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Naama schizophrénie
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Schizophrène, Naama met à mal les préjugés sur son trouble: ““On ne guérit pas, on vit avec””

Sarah Moran Garcia
Sarah Moran Garcia Journaliste web

Lorsqu’elle avait 18 ans, on a diagnostiqué à Naama une pathologie psychiatrique, la schizophrénie. À l’occasion des Journées de la Schizophrénie, qui se déroulent du 16 au 23 mars, nous avons rencontré la jeune femme, qui vit aujourd’hui une vie presque “normale”.

Selon l’OMS, à l’échelle mondiale, près d’une personne sur huit sera touchée par un trouble psychiatrique au cours de sa vie. Parmi ces troubles, la schizophrénie, qui concerne plus de 100.000 Belges. L’image que l’on se fait des patients schizophrènes est souvent erronée, alimentée par les fantasmes du cinéma. Dans l’inconscient collectif, un·e schizophrène est une personne aux multiples personnalités. Or, si certains symptômes sont semblables, comme les hallucinations auditives, le trouble dissociatif de l’identité et la schizophrénie ne doivent être confondus.

Des sautes d’humeur au diagnostic

C’est le combat de Naama, 23 ans. On lui a diagnostiqué une schizophrénie lorsqu’elle avait 18 ans, mais les premiers symptômes ont fait leur apparition plusieurs années auparavant. D’abord sous la forme de troubles de l’humeur qu’elle pensait être une bipolarité. Elle faisait des crises psychotiques avec des phases maniaques mélangeant de grandes périodes exaltations à des moments de dépression. À l’époque, elle n’a pas consulté de psychiatres ou de psychologues. “Je me suis rétablie seule”, commente la jeune femme.

Un rétablissement de courte durée. Lorsqu’elle avait seize ans, Naama a fait une tentative de suicide. Deux semaines plus tard, elle a décidé de demander de l’aide pour la première fois. “Quand j’étais plus jeune, je voulais devenir psychiatre. J’avais lu énormément de livre sur la psychiatrie et j’ai commencé à avoir des doutes sur mes symptômes. Ne sachant pas vers qui me tourner, je suis allée voir la psychologue de mon école. Elle m’a dirigé vers une infirmière, qui m’a elle-même conseillé de m’adresser au centre psychiatrique qui se trouvait en face de l’établissement scolaire”, explique-t-elle.

J’étais persuadée que l’on m’observait, que des caméras avaient été installées chez moi pour m’espionner et que des agents du centre allaient venir me chercher.

Une dizaine d’hospitalisations en deux ans

Le soir même, Naama était hospitalisée. Une hospitalisation qui a duré quatre mois. Au bout de ces quatre mois, la jeune femme était libre d’aller où elle voulait. Mais son esprit, lui, ne l’était pas encore. En sortant de l’hôpital psychiatrique, elle a été prise d’un délire paranoïaque. “J’étais persuadée que l’on m’observait, que des caméras avaient été installées chez moi pour m’espionner et que des agents du centre allaient venir me chercher”, se souvient Naama. “Même si j’avais conscience que c’était absolument absurde, je pensais vraiment que c’était la réalité.” Après une discussion avec une infirmière, elle a une nouvelle fois été internée.

En un peu moins de deux ans, Naama a été hospitalisée dix fois dans différents hôpitaux. Elle a connu de bonnes, comme de mauvaises expériences. “Dans certains hôpitaux, les patients de courte durée étaient mélangés aux résidents de longue date, ceux avec les plus gros problèmes psychiatriques. Dans ces moments-là, je me disais que je n’avais pas ma place parmi ces ‘fous’, c’était dur à vivre”, se remémore Naama. “Mais le plus souvent, on était séparé, et le sentiment qui prédominait était l’ennui. Un hôpital psychiatrique est loin d’être la maison de fous qu’on s’imagine, ça ressemble plus à une maison de retraite”, ajoute-t-elle.

On ne guérit jamais de la schizophrénie, on vit simplement avec.

Son dernier internement remonte à 2020. Depuis, la jeune femme est traitée et a une vie tout à fait normale. Car oui, “on ne guérit jamais de la schizophrénie, on vit simplement avec”. Elle habite désormais avec son fiancé, a suivi une formation de vétérinaire et cherche à présent un emploi. En quatre ans, plus jamais elle n’a fait de crise schizophrénique. Mais cela n’a pas été une mince affaire. Notamment pour trouver le bon dosage à son traitement. “Aujourd’hui, je prends cinq médicaments par jour, mais au début, on m’en avait prescrit dix. Il y avait beaucoup d’effets secondaires, parmi lesquels une fatigue constante qui m’empêchait de faire ce que je voulais”, explique Naama.

Mise en doute, railleries et rejet

En outre, son traitement, tout comme sa schizophrénie, ont été mis en doute par des proches. Certaines personnes, avec qui elle a depuis coupé les ponts, n’ont jamais cru au trouble qui ronge Naama. “Entre autres par leur faute, j’ai arrêté deux fois de prendre mon traitement. Elles disaient que je n’en avais pas besoin, et j’ai fait de grosses rechutes”, dénonce-t-elle. Son traitement est stable depuis trois ans, mais elle sait que si elle l’arrête à nouveau, ses mauvais démons referont surface.

Sa schizophrénie lui a aussi valu des railleries et du rejet. Comme elle était souvent hospitalisée, Naama n’a pas pu poursuivre sa scolarité normalement. Si elle avait voulu cacher son trouble psychiatrique à ses camarades, elle n’aurait même pas pu. Comme évoqué plus haut, l’un des centres hospitaliers où elle se rendait se trouvait en face de son établissement scolaire. “Il n’a pas fallu longtemps aux autres élèves pour comprendre pourquoi j’étais si souvent absente”, explique la jeune femme. “Quand ils ont compris, mes ‘amis’ m’ont lâchée. Ils m’ont dit qu’ils savaient depuis longtemps que j’étais bizarre, et craignaient ‘d’attraper ma maladie’. C’était absurde…”

Notamment en raison de ses absences, Naama a redoublé trois fois. À ses 18 ans, la décision de la déscolariser a été prise. Elle a ensuite été inscrite dans un centre soin-étude pour les jeunes avec des pathologies mentales. “C’est ce qui a sauvé ma scolarité”, clame-t-elle. “J’étais comprise, et j’ai commencé à avoir de meilleures notes. J’ai eu mon bac avec trois ans de retard, mais ce n’est pas grave.”

Quand ils ont compris, mes “amis” m’ont lâchée. Ils m’ont dit qu’ils savaient depuis longtemps que j’étais bizarre, et craignaient “d’attraper ma maladie”.

L’importance des Journées de la Schizophrénie

Pour Naama, les Journées de la Schizophrénie, qui se tiennent cette année du 16 au 23 mars, sont très importantes. Elles représentent un moyen d’ouvrir les yeux de la population sur cette pathologie psychiatrique encore trop peu connue.

“La schizophrénie n’est pas ce que l’on imagine. On fantasme beaucoup sur ce trouble, mais on n’est pas fou. On pense souvent à tort à des gens violents avec les autres, alors qu’ils sont surtout violents avec eux-mêmes. Les suicides ne sont d’ailleurs pas rares chez les patients schizophrènes”, explique-t-elle. “De plus, lorsqu’une personne apprend de quoi on souffre, à ses yeux, on n’est plus une personne normale, on est réduit à la schizophrénie”, regrette Naama. Elle souhaite faire évoluer les choses, c’est pourquoi elle apporte son aide à qui le demande et en parle régulièrement dans les médias où lors de conférences sur les troubles mentaux.

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