtit. Jusqu’à détruire la personne. Jusqu’à ce qu’elle oublie qui elle est. Jusqu’à ce qu’elle n’ait plus aucune autre issue pour s’en sortir: prendre conscience de sa dépendance. Et c’est là où Geneviève Krebs intervient, en offrant des clés permettant de se libérer de ce schéma.
“Plutôt être mal accompagné.e que seul.e”
Les dépendants affectifs ressentent un manque de sécurité chronique. Une incapacité à se mettre en valeur et à reconnaître leurs succès. Une sensation de vide douloureuse qui se résume dans l’inverse du célèbre adage: “Mieux vaut être seul que mal accompagné”. Pour Geneviève Krebs, il existe deux portes d’entrée permettant de savoir si nous sommes dépendants affectifs:
- La première désigne la personne qui va tout faire avant que la personne en face ait dit quoi que ce soit. Elle va agir de telle sorte à ce que l’autre l’apprécie et la remarque dans tous les cas. “Et si elle l’aime, alors c’est magnifique”, précise la spécialiste. La personne se clone, elle se perd et voit sa propre personne virer au large face à l’autre.
- La deuxième désigne la personne qui va prendre des chemins détournés et contrôler, voire manipuler pour éviter les pièges et gérer ses angoisses.
Peu importe que l’on soit l’un ou l’autre, les deux cas sont graves. “Il faut voir à l’intérieur de soi l’élément déclencheur” détaille Geneviève Krebs. Cet élément déclencheur prend ses racines dans l’enfance. “La dépendance affective trouve sa source dans un manque d’amour, de sécurité, de reconnaissance, d’encouragement et d’accompagnement à l’autonomie et à la maturité affective, durant l’enfance ou l’avant puberté”, explique la spécialiste. Geneviève Krebs précise tout de même que l’erreur lorsqu’on parle de dépendance affective est de jeter la pierre aux parents. D’ailleurs, cela peut venir de l’enfant en lui-même. En effet, l’enfant peut avoir été entouré d’amour, encouragé et avoir eu une présence autour de lui, il se peut qu’il s’imagine les choses autrement. En effet, parce qu’il y a eu décalage de quelques minutes avec la réaction attendue, il s’en est fait un monde et une généralité, il a créé sa propre vérité.
Si l’absence et le vide s’installent à ce moment de la vie, c’est alors laisser la place au doute et à la culpabilité. La conviction de ne pas être suffisamment bien pour être aimé. Cet état devient une vérité, SA vérité, et peu importent les preuves du contraire qui se présenteront.”
détaille l’experte. Et cette vérité s’empare alors de la personne, faisant de cette dernière une dépendante affective en grandissant, jusqu’à nous mettre dans bâtons dans les roues, involontairement et inconsciemment. “Les petites voix internes, que l’on appelle les injonctions, ‘allez fais plaisir’ ou ‘ça, ça n’arrive qu’à moi’ quand il y a un échec, deviennent nos vérités et vont agir sur les comportements et décisions qu’on prend dans la vie et ce, aussi au niveau émotionnel. On se met en échec dans la vie, il y a une part d’auto-sabotage et la preuve en est que lorsque l’échec arrive, on lâche tout naturellement: ‘je l’avais bien dit'”, explique-t-elle.
Le principal problème du dépendant affectif, ce qui l’empêche de vivre pleinement épanoui avec sa propre personne, c’est ce besoin de se raccrocher sans cesse à l’autre pour avoir une image correcte de lui-même. “Au lieu de rechercher en lui ce qui peut venir combler ce manque et le rassurer, le dépendant affectif pense que c’est uniquement à l’extérieur qu’est la réponse à son mal-être, détaille Geneviève Krebs. Un partenaire de vie, un ami, un collègue de travail, un enfant et/ou une addiction peuvent être l’objet de son vampirisme”, poursuit-elle. De cette manière, à l’image d’une addiction dont on remplit tout notre être, le dépendant affectif se nourrit de sensation d’amour, d’attention et/ou de présence. “Tout est bon pourvu qu’à ce moment de panique généré par le sentiment de vide et de manque, l’autre (l’extérieur) vienne stopper l’angoisse en rassurant, en donnant, en remplissant et en prouvant”, explique l’experte.
Un chemin long et semé d’embûches, mais indispensable
Sortir de la dépendance affective demande beaucoup de courage et un travail conséquent sur sa propre personne. Abandon, rejet, moquerie, mal-être... Nombreuses sont les peurs allant de pair avec la dépendance affective. La première partie sur laquelle Geneviève Krebs propose de travailler dans son bouquin consiste tout d’abord par comprendre ce qu’est la dépendance affective. Elle liste alors, par ordre chronologique, les différentes étapes par lesquelles passer:
- Étape 1: j’observe les rouages de ma vie en comprenant ce qu’est la dépendance affective en allant jusqu’à comprendre que je suis la solution et que je crois au changement;
- Étape 2: je change ma façon de voir et d’être en me regardant tel que je suis jusqu’à me sentir motivé.e;
- Étape 3: je remets en question mes croyances en comprenant mon fonctionnement et en balayant mes croyances limitantes;
- Étape 4: j’expérimente les situations qui me font peur en luttant contre la résignation, en apprenant à m’aider et en mettant au défi de réussir;
- Étape 5: j’observe comment j’évolue en regardant ma personne dans mes relations amoureuses, mais également dans ma vie professionnelle et mon entourage;
- Étape 6: je m’affirme pour être libre en sortant de ma zone de sécurité, et en osant!
La deuxième partie consiste à passer à l’action, en étant aidé.e d’exercices, d’histoires et de conseils:
- Étape 1: j’effectue un retour dans le passé en réfléchissant sur mon origine, en cherchant le déclencheur et en identifiant mes schémas de répétition;
- Étape 2: j’identifie ma façon d’être en évaluant ma confiance en moi, mais également en évaluant ma relation sentimentale actuelle;
- Étape 3 et 4: j’identifie mes peurs pour mieux les apprivoiser et initier le changement;
- Étape 5: j’admets qui je suis pour avancer en m’engageant dans le changement et en me recentrant sur moi;
- Étape 6: je crois en moi, je m’affirme et je me respecte pour être libre en avançant seul.e ou avec mon/ma partenaire, je me rassure moi-même à propos de l’amour que l’autre me porte, je prends le pouvoir sur ma vie, je réponds à mes besoins, j’ai foi en moi et autour de moi, j’apprends à me défaire de l’attachement et je note mes avancées.
À travers son livre, Geneviève Krebs permet de se libérer petit à petit de ce démon qui nous ronge de l’intérieur, parfois sans même s’en rendre compte. Pour parvenir à se sortir de la dépendance affective, il faut se mettre un coup dedans, il faut de l’audace et du courage pour viser la libération. Le dépendant affectif doit parvenir à se sortir de son confort bancal pour enfin parvenir à se célébrer. Pour la spécialiste, ce qu’on y gagne est plus important que tout.
L’amour de soi et des autres sans condition, la réalisation de projets laissés de côté, une meilleure gestion des émotions, une communication plus transparente et non-violente et, surtout, une vraie joie de vivre.”
détaille-t-elle.
La personne qui souffre de dépendance affective doit alors passer par un travail de développement personnel pour parvenir à s’en défaire. Se reconnecter à soi, dans ses relations amoureuses, professionnelles ou amicales, relève d’une importance sans pareille. Et c’est une fois que l’on découd de la dépendance affective que l’on se rend compte à quel point la vie peut être lumineuse et surtout, à quel point notre propre personne peut nous apporter bien plus que l’on n’aurait jamais pu l’imaginer.
Vous pensez souffrir de dépendance affective? N’hésitez pas à en parler autour de vous.
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