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PSYCHO: comment mettre fin au harcèlement entre adultes

Justine Rossius Journaliste
Ana Michelot Journaliste

Vous profitez d’un bon moment…Jusqu’à ce que quelqu’un fasse une remarque désobligeante et que vous vous sentiez soudain devenir toute petite. Malheureusement, le harcèlement ne s’arrête pas toujours après l’école. Que faire si, en tant qu’adulte, vous êtes confronté·e à un comportement d’intimidation de la part de quelqu’un?

Vos collègues ne secouent sans doute pas votre cartable au-dessus des toilettes. Et vos voisin·e·s ne vous attendent probablement pas à l’arrêt de bus en bas de la rue, mais malheureusement, le harcèlement entre adultes reste un problème répandu et souvent sous-estimé. Selon une étude américaine réalisée en 2021 par le Workplace Bullying Institute (WBI), 30 % des travailleur·se·s américain·e·s ont déjà été victimes de harcèlement sur leur lieu de travail. Cela signifie que des ­millions d’adultes sont confronté·e·s quotidiennement à des comportements hostiles et intimidants dans un lieu où ils devraient se sentir en sécurité et à l’aise.

Plus de 600.000 Belges vivent chaque jour dans un environnement de travail désagréable.

En Europe, les chiffres sont tout aussi alarmants. Un rapport publié en 2020 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) montre qu’environ 14 % des travailleur·se·s de l’UE sont victimes de harcèlement moral au travail. Et ce problème n’affecte pas seulement les victimes elles-mêmes. Des études montrent que le harcèlement a également un impact majeur sur l’ensemble de l’entreprise. Par exemple, le harcèlement sur le lieu de travail coûte aux entreprises britanniques quelque 18 milliards de livres sterling (!) par an en raison de l’absentéisme, de la baisse de productivité et du turn over du personnel. La situation n’est pas différente en Belgique. Les données de TNO et d’IDEWE montrent qu’environ 9 % et 6 % des employé·e·s de nos régions sont victimes de harcèlement au travail. Cela signifie que plus de 600.000 Belges vivent chaque jour dans un environnement de travail désagréable.

Lire aussi: PSYCHO: comment être soi-même au travail?

Les conséquences du harcèlement moral sont énormes. Une étude de 2018 publiée dans le Journal of Occupational Health Psychology montre que les victimes souffrent davantage de stress, de dépression et d’anxiété. En outre, elles sont souvent confrontées à des problèmes de santé physique, tels que des maux de tête et des troubles du sommeil. En d’autres termes, des mesures efficaces pour lutter contre le harcèlement des adultes sont absolument nécessaires. En sensibilisant et en agissant, nous pouvons travailler ensemble pour créer un environnement (de travail) plus sûr et plus sain pour tou·te·s.

Pourquoi les adultes harcèlent-ils?

Bien que l’on associe généralement le harcèlement aux cours de récréation et aux drames d’adolescent·e·s humilié·e·s sur les réseaux sociaux, en réalité, les brimades n’ont pas de limite d’âge. Les adultes en sont aussi victimes, et ce, pour diverses raisons psychologiques et sociales:

Le pouvoir et le contrôle

L’un des principaux moteurs des comportements de harcèlement chez les adultes est le besoin de pouvoir et de contrôle. Les auteur·rice·s de brimades se sentent souvent peu sûr·e·s d’eux·elles ou incompétent·e·s et compensent ce manque en voulant dominer, humilier ou rabaisser les autres. Ce comportement peut découler d’un passé où ils·elles ont eux/elles-mêmes été victimes de harcèlement ou d’abus, ou d’un profond sentiment d’infériorité. Bien entendu, ce n’est pas une excuse pour un tel comportement.

La pression sociale

Cela fait très lycée, mais la pression des pairs et le désir d’appartenance jouent souvent un rôle chez les adultes. Dans les environnements sociaux tels que les lieux de travail, les clubs sportifs ou même les groupes d’amis, le besoin d’appartenance au groupe peut conduire à des comportements de harcèlement. Il arrive que des personnes se joignent à des harceleur·se·s ou deviennent elles-mêmes des harceleur·se·s par crainte d’être exclues. Là encore, rien ne justifie un tel comportement.

Les harceleurs se sentent souvent peu sûrs d’eux ou incompétents et compensent en voulant dominer, humilier ou rabaisser les autres.

Stress et frustration

En tant qu’adulte, les pressions professionnelles, les problèmes personnels et les situations stressantes font désormais partie de votre vie. Malheureusement, tout le monde ne peut pas l’accepter de la même manière et certain·e·s osent déverser ces émotions négatives sur les autres. Là encore, il ne s’agit pas d’une excuse, mais il est parfois utile de mieux comprendre les comportements hostiles.

Élisabeth, 52 ans: « Je travaille dans le secteur des soins depuis des années et j’ai toujours pensé que les brimades n’avaient lieu que dans les écoles. Jusqu’à ce qu’un nouveau collègue nous rejoigne, rassemble un groupe de personnes autour de lui et me prenne pour cible.... Ils se sont moqués de moi en raison de mon âge et de mon expérience. J’avais l’impression d’être de retour sur les bancs de l’école. En discutant avec mon supérieur et en définissant clairement mes limites, j’ai pu améliorer la situation. J’ai également appris à être plus forte et à m’affirmer. »

Victime de ­harcèlement à l’âge adulte?

Il n’est pas facile de faire face au harcèlement, même à l’âge adulte. En effet, cela peut saper votre confiance en vous et affecter gravement votre santé mentale. Heureusement, il existe des mesures à prendre pour faire face à la situation. Voici ce que vous pouvez faire.

Reconnaître le problème

La première étape consiste à reconnaître que l’on est victime de harcèlement. Cela peut se révéler difficile, d’autant plus que les adultes ont souvent tendance à minimiser ou à rationaliser les comportements de harcèlement: « C’est juste de la blague » ou « Cela fait partie de la culture ». Mais le harcèlement reste du harcèlement peu importe l’âge.

Chercher du soutien

Parlez à une personne de confiance de ce que vous vivez. Il peut s’agir d’un·e ami·e, d’un membre de la famille ou d’un·e thérapeute. Partager vos expériences peut vous soulager et vous aider à relativiser la situation.

Mettre des limites

Il est important de fixer des limites claires avec le·s tyran·s. Faites-leur savoir que leur comportement est inacceptable et intolérable. Cela peut être difficile, mais il est essentiel de se défendre.

Marie, 38 ans: « Je venais d’être promue manager dans ma boîte et j’étais très enthousiaste à l’idée de relever ce nouveau défi. Malheureusement, mon enthousiasme a vite disparu. Certains collègues qui travaillaient dans l’entreprise depuis un certain temps ont commencé à m’ignorer ouvertement pendant les réunions. Ils ont fait des commentaires désagréables sur mes décisions et ont même répandu des ragots à mon sujet. Je me suis sentie très seule et peu sûre de moi. J’ai fini par demander l’aide des ressources humaines et une réunion de médiation a eu lieu. La situation s’est améliorée, mais il a fallu beaucoup de temps avant que je me sente à nouveau en confiance au travail. »

Documenter le comportement

Conservez un registre détaillé des incidents de harcèlement. Notez ce qu’il s’est passé, quand et où, et qui était impliqué. Cela peut s’avérer utile si vous décidez de traiter le problème de manière formelle, par exemple en soumettant le rapport au service des ressources humaines ou en engageant une action en justice.

Chercher de l’aide ­professionnelle

Si le harcèlement affecte sérieusement votre santé mentale, envisagez de demander l’aide d’un·e professionnel·le. Un·e thérapeute ou un·e conseiller·ère peut vous apporter un soutien émotionnel et vous aider à développer des stratégies d’adaptation.

Ce comportement est aussi une forme de harcèlement moral, et vous le pratiquez peut-être plus souvent que vous ne le pensez...

Le harcèlement n’est pas toujours aussi évident que les agressions physiques ou les humiliations manifestes. Il peut se produire de manière très subtile et est souvent déguisé en plaisanterie ou en remarque semblant de prime abord inoffensive. Voici quelques comportements qui peuvent également être considérés comme du harcèlement.

Micro-agressions

Il s’agit de petits commentaires ou comportements, souvent ­inconscients, qui ridiculisent et/ou ­excluent quelqu’un. Il s’agit, par exemple, de remarques ­condescendantes, de stéréotypes ou de plaisanteries malvenues sur l’apparence, l’origine ou la person­nalité d’une personne.

L’exclusion sociale

L’exclusion systématique ou délibérée d’une personne des activités sociales ou des conversations est une forme de harcèlement moral. Elle peut être tout aussi préjudiciable que l’agression physique ou verbale.

Un comportement passif-agressif

Il s’agit de comportements tels que le fait d’ignorer quelqu’un, de ­répandre des rumeurs ou de mettre volontairement quelqu’un mal à l’aise. C’est un moyen subtil, mais efficace de rabaisser et d’intimider quelqu’un.

Il m’a dit de ne pas être aussi hypersensible. J’ai commencé à douter de moi et j’ai même développé des problèmes de santé à cause du stress.

La manipulation

Le comportement manipulateur, qui consiste, par exemple, à remettre constamment en question les ­capacités d’une personne ou à la mettre délibérément dans des ­situations difficiles, est également une forme de harcèlement moral. L’objectif est de faire tomber l’autre personne de son piédestal et de la rendre peu sûre d’elle.

Sven, 28 ans: « Mon patron était un maître du comportement ­passif-agressif. Il me confiait les tâches les moins ­intéressantes, faisait sans cesse des remarques désobligeantes et ignorait mes idées. Lorsque je le confrontais, il en riait et me disait de ne pas être si hypersensible. J’ai commencé à douter de moi et j’ai même ­développé des problèmes de santé à cause du stress. Ce n’est que lorsque j’ai parlé à un proche que j’ai réalisé à quel point la ­situation au travail était toxique. J’ai fini par changer d’emploi et je me sens aujourd’hui beaucoup mieux. »

Vous pensez avoir un ­comportement toxique? Voici comment y mettre fin!

La lecture de cet article vous a peut-être fait prendre conscience que vous étiez vous-même parfois la personne qui harcèle, parce que vous avez ­participé au comportement d’intimidation de quelqu’un d’autre en raison de la pression exercée par vos pairs, par exemple. Vous pouvez changer et mettre fin à ce comportement nocif grâce à aux conseils suivants.

L’autoréflexion est essentielle

Commencez par vous regarder ­honnêtement. Pourquoi vous ­comportez-vous ainsi? Peut-être vous sentez-vous peu sûr·e de vous, stressé·e ou en colère, et vous en faites profiter les autres. En ­comprenant ce qui se passe en vous, vous pouvez vous attaquer à la cause réelle de votre comportement.

Écouter le feed-back des autres

Si on vous fait remarquer que votre comportement est blessant, prenez-le au sérieux. Il peut être ­tentant de se mettre sur la défensive, mais essayez d’être ouvert à la ­critique. Demandez à votre entourage d’être honnête et écoutez ce qu’il a à dire.

Je ne me suis rendu compte de l’impact de mon comportement sur mes collègues que lorsque l’une d’entre elles a éclaté en sanglots et me dise à quel point je compliquais sa vie quotidienne.

Exercer votre capacité d’empathie

Essayez de compatir aux sentiments des autres. Que ressentiriez-vous si quelqu’un vous traitait comme vous traitez les autres? En faisant preuve d’empathie à l’égard des autres, vous pouvez mieux comprendre et adapter votre comportement.

Présenter des excuses

Si vous vous rendez compte que vous avez blessé quelqu’un, présentez vos excuses. Des excuses sincères peuvent compenser beaucoup de choses. Elles montrent que vous ­assumez la responsabilité de vos actes et que vous êtes prêt·e à changer.

Chercher de l’aide professionnelle

Si vous avez du mal à changer votre comportement, parlez-en à un·e ­professionnel·le de la santé mentale. Un·e thérapeute peut vous aider à mieux gérer les émotions et les situations qui vous poussent à ­commettre des actes de harcèlement.

Apprendre à communiquer positivement

Travaillez vos compétences en ­matière de communication. Apprenez à vous affirmer sans devenir ­agressif·ve. Cela vous aidera à ­exprimer vos sentiments et vos ­besoins sans blesser les autres.

Travailler sa confiance en soi

Les comportements ­d’intimidation découlent parfois d’un manque de confiance en soi. ­Travaillez votre ­estime de soi par des affirmations positives, en vous fixant des objectifs réalisables et en célébrant vos succès. Plus vous vous sentirez bien dans votre peau, moins vous aurez besoin de rabaisser les autres.

S’entourer d’influences positives

Passez du temps avec des personnes qui vous incitent à donner le meilleur de vous-même. Les influences ­positives peuvent vous aider à briser vos schémas comportementaux et à adopter de meilleures habitudes.

Continuer à apprendre et se développer

Le changement est un processus continu. Continuez à travailler sur vous-même, soyez patient·e et ­donnez-vous le temps de grandir. Et surtout, restez motivé·e pour changer les choses de manière positive.

Jerôme, 40 ans: « Je dois admettre que j’étais moi-même un tyran. Je ne me rendais pas compte de l’impact de mon comportement sur mes collègues jusqu’à ce que l’une d’entre elles éclate en ­sanglots et me dise à quel point je lui compliquais la vie au quotidien. Ça a été une énorme prise de conscience. J’ai évalué mon ­comportement de manière ­approfondie et j’ai cherché une aide professionnelle pour travailler sur moi-même. Depuis, j’essaie d’apporter une contribution ­positive à mon équipe et je suis plus conscient de la manière dont je traite les autres. Il n’est jamais trop tard pour changer. »

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