Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
© Getty Images/iStockphoto

ON A TESTÉ: 5 astuces TikTok pour obtenir ce que l’on veut

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Imaginez un monde où vous pourriez obtenir tout, absolument tout, ce que vous voulez. Selon certain·e·s TikTokkeur·se·s, il suffirait d’user de certaines ruses pour parvenir à ses fins. Notre journaliste a testé 5 astuces psychologiques populaires sur le réseau social.

Comme beaucoup, j’adore obtenir ce que je désire, une particularité que je tiens peut-être de mon statut de fille unique. Qui n’aime pas quand le monde s’aligne sur nos souhaits? Cela rendrait la vie tellement plus simple, n’est-ce pas? Malheureusement, la réalité n’est pas toujours aussi conciliante, surtout pour ceux et celles d’entre nous qui ne peuvent malheureusement pas mettre « dictateur psychopathe » comme intitulé professionnel sur LinkedIn. Ainsi, il n’est pas étonnant de voir fleurir sur TikTok ces ­« techniques de persuasion » promues par des autoproclamés experts. Ils dévoilent des astuces psychologiques pour influencer subtilement les autres afin d’atteindre nos objectifs. La promesse est séduisante mais simple, ce qui suscite immédiatement ma méfiance. Combien de psychologie véritable se cache derrière ces astuces? Ont-elles une réelle ­pertinence? Leur efficacité est-elle avérée? Pour y répondre, j’ai mis à l’épreuve 5 astuces populaires sur le réseau social.

Lire aussi: Vous n’aimez pas recevoir de cadeaux? Vous êtes peut-être capitellophobe

Le test

Trouver le scénario idéal pour tester ces astuces s’avère être la première étape, mais cela se révèle compliqué! Chaque astuce fonctionne selon des mécanismes différents, rendant difficile l’élaboration d’un test ­universel pour toutes. De plus, définir mes souhaits n’est pas une mince affaire. Bien sûr, j’ai une liste de désirs, mais avec un nourrisson de 8 mois à la maison, mes aspirations se limitent à de longues nuits de sommeil ­ininterrompu ou simplement ­savourer un café, assise paisiblement sur le canapé à contempler le monde ­extérieur. Afin de maximiser mes chances, je décide d’énoncer des ­souhaits différents à chaque étape du test.

Je veux beaucoup de choses, mais avec un bébé à la maison, mes souhaits se résument principalement à dormir pendant 10 heures d’affilée.

Techniques en 2 étapes

Sur TikTok, quiconque cherche des astuces de persuasion se retrouvera rapidement face à l’une des 4 techniques courantes, toutes assez similaires. Ces approches en 2 étapes suivent toujours un schéma bien défini. Dans la méthode « porte au nez », on commence par faire une demande délibérément difficile à accepter, pour ensuite proposer une seconde requête, plus raisonnable, mais souvent pas celle que l’on désirait réellement. En revanche, la technique « pied dans la porte » adopte une approche inverse en amorçant par une petite demande difficile à refuser, ce qui accroît les chances d’obtenir une seconde demande, parfois plus conséquente, acceptée. Des études ont démontré leur grande efficacité: par exemple, la méthode « pied dans la porte » génère une augmentation moyenne d’environ 13 % dans les taux ­d’acceptation, tandis que la ­technique « porte au nez » triple les chances d’obtenir un accord pour une requête donnée. Je décide de mettre ces techniques à l’épreuve avec une tâche que mon partenaire néglige depuis des semaines: accrocher des lampes dans la chambre des enfants. Sachant pertinemment qu’il ne ­disposera pas du temps nécessaire ce samedi-là, je lance la demande ambitieuse qu’il peigne rapidement tous les murs de la chambre. Après quelques réactions indignées, je réajuste ma requête: « Bon, d’accord, oublions la peinture pour cette ­semaine. Mais pourrais-tu au moins t’occuper des lampes? »

Inconsciemment, mon mari a tendance à se déculpabiliser en répondant à ma2e question. Avec le recul, je trouve que c’est assez cruel.

Et croyez-le ou non, depuis ce moment, j’ai enfin la possibilité d’éclairer la chambre de mon bébé en appuyant sur un ­interrupteur, sans avoir à tâtonner dans l’obscurité. Je plaisante bien sûr, mais vous saisissez l’idée: les lampes sont en place maintenant!« Les techniques en 2 étapes sont des stratégies reconnues pour obtenir l’adhésion des individus », explique Alain Van Hiel, psychologue social. Elles sont ainsi couramment utilisées dans les domaines du marketing et de la vente. Une autre tactique, la ­méthode « une fois que la balle est lancée », fonctionne ainsi: un vendeur vous présente une voiture avec des sièges en cuir et de magnifiques jantes, mais une fois que vous avez accepté d’acheter, il ajuste le prix. « Oh, pardon, avec ces options, son prix augmente en réalité de 1000 €. » Cependant, vous êtes déjà si engagé dans le processus d’achat qu’il devient difficile de refuser à ce stade.

Quant à la technique du « ce n’est pas encore prêt », elle consiste à ­demander initialement quelque chose ­d’important, puis à faire des concessions immédiates, rendant la deuxième requête plus modeste en comparaison. Par exemple, un ­produit est proposé à 50 €, mais avant même que l’acheteur ne ­réagisse, le vendeur accorde une ­remise: le produit ne coûte plus que 30 €! Cette astuce peut sembler ­évidente, pourtant, une étude a ­démontré qu’une réduction de ce type pouvait augmenter les ventes de 44 à 73 %. « Ces techniques en 2 temps doivent leur efficacité à ­plusieurs mécanismes. Par exemple, la norme de réciprocité intervient souvent: en abaissant une demande initiale, vous créez un sentiment de dette chez l’autre personne. » Sans même en avoir conscience, après ma demande initiale exigeante, mon mari était plus enclin à « rembourser » cette « dette » en répondant favorablement à ma demande suivante. Oui, en ­l’écrivant, ça sonne un peu cruel, je dois dire. Heureusement, une autre explication repose sur le principe du contraste. La seconde demande ­paraît plus facile comparée à la ­première, ce qui incite davantage à l’accepter. On peut même avoir ­l’impression de s’en sortir à bon compte! » Alain Van Hiel apporte un éclairage intéressant sur l’impact de la perception de soi. « En effet, nous sommes souvent réticents à altérer notre propre image », explique-t-il. « Dans la méthode du ‘pied dans la porte’, le fait d’accepter la demande initiale renforce inconsciemment la perception que l’on a de soi en tant que personne généreuse et disposée à aider. Refuser la seconde requête affaiblit cette image, ne correspondant plus à la vision que l’on a de soi-même, et rend plus probable un ‘oui’ ultérieur. Cette perception de soi intervient aussi dans le contexte du vendeur de voitures: ayant déjà ­donné son accord, il devient délicat de faire marche arrière, même si le vendeur a usé de manipulation. »

Hochement de tête de Sullivan

Le « hochement de tête Sullivan » est en effet une astuce répandue. Cette pratique, suggérant une approbation silencieuse par le mouvement de la tête, prétend inciter les autres à répondre positivement. Jim Sullivan, consultant en hôtellerie, aurait initialement introduit cette méthode. Il affirmait que lorsque les serveurs opinaient de la tête en présentant un plat particulier – généralement le plus cher – les client·e·s étaient jusqu’à 60 % plus susceptibles de le ­commander. Cela peut sembler assez évident comme technique, mais qu’en disent les études scientifiques?Alain Van Hiel reconnaît: « Ce ­stratagème est un peu moins ­sophistiqué. Je ne m’attends pas à ce qu’il ait un impact massif, mais il peut s’avérer utile. En fin de compte, en tant qu’êtres humains, nous sommes programmés pour imiter les ­comportements qui nous entourent. Ainsi, lorsqu’un signe d’approbation non verbal est perçu, nous avons ­tendance à y acquiescer presque ­instinctivement.

Comme cette astuce agit sur le subconscient, je ne peux pas vérifier auprès de mes sujets si elle fonctionne.Succès indécis, donc.

De plus, notre ­réflexion devient moins profonde face à des émotions positives. Notre ­cerveau fonctionne alors un peu en mode ‘veille’. » C’est pourquoi il est crucial pour les vendeurs d’adopter une attitude aimable, positive et ­enthousiaste. Lorsque votre client potentiel se sent bien, son processus de réflexion ralentit et il est plus ­enclin à adhérer rapidement à votre discours. »J’ai testé cette astuce à plusieurs reprises, mais je ne peux pas vraiment déterminer si elle est efficace. Par exemple, lors d’un après-midi pluvieux entre amis, j’ai proposé que l’on joue à 3 jeux de société, en n’acquiesçant qu’à mon jeu préféré. Je ne sais pas si c’est pour cette raison qu’il a été choisi, car comme ce truc agit sur le subconscient, je ne peux pas vérifier avec mes sujets. Je décide d’essayer également avec la gamme de boissons proposées: je sais que mon amie préfère un café au lait, je fais donc un signe de tête enthousiaste à l’option « cappuccino » lorsque je consulte le menu de ­sélection de notre machine à café. Elle boit un café au lait. Le lendemain, mon bébé choisit le jouet auquel je fais un signe de tête lorsque je le lui présente et l’autre fois, il ne le choisit pas. Cette technique n’est donc pas infaillible!

Le langage corporel

« Le langage corporel est un tour de passe-passe », déclare Alain Van Hiel. Sur TikTok, une fille essaie de me faire croire que si je fais un geste avec les paumes vers le haut pendant que je parle, je serai considéré comme sympathique et je mettrai les gens de mon côté, alors que si je fais la même chose avec les paumes vers le bas, j’aurai plus de chances de dégager de l’autorité. Ce type d’hypothèse me semble plutôt dangereuse, car une grande partie du comportement non verbal est déterminée par la culture. Les expressions faciales sont en ­général plus sûres, car elles sont assez universelles. Un sourire est un sourire partout dans le monde. En ­revanche, la signification des gestes de la main peut varier. Par exemple, ici, nous faisons signe à quelqu’un en déplaçant nos doigts vers nous avec la paume vers le haut, alors qu’en ­Méditerranée, ils le font avec la paume vers le bas. Très franchement, je fais de toute façon des gestes ­enthousiastes avec mes mains lorsque j’explique ou argumente quelque chose, et il m’a donc été ­difficile de maîtriser cette technique. J’essaie un peu, mais juger si quelqu’un vous trouve autoritaire ou sympathique n’est pas facile non plus. Je passe donc cette technique!

Le choix alternatif

Cette astuce de TikTok suggère de contourner le « oui » ou le « non » en offrant des choix alternatifs aux parents pour obtenir leur accord. Par exemple, plutôt que de demander simplement l’autorisation de ­participer à une fête, on propose ­directement des options telles que l’heure de retour: « Dois-je être de ­retour à la maison à minuit ou à 2 h? » C’est une tactique qui semble ingénieuse, mais je me demande ­vraiment si mes parents se ­laisseraient duper si facilement. Qu’en est-il de l’efficacité réelle de cette méthode avec les parents?Alain Van Hiel apporte une nuance importante: « L’efficacité de cette technique dépend de la situation spécifique.

Un vendredi soir avec des amis, je suggère rapidement des frites lorsque nous commandons le repas, mais je suis rapidement ignorée. Échec.

Si vos parents ont des règles strictes, ils ne seront pas aussi enclins à déroger à leurs décisions. Cependant, pour des demandes moins cruciales, cette approche peut certainement avoir un impact. Les individus apprécient le sentiment de liberté de choix, même si cela ne représente pas toujours une réelle option. Surtout dans nos sociétés occidentales, nous détestons les contraintes. Cela peut nous rendre bougons, et des émotions négatives ne favorisent pas la persuasion. Proposer des alternatives donne l’impression aux gens d’avoir une ­certaine autonomie dans leur ­décision. » C’est amusant de voir comment nos suggestions peuvent être influencées par l’enthousiasme des autres! Lors d’une soirée entre amis un vendredi, j’ai suggéré d’aller chercher des frites, mais mon idée a été vite écartée car personne n’était d’humeur pour ça (je sais, je dois changer d’amis). Puis, le samedi soir, je vois des restes de spaghettis dans le frigo et je propose deux pizzerias à mon meilleur ami, sans sourciller. Et devinez quoi? Il choisit la première sans hésiter. Il semble donc que ­l’enthousiasme initial de l’autre à l’égard des suggestions ait un impact sur nos choix.

L’effet Ben Franklin

L’effet Ben Franklin postule que lorsque quelqu’un rend une faveur à une personne, cette personne est davantage encline à en rendre une en retour. Cela souligne l’idée que le sentiment d’obligation ou de dette envers quelqu’un augmente après avoir rendu service, favorisant ainsi un cycle de réciprocité. C’est fascinant de voir comment notre perception de nous-mêmes peut influencer la façon dont nous percevons les autres. ­Inconsciemment, nous ajustons l’image que nous avons de quelqu’un pour qu’elle soit cohérente avec notre propre vision.

Après tout, si cette ­personne était réellement déplaisante, nous n’aurions probablement pas pris la peine de lui offrir un trajet pour le travail, n’est-ce pas? Cela montre à quel point notre perception de nous-mêmes peut influencer nos jugements sur les autres.C’est vrai que lorsque des faveurs sont échangées régulièrement, cela peut améliorer la perception que l’on a de l’autre, et à la longue, il devient difficile de ne pas apprécier cette personne, étant donné cette ­réciprocité constante. Mais selon Alain Van Hiel, bien que cette ­méthode puisse marcher, ce n’est peut-être pas la plus optimale. L’idéal serait de ne pas s’engager dans un cycle sans fin de réciprocité. Une ­approche peut-être plus simple serait d’accomplir quelque chose pour cette personne sans qu’elle l’ait demandé. Non seulement cela améliore la ­manière dont elle vous perçoit, mais cela crée également une sorte de dette implicite.

Les gens n’aiment pas se sentir redevables. Ils seront donc prompts à vouloir faire quelque chose pour vous afin de se débarrasser de ce sentiment.

Les gens sont en ­général réticents à se sentir ­redevables, donc ils peuvent chercher à vous rendre la pareille pour « solder » cette dette. J’ai une connaissance que je n’apprécie pas spécialement, mais que je suis amenée à côtoyer de temps en temps. Je l’ai déjà aidée une fois – pour un téléphone en panne, un déménagement, l’organisation d’une fête d’anniversaire – et je me souviens qu’invariablement, cela a été suivi d’une période où je n’étais PAS passionnément contrariée par son existence. Je décide de tester également l’inverse, avec une collègue qui n’est jamais enthousiaste à l’idée d’avoir affaire à moi. Je lui demande à plusieurs reprises de m’apporter un café, de me préparer un sandwich et de me déposer à la gare, et à toutes ces demandes, elle répond gentiment « oui ». À chaque fois, nous avons une discussion agréable. Je me dis que c’est un bon point, jusqu’à ce qu’elle décide d’aller luncher pour son anniversaire… sans m’inviter. C’est peut-être dû à ma personnalité insupportable, mais je donne à cette technique un zéro pointé!

En conclusion

Effectivement, tout ce qui brille sur TikTok n’est pas ­nécessairement de l’or, mais en ce qui concerne les astuces de persuasion, il y a tout de même une part de vérité! « Il faut ­nuancer ce type d’astuces, leur succès n’est pas garanti, mais choisir la bonne technique peut augmenter vos chances de réussite, reconnaît Alain Van Hiel. Même si vous préférez éviter d’être manipulé, connaître ces techniques peut se révéler utile. En étant conscient de leur ­existence, vous êtes moins ­susceptible d’y succomber. ­Restez attentif·ve et vigilant·e. Dire ‘non’ peut être difficile pour beaucoup de personnes, mais essayez de répondre avec ­assurance, voire de ne pas ­répondre immédiatement si une demande risque de franchir vos limites. Demander un temps de réflexion peut vous aider à refuser plus aisément. »

Texte de Talitha De haene et Justine Rossius

Lire aussi:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires