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© Getty Images/Maskot

PROCRASTINATION: pourquoi remettons-nous tout à plus tard?

Justine Rossius Journaliste
Ana Michelot Journaliste

Toujours tout remettre à plus tard. Se dire qu’il nous reste encore un peu de temps. Trouver des excuses. Et puis s’attirer des ennuis et finir par stresser! Pourquoi procrastinons-nous? Et surtout, comment s’arrêter?

Avez-vous l’habitude de ­rechercher les conditions « parfaites » pour entamer une tâche? Pensez-vous souvent que votre travail ne sera jamais assez bon? Commencez-vous toujours vos tâches à la dernière minute? Et avez-vous du mal à gérer votre temps? Si vous avez répondu « oui » à une majorité de ces questions, il est possible que vous soyez familier·ère avec la procrastination. Ne tergiversez plus et prenez le temps de lire ce que la psychologue et thérapeute comportementale Wendy de Pree a à dire sur ce comportement de procrastination.

95 % des gens procrastinent parfois, mais 20 % d’entre eux le vivent comme un problème.

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Wendy de Pree: « La procrastination, également connue sous le nom ­d’atermoiement, est un comportement qui consiste à reporter inutilement des tâches ou des décisions tout en sachant que cela pourrait avoir des conséquences négatives. Cela peut aller de la remise à plus tard de tâches quotidiennes, comme les travaux ménagers, à des responsabilités plus importantes, comme la tenue de vos dossiers, la réalisation de projets de travail ou de travaux d’étude, ou ­encore l’amélioration de votre état de santé. Tout le monde procrastine de temps en temps, mais cela devient problématique lorsque cela devient une habitude qui affecte votre fonctionnement, c’est-à-dire lorsque vous remettez à plus tard des choses importantes et significatives. 95 % des gens procrastinent de temps en temps, mais 20 % d’entre eux le vivent comme un problème. Ils procrastinent aussi lorsqu’ils ne peuvent pas ­vraiment se le permettre. Les ­procrastinateurs chroniques donnent souvent la priorité à des choses qui demandent moins d’efforts ou pour lesquelles la récompense immédiate est plus grande, comme regarder ­Netflix toute la nuit et s’enfiler le ­paquet de chips plutôt que de préparer le dîner et de repasser enfin le linge qui traîne depuis un mois. Le « je n’ai pas envie » l’emporte généralement sur leurs objectifs et leurs responsabilités. Cela peut vous entraîner dans une spirale d’émotions négatives, ce qui rend la tâche encore plus difficile. »

Pourquoi remettons-nous les choses à plus tard?

Il existerait plusieurs raisons ­psychologiques à cela: « Cela peut être la conséquence d’un manque de maîtrise de soi ou le symptôme d’un problème mental sous-jacent, ­explique la psychologue. Certaines personnes sont par nature ­déstructurées et n’ont que peu ­d’autodiscipline. Elles ont du mal à se contrôler, recherchent des récompenses rapides et évitent ainsi les émotions négatives. Un manque d’autodiscipline peut conduire à choisir la gratification immédiate (scroller sur Instagram) plutôt que d’accomplir des tâches plus ­importantes, mais moins agréables (remplir sa déclaration d’impôts).

La procrastination peut être le symptôme d’un problème psychologique sous-jacent comme le TDAH, la dépression ou l’anxiété.

Les procrastinateurs chroniques prennent impulsivement des décisions dans le présent au lieu de penser à l’avenir.La procrastination peut aussi être le symptôme d’un problème psycho­logique sous-jacent. Si vous êtes déprimé, que vous vous sentez ­léthargique et que vous avez une ­image négative de vous-même, cela ne facilite pas les choses non plus. Il en va de même pour les troubles anxieux, lorsque vous percevez une tâche comme trop difficile, ou si vous souffrez d’un trouble compulsif et que votre ­attention se porte sur le comportement compulsif et non sur les tâches importantes. Une aide ­spécialisée est nécessaire pour vous aider à gérer le contexte plus large de ces problèmes. »

Lena « Chaque matin, je faisais une liste de choses à faire, et chaque soir, je voyais cette même liste inachevée devant moi. Je remettais tout à plus tard, des plus petites tâches aux plus grands projets. Finalement, j’en ai eu assez et j’ai arrêté de voir tout ça comme une montagne, en agissant étape par étape. J’ai commencé à diviser mes tâches en petites étapes, ce qui m’a permis d’arriver à mes fins. C’est encore un défi, mais je suis déjà beaucoup plus productive qu’avant. »

«Aujourd’hui, j’essaie de me concentrer sur le progrès plutôt que sur la perfection.

Evelyne « Le perfectionnisme a été mon écueil. J’avais toujours peur de ne pas faire quelque chose de parfait, alors je préférais remettre à plus tard. Cela a ­engendré beaucoup de stress et de frustration.... À un moment donné, j’ai compris que l’on ­pouvait aussi se contenter d’être ‘suffisamment bon’. ­Aujourd’hui, j’essaie de me concentrer sur le progrès plutôt que sur la perfection. Il faut du temps pour changer cet état ­d’esprit, mais je constate que je suis plus heureuse lorsque je commence simplement, sans essayer de tout comprendre en détail au préalable. »

Les Conséquences de la procrastination

Bien sûr, il y a quelque chose à gagner à procrastiner: binge-watcher sous la couette avec du chocolat au lieu de faire de l’administratif ou de passer ce coup de fil désagréable... Si les avantages peuvent sembler infinis, la procrastination peut avoir des conséquences importantes, tant sur le plan pratique que mental. Remettre des tâches à plus tard semble ­inoffensif à première vue, mais cela peut entraîner divers problèmes à long terme », explique la psychologue.

Des problèmes qui parasitent le quotidien

La procrastination peut entraîner de nombreux problèmes quotidiens: du désordre dans la maison, des amendes dues à des retards de ­paiement, des problèmes physiques dus à un mode de vie malsain, de l’agacements de la part de votre ­entourage... En outre, vous ratez des opportunités d’emploi et d’études. Cela ne vous rend pas populaire et peut vous donner une mauvaise réputation si vous ne tenez pas vos engagements.

Un impact mental

L’impact mental de la procrastination est au moins aussi grave. La procrastination s’accompagne souvent de sentiments de culpabilité et de honte, car vous vous décevez ­c­onstamment en ne faisant pas ce que vous aviez prévu de faire. Ces émotions négatives peuvent conduire à un sentiment d’infériorité et à une image de soi dévalorisée, ce qui mine davantage votre motivation. Vous pouvez tomber dans un cercle vicieux où vous continuez à procrastiner ­parce que vous manquez de ­confiance en vos propres capacités.

Stress et anxiété accrus

La procrastination contribue à augmenter le stress et l’anxiété. La pression pour terminer les tâches inachevées augmente à mesure que les échéances approchent, ce qui peut conduire à la panique. Ce stress peut avoir un impact négatif sur votre santé mentale, entraînant ­notamment des insomnies, des troubles de la concentration, voire une dépression. Vous entrez rapidement dans un cycle négatif. La qualité de votre travail diminue souvent en raison du stress lorsque vous ­commencez à travailler et que vous vous rendez compte que vous ­manquez de temps à ce moment-là.

Perdre de vue les objectifs à long terme

En plus, la procrastination peut sérieusement entraver votre capacité à atteindre vos objectifs à long terme. En vous concentrant sur des ­distractions à court terme, vous perdez de vue vos objectifs plus importants. Cela peut entraîner un manque de progrès dans votre carrière, votre développement ­personnel, votre santé (remettre à plus tard une visite chez le dentiste ou le gynécologue) et vos relations. De plus, la frustration constante de ne pas atteindre vos objectifs peut ­affecter votre ­motivation et votre joie de vivre.

J’ai dû rembourser une indemnité de maladie car j’avais présenté les documents trop tard... En fait jamais.

En bref, la procrastination a des conséquences pratiques, financières, sociales et mentales. Il est essentiel de rompre le cycle de la procrastination pour améliorer à la fois votre fonctionnement quotidien et votre qualité de vie en général. Le stress et l’anxiété que vous ressentez lorsque vous ­procrastinez sont pires que l’effort que vous devez fournir pour accomplir la tâche reportée. Le problème n’est pas d’accomplir la tâche, mais de la commencer. Les avantages à court terme (rester installé dans son canapé, ne pas avoir à faire quelque chose d’ennuyeux...) l’emportent sur les ­inconvénients. Du point de vue de l’évolution, notre cerveau choisit ces solutions à court terme pour « fuir le danger maintenant », mais heureusement, nous avons assez évolué pour être capables de contrer ce phénomène.

Lydia « Cela commence par de petites choses: faire la vaisselle, payer les factures, envoyer un e-mail... À chaque fois, je me dis: je ferai ça plus tard, mais ce n’est jamais le cas. Et puis, ça ne ­s’arrête pas aux petites choses. Je repousse aussi sans cesse les choses importantes, comme la déclaration d’impôts ou la prise d’un rendez-vous chez le ­médecin. Par exemple, j’ai dû une fois rembourser une indemnité de maladie parce que j’avais ­présenté les documents trop tard, c’est-à-dire… jamais. Au travail, j’ai un projet qui m’attend depuis des semaines, mais je me concentre sur des tâches moins urgentes. C’est comme une excuse pour remettre le vrai travail à plus tard. J’attends finalement qu’on me le rappelle et à la fois, j’en ai peur. »

Sandra « J’ai toujours eu peur de l’échec, alors je remettais à plus tard tout ce qui me faisait peur. Des demandes d’emploi aux nouveaux projets au travail, je me sabotais constamment. Un ami m’a aidée à comprendre que ma peur m’empêchait d’évoluer. Je ne faisais que ­pédaler sur place. Avec son aide et en me fixant de petits ­objectifs réalisables, je ­surmonte ma peur pas à pas. C’est effrayant, mais aussi ­libérateur de passer à l’action. »

Charline « J’avais tendance à repousser les projets professionnels importants jusqu’à la ­dernière minute. Les échéances approchaient et mon stress ­augmentait, me forçant souvent à travailler la nuit. Cela ­m’épuisait. Je me suis rendu compte que cette ­pression constante ­m’empêchait d’être satisfaite de mon travail. Avec l’aide d’un coach, j’ai appris à mieux organiser mon temps. Aujourd’hui, j’essaie de m’attaquer aux tâches immédiatement, sans attendre qu’il soit trop tard. La différence sur mon niveau de stress est énorme. ​​​​​​​»« Pas à pas, je surmonte ma peur. C’est libérateur de passer à l’action »

Bienveillance envers soi-même

« Raté! », « Encore raté! »... Sont ­autant de choses qu’il vaut mieux ne pas se dire quand on a ­recommencé à procrastiner malgré toutes ses bonnes intentions. Au contraire... « Soyez indulgente avec vous-même, conseille la ­psychologue. Sachez que tout le monde procrastine de temps en temps et ne soyez pas trop dur avec vous-même. Dites-vous: ’Je fais de mon mieux et je ne peux qu’essayer d’être meilleur qu’’hier. Chaque ­petit pas dans la bonne direction en est un’. Célébrez donc chaque petit progrès. Procédez par étapes, réfléchissez aux raisons pour ­lesquelles vous procrastinez et ­essayez d’identifier des schémas. Quels sont les avantages et les ­inconvénients à court et à long ­terme? Utilisez ces informations pour mieux gérer votre temps et tirer les leçons de vos expériences. Les études montrent que plus vous vous pardonnez vos échecs, plus vous avez de chances de réussir la prochaine fois. Des méditations telles que l’autocompassion en ­pleine conscience peuvent vous y aider. Demandez l’aide d’un ­psychologue si vous êtes vraiment coincé, restez indulgent avec vous-même, car votre vie ne se résume pas à votre procrastination. Regardez aussi ce qui va bien. »

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