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© Getty Images

À CŒUR OUVERT: ““La maternité m’a sortie de l’anorexie””

La rédaction

Notre journaliste partage son long combat contre l’anorexie et raconte comment devenir maman l’a aidée à surmonter ses troubles alimentaires.

Journaliste chez Flair depuis de nombreuses années, j’ai souffert de troubles du comportement alimentaire de façon assez “tardive”, alors que j’étais une jeune adulte. Après plus de dix ans d’anorexie, moi qui pensais être sortie d’affaire, j’ai réalisé il y a peu que je m’étais menti à moi-même, et surtout aux autres. Je me considère aujourd’hui comme guérie (ou abstinente) depuis la venue au monde de mes enfants.

Un régime qui dérape

Mes troubles du comportement alimentaire ont commencé par un simple régime. Une remarque déplacée d’un ex (que je remettrais bien à sa place aujourd’hui) qui m’a donné l’envie de perdre ces quelques kilos en trop. Puis l’engrenage commence, petit à petit je mange de moins en moins et personne ne semble s’en inquiéter. Je déménage dans un autre pays pour le job de mon copain de l’époque.

Je m’isole et m’enfonce dans un régime dont je perds le contrôle.

Enfin, non justement, l’anorexie c’est prendre le contrôle. Gérer ce qu’on mange, calculer les calories, compter, réfléchir, marcher beaucoup, avoir froid, ne plus savoir dormir, affronter les courbatures, la faim. La faim, si délicieusement douloureuse et nécessaire à ma survie. Se sentir vivre dans la douleur, comme en lévitation. Le copain ne dit rien quand je mange pour le dîner une (!) carotte cuite à la vapeur avec un yaourt aux fruits 0%. Je perds pied, je le sens, je suis malheureuse et je veux rentrer à la maison.

Dépression

Les années qui ont suivi cet épisode d’expatriation ratée ont été la succession de jobs et de relations que j’ai quittés, de chagrin, d’isolement et de mensonges. J’ai vécu la descente aux enfers de l’anorexie. L’aménorrhée, la perte de cheveux, le corps qu’on ne voit jamais assez maigre. Sans parler de ce sentiment de fierté inavouée d’être la plus fine du dîner, de la soirée, du groupe de copines, des collègues...

J’ai touché le fond quand j’ai pesé 43 kilos pour 1m71.

Dépression, anti-dépresseurs, tout quitter et tout recommencer, une fois de plus. Puis un jour, par le plus grand des hasards, être engagée en tant que journaliste. Découvrir sur le tard qu’écrire me nourrit et que travailler peut être une source de plaisir et d’épanouissement.

10 kilos de plus

J’ai dix kilos de plus aujourd’hui, ce n’est pas encore mon poids d’équilibre qui, selon mes souvenirs, se situe davantage aux alentours des 57 kilos.

J’ai repris des formes et tout ce qui va avec.

Alors qu’avant, j’aurais paniqué en voyant la balance dépasser mon seuil des 51 kilos, désormais, j’accueille ce chiffre avec bienveillance et une certaine satisfaction. Et ce changement, je le dois à mes enfants.

Des grossesses et des changements

Durant mes grossesses j’ai souffert de diabète gestationnel. Bien que difficile à gérer au quotidien, je dois avouer que ça m’arrangeait bien. Devoir faire attention en sachant que cela me permettrait de ne pas trop prendre de poids durant 9 mois, j’y ai vite trouvé mon compte. Après mon premier accouchement, j’ai rapidement retrouvé mon poids d’avant grossesse. Par moment, il m’est arrivé de perdre encore quelques kilos, car l’anorexie ma meilleure ennemie n’était jamais bien loin.

C’est après ma deuxième grossesse qu’un changement majeur s’est opéré.

J’ai perdu du poids, mais la balance est restée à 53 kilos. J’ai d’abord envisagé un petit régime pour m’en débarrasser et puis j’ai soudain réalisé que j’avais “la flemme“. Ça peut sembler anodin et simpliste, mais je n’avais “juste“ plus envie de faire attention. Je n’en n’avais plus l’énergie, la “niaque“ pour perdre ces deux malheureux kilos. Alors qu’avant je ne supportais pas qu’on me dise “c’est bien t’as pris du poids“ (c’est fou comme les gens s’autorisent des commentaires sur le physique des autres, non?), cette fois je m’en foutais.

Reprendre possession du corps

Oui, en fait, j’ai repris du poids et je me sens tellement mieux. J’ai de l’énergie pour faire du sport, je le fais non plus dans un but de brûler des calories mais pour me sculpter, me sentir forte et prendre soin de moi, j’ai de l’énergie pour courir après mes enfants, j’ai à nouveau envie d’aller au resto, je ne risque plus de tomber dans les pommes au réveil, j’ai à nouveau envie d’improviser des moments gourmands, je dors (mais vive le manque de sommeil avec des tout-petits), je ris, j’aime, je me retrouve, je me reconnecte à celle que j’avais si longtemps perdue de vue.

J’arrive à vouloir prendre soin de moi comme je prends soin de mes enfants.

J’ai réalisé combien je suis un exemple pour eux. La maternité a réveillé la petite fille qui sommeillait en moi et j’ai entendu sa petite voix me souffler “arrête avec ça, la vie est courte, profite.“ Et c’est vrai. Je n’étais pas heureuse avec dix kilos en moins. Alors pourquoi tenter de l’être avec un peu plus de chair?

Plus jamais

Mon anorexie a été un signal, “regardez-moi, prenez soin de moi, faites attention à moi, je suis fragile, je suis différente“. Désormais, je n’ai plus besoin d’elle pour me sentir exister. Je sais qu’elle fera toujours partie de moi, comme ces alcooliques abstinents qui auront toujours l’alcool en ennemi juré. Non, je ne suis plus la plus mince de la pièce et ça me va très bien. Oui, j’aurai toujours tendance à faire un peu attention.

Mais plus jamais je n’imposerai de la souffrance à ce corps qui a donné la vie à mes petites merveilles.

S’en sortir

Selon une étude menée par Sciensano, en 2023, 13 % de la population belge présentait une suspicion de troubles du comportement alimentaire. Si vous souffrez de troubles du comportement alimentaire ou que vous connaissez une personne touchée par cette maladie mentale, ne restez pas sans rien faire, car il existe des solutions pour sortir de ce tunnel. De nombreuses associations telles que Miata offrent un soutien aux malades et à leurs proches. Depuis le 1er février 2024, le médecin traitant peut mettre en place un trajet de soins pour les patient·e·s de moins de 23 ans diagnostiqué·e·s avec un trouble du comportement alimentaire.

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