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© Getty Images

PSYCHO: quand le manque de temps impacte la santé mentale

« Je n’ai pas le temps » fait partie de vos phrases préférées? Vous vous sentez esclave d’un agenda surbooké? Anouck Meier, coach et spécialiste de la lenteur, comme elle aime se décrire, met à mal le mythe de la culture de l’effervescence et vous aide à reprendre le contrôle de ce qui a de plus précieux dans la vie: votre temps.

Mes nuits sont interrompues, mes journées sont remplies à craquer (peut-être puis-je quand même encore caser quelque chose entre 3 et 4 h du matin?). Je suis toujours occupée et en même temps je ne me sens jamais comblée. Je n’arrive jamais à rien faire. Les points de ma to do list semblent se multiplier tout seul. La satisfaction, sans parler du plaisir, est loin d’être au rendez-vous. Je suis physiquement et mentalement épuisée. « J’ai au moins 20 onglets ouverts dans ma tête, et non, je n’ai aucune idée d’où vient la musique! » comme l’image si bien, Anouck Meier, autrice, conférencière et animatrice du podcast Rebel Rants. Elle s’est donnée pour mission de dénoncer le mythe de l’industrie de la productivité: l’idée qu’une vie sous pression est meilleure et que l’on peut tout avoir – carrière, famille, vie sociale – si l’on se donne suffisamment de mal. C’est un mensonge!

Après tout, l’augmentation de la productivité et de l’efficacité à laquelle nous aspirons tous est un cercle vicieux. Lorsque nous avons créé suffisamment de richesses pour répondre à nos besoins, nous avons commencé à créer de nouveaux besoins et à inventer de nouveaux modes de vie. Ce qui, à son tour, nous a obligés à travailler davantage pour nous les offrir.... C’est ainsi que nous avons continué à nous démener pour payer nos 2 voitures, les vacances en avion en été, le séjour au ski, le citytrip à Londres, l’abonnement à la salle de sport, les sorties entre copines, les dîners, le concert de Taylor Swift, explique Anouck Meier. En d’autres termes, ce n’est jamais assez! L’auteur Oliver Burkeman appelle cela l’escalier de la productivité:

Plus vous travaillez efficacement, plus vous libérez de temps pour... travailler encore plus.

Conséquence: vous éprouvez un sentiment permanent de manque de temps. Notre société et l’industrie florissante de l’auto-assistance aiment rejeter la responsabilité sur l’individu. Il suffit de travailler un peu plus, de se lever un peu plus tôt, de travailler un peu plus dur, de regarder un peu moins son téléphone! Alors que, selon Anouck Meier, la pression temporelle que nous expérimentons possède des causes externes telles que la culture de l’effort, le patriarcat et l’économie de l’attention. ¿Qué ?

– La culture de l’effort: c’est l’idée qu’il faut travailler dur 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour réussir. Cette idée fonctionne particulièrement bien pour les hommes dont la partenaire reste à la maison pour s’occuper du ménage et pour les Kardashian qui emploient une armée de personnel, mais qui semblent pourtant bien décidées à donner des instructions aux autres: « Bougez votre putain de cul et travaillez! »

– Patriarcat: ce système social dans lequel les hommes ont plus de pouvoir que les femmes. Effets secondaires possibles: l’écart salarial et la pénalité de la maternité, c’est-à-dire le prix que les femmes qui travaillent paient (moins de promotions, des attentes plus élevées...) lorsqu’elles deviennent mères.

– L’économie de l’attention: un système économique où notre attention est devenue le bien suprême pour lequel les marques se battent. Nos données sont devenues des cibles, et tout ce que les algorithmes nous servent est stratégiquement placé là pour capter notre attention. Le temps, c’est de l’argent, mais l’attention aussi, et une énième publicité présentée comme un mème ne la mérite pas vraiment.

Selon Anouck Meier, la culture de l’effort, le patriarcat et l’économie de l’attention forment ensemble « un cocktail toxique de productivité dans lequel nous marinons tous ». En effet, ces systèmes et d’autres veillent à ce que nous courions dans une roue de hamster: une course effrénée dont la ligne d’arrivée n’arrive… jamais! Vous pouvez penser qu’une Story Insta  avec votre ordinateur portable déplié dans un café est plus belle qu’une photo de votre bol de chips dans le canapé, mais une vie « overbookée » n’est pas meilleure qu’une autre. Il s’agit juste d’une idée reçue. Au mieux, c’est une autoroute vers le burnout. Alors comment trouver la bonne sortie? En se rebellant! « Devenez un rebelle du temps », recommande Anouck Meier: un rebelle qui fait des choix conscients, fixe des limites et sait que chaque seconde n’a pas besoin d’être dépensée utilement. Car, écrit l’auteure, « un jour, vous ne serez plus là et la dernière chose que vous voulez, c’est d’être sur votre lit de mort en train de regretter tous les plaisirs que vous ne vous êtes pas octroyés. Et non, je ne parle pas d’un quart d’heure passé à parcourir Instagram pendant que vous remuez les casseroles du dîner. Ou de ces 5 minutes passées seule avec vos pensées en attendant dans la voiture d’aller chercher votre progéniture à l’école de danse. »

Pourquoi les femmes sont plus pressées (et ce que vous pouvez faire pour y remédier)?

« Le temps est le grand égalisateur », dit le proverbe, mais qu’en est-il? Le temps n’est pas aussi neutre que ce qu’on pense. En fait, les femmes subissent davantage de contraintes de temps que les hommes. Une étude de la VUB, par exemple, montre qu’en plus de leur travail, les femmes consacrent en moyenne 22 heures par semaine aux tâches ménagères, contre 13,5 heures pour les hommes. En ce qui concerne la garde des enfants, les femmes belges consacrent même 2 fois plus d’heures que les hommes. À cela s’ajoute une charge mentale: le travail invisible qu’implique la gestion d’une famille. Cette charge – surprise! – est principalement assumée par les femmes. Anouck Meier parle d’un « time squeeze », un sentiment de pression temporelle particulièrement répandu chez les femmes, et de « time confetti », une fragmentation sans fin du temps en quelques minutes par-ci et quelques minutes par-là.

Les recherches montrent que le temps des femmes, en particulier celui des mères (surtout si elles ont aussi un emploi rémunéré), est plus fragmenté que celui des hommes.

Il est apparemment difficile pour les femmes de lutter contre cette fragmentation – précisément en raison des différences que nous avons énumérées plus haut. Celle qui s’occupe du ménage et de la plupart des enfants, tout en ayant un emploi, est automatiquement occupée à 101 choses à la fois. Vous savez donc immédiatement d’où vient le cliché selon lequel les femmes sont douées pour le multitâche: les anciens rôles de genre et l’inégalité entre les hommes et les femmes. Nous sommes multitâches contre notre gré, simplement parce que nous n’avons pas le choix. Selon Anouck Meier, certaines femmes portent cette étiquette comme un badge d’honneur: « Vous pouvez porter votre statut d’employée surchargée et de mère de famille comme une sorte de badge d’honneur. Il est bon d’être occupée, c’est une question de prestige. » Pourtant, nous avons tout à gagner à nous défaire de ces carcans et à ne pas toujours vouloir être la Good Girl™ qui répond aux attentes de tout le monde.

Pour passer du statut de gentille fille à celui de rebelle du temps, il faut changer radicalement d’état d’esprit, explique l’auteure. Une rebelle du temps occupe son espace et utilise sa voix. Elle est en contact avec ses propres besoins et désirs et ose les défendre. Elle ne se contente plus du rôle d’acolyte, mais exige le rôle principal. Les masques peuvent tomber, les corsets s’effacer: une rebelle du temps ne se glisse plus dans des rôles et des moules imposés, mais est sans équivoque pleinement et délicieusement elle-même. Par-dessus tout, elle met un point d’honneur à ne pas se décevoir elle-même. Elle s’entraîne à ne pas faire de vagues et à respecter ses limites (parce que si elle ne le fait pas, qui le fera?). En conséquence, elle consacre plus de temps aux choses (et aux personnes!) qui sont importantes pour elle. » Pour une rebelle du temps, une bonne gestion du temps ne consiste pas à l’optimiser à l’aide d’agendas, d’applications et d’astuces, mais à oser se le réapproprier.

Oubliez les t-shirts à slogan et poils sous les bras: le véritable acte féministe est de prendre du temps pour soi.

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