Si les fêtes de fin d’année représentent la joie de se retrouver en famille, elles peuvent être aussi synonymes de stress et de déception lors du passage à la case cadeau. Les cadeaux sont-ils vraiment importants? Que disent-ils de nos liens et comment ne pas se tromper? On fait le point sur l’art d’offrir.
Les fêtes de fin d’année approchent et – si l’on se réjouit de cette période joyeuse et chaleureuse – on appréhende quelque peu le stress engendré par le choix des cadeaux. Cette obligation (ou tradition, c’est selon) de s’offrir des cadeaux nous cause de plus en plus de pression. Une étude récente menée chez nos voisins du Nord a montré que 43 % d’entre eux souhaitent impressionner leurs proches avec un cadeau. Ce sont surtout les jeunes femmes qui désirent susciter la surprise, avec un score grimpant à 70 %. Nous sommes donc très nombreuses à nous mettre une pression folle, déambulant en sueur dans les rues commerçante à la recherche du cadeau parfait. Pour finalement dépenser beaucoup trop d’argent dans des trouvailles douteuses ou se retrouver avec un chèque-cadeau. Mais si offrir des cadeaux engendre tant de stress, pourquoi continuer? Nous avons posé la question au sociologue Dimitri Mortelmans. Il nous apprend que nous considérons le don comme le ciment de ce qui nous lie en tant qu’êtres humains. En donnant et en recevant, nous développons des relations sociales et nous les renforçons. Les cadeaux soulignent l’importance que nous jouons dans la vie des un·e·s et des autres. Lorsqu’il y a autant d’enjeux, on a envie que tout se passe bien. Il n’est pas non plus étrange que les femmes en particulier veuillent marquer des points au moment de l’ouverture des paquets sous le sapin: en sociologie de la famille, les femmes sont les « gardiennes du foyer » car ce sont celles qui se soucient le plus des liens familiaux.
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Isabelle Coppens est experte en étiquette contemporaine et savoir-vivre. Pour elle, la valeur d’un cadeau de qualité réside dans sa touche personnelle. Au fait de réfléchir attentivement à ce qui pourrait faire plaisir à un proche. De s’efforcer de trouver la meilleure boutique pour l’acheter. De choisir un cadeau dont on sait qu’il représente quelque chose pour l’autre personne ou pour son passé.
Un cadeau prend de la valeur quand on a réfléchi à ce qui pourrait faire plaisir à l’autre. Cela en dit long sur la relation.
Tout le monde peut sentir la différence entre une bouteille de vin spéciale provenant d’une région où vous avez passé des vacances ensemble et une autre provenant du supermarché. N’oubliez pas non plus de prêter attention à l’emballage, explique Isabelle Coppens: « Il ajoute à l’effet de surprise. C’est une autre façon de montrer que vous avez fait un effort et que quelqu’un compte beaucoup pour vous. »À première vue, notre culture du don semble bien se porter. Chaque année, des records d’achat sont battus à Noël et nous dépensons de plus en plus pour les autres. Pourtant nous voyons bien moins nos familles qu’auparavant. Lorsqu’il nous arrive d’enfin nous retrouver, l’échange des cadeaux devient partie intégrante de ce moment important. « À cela vient s’ajouter le fait que notre société individualiste nous pousse à connaître peu notre prochain, précise le sociologue Dimitri Mortelmans. Le cadeau symbolise en partie ce lien manquant entre 2 personnes. Pour trouver un bon présent, il faut connaître son destinataire. C’est là que le bât blesse de plus en plus. Un bon cadeau dit: je te connais, je sais ce qui te fera plaisir. En même temps, il en dit long sur celui qui l’offre, parce qu’il est évident qu’il n’offre pas quelque chose qu’il pense horrible. Le fait que nous nous connaissions moins bien rend les choses plus difficiles. »
Comme toujours, nous, les gens modernes, trouvons des solutions aux problèmes modernes. Nous avons donc inventé les listes de cadeaux pour ne pas prendre de risques, même si cela enlève une partie du plaisir d’offrir, qui consiste à surprendre l’autre par un cadeau original. Dorénavant, vous marchez sur des œufs si vous vous éloignez des recommandations… Une solution consiste à s’inspirer de ces conseils. Votre cousin aime le jazz? Dans ce cas, vous pouvez acheter un disque qui ne figurait pas sur la liste, mais que vous estimez être une véritable trouvaille. C’est un équilibre difficile à trouver, mais pour marquer des points, il faut parfois oser prendre des risques. Selon l’enquête précitée, 36 % des personnes interrogées n’offrent que des cadeaux qu’elles apprécient elles-mêmes. Une personne sur 3 ne s’écarte jamais des listes de cadeaux. Il faut déjà être très sûr de la valeur ajoutée de son alternative pour s’écarter de la préférence personnelle de quelqu’un. « Si quelqu’un indique vraiment ce qui lui ferait plaisir, il vaut mieux s’y tenir », estime Isabelle Coppens.
Un bon Bongo n’égalera jamais le fait d’offrir à vos amis un bon pour le restaurant dans lequel vous savez qu’ils rêvent de manger.
Vous pouvez ensuite tenter d’apporter une valeur ajoutée grâce à un emballage original ou une touche personnelle. Si des amis souhaitent une contribution pour un voyage en Asie, vous pouvez simplement mettre de l’argent dans une enveloppe, et apporter des ballons aux couleurs du drapeau du pays qu’ils veulent visiter. Lorsque j’ai récemment fêté mes 40 ans, l’un de mes plus vieux amis m’a offert 40 petits paquets, comprenant à chaque fois une anecdote que nous avons vécues ensemble. Cela vaut plus que le cadeau le plus cher du monde! » Et en cas de panne d’inspiration, il y a toujours l’option du chèque-cadeau, n’est-ce pas? Une alternative que notre spécialiste ne rejette pas catégoriquement, tout en rappelant qu’un bon Bongo n’égalera jamais le fait d’offrir à vos amis un bon pour le restaurant dans lequel vous savez qu’ils rêvent de manger…
Le juste prix
« L’une des questions que les gens se posent le plus souvent est: combien cela doit-il coûter? Je le remarque également lors des mariages », explique Isabelle Coppens. Il est difficile de fixer un montant, car cela dépend de beaucoup de choses. « À quel point connaissez-vous la personne? À quoi êtes-vous invité: au vin d’honneur ou au dîner complet? S’agit-il de collègues ou de membres de la famille? Surtout, n’exagérez pas sur la taille des cadeaux. À la longue, les gens ont l’impression qu’ils ne peuvent pas donner assez en retour. »Selon Dimitri Mortelmans, il convient d’équilibrer les dépenses. Il est souvent utile de conclure des accords sur les prix au sein de la famille: et décider que tout le monde doit trouver un cadeau à 7 euros par exemple. Acheter un cadeau plus onéreux ne serait pas correct, trop bon marché non plus.
Les mauvais cadeaux peuvent conduire à une rupture. Mais ce qui est beau, c’est que nous savons tous que ce n’est pas simple, alors nous sommes indulgents.
Mais le temps a aussi une valeur, ajoute Dimitri Mortelmans. « Si vous savez que quelqu’un collectionne les vieilles radios et que vous écumez différents marchés d’occasion pour trouver la bonne, cela peut avoir beaucoup de valeur. En effet, le destinataire connaît la rareté de l’objet et les efforts que vous avez déployés pour l’obtenir. »Selon Isabelle Coppens, il vaut mieux abandonner l’idée de considérer un cadeau en termes de valeur financière. « Quelqu’un a passé 6 mois à tricoter une écharpe pour vous? Cela a plus de valeur émotionnelle que l’achat d’une écharpe coûteuse dans un magasin. Dans ma famille, nous avons cessé d’offrir des cadeaux matériels. Avec le temps, nous en étions venus à dresser des listes de cadeaux, avec le lien url pour l’acheter directement. Qu’est-ce que ça vaut, au final? Nous sommes maintenant passés à un système de tirage au sort et de cadeau immatériel. Par exemple, j’ai offert à ma belle-sœur un atelier de céramique comme cadeau pour nous 2. »
Heureux et en bonne santé
Elizabeth Dunn est professeure de Psychologie à la British Columbia et experte en matière de bonheur. Ses recherches montrent que les gens sont plus heureux et en meilleure santé lorsqu’ils dépensent de l’argent pour quelqu’un d’autre que pour eux-mêmes. Il apparaîtrait même qu’ils ont une tension artérielle plus basse. Offrir des cadeaux ne fait donc pas seulement chaud au cœur: c’est aussi tout simplement bon pour le cœur. Enfin… pas toujours! D’après ses recherches, un cadeau mal choisi présente également un danger: il peut avoir un impact négatif sur votre future relation, le destinataire pouvant s’imaginer que la personne qui offre ne le connaît pas assez. Mais un mauvais cadeau peut-il vraiment détruire des liens? Affirmatif, selon Dimitri Mortelmans. « Si quelqu’un tente de vous soudoyer, par exemple, et que vous refusez, cela peut mettre fin à la relation. Ou si, en tant que chef de service, vous vous mettez en tête d’acheter un ensemble de lingerie à votre secrétaire, cela peut aussi poser problème. » Ou si vous oubliez votre toute nouvelle chérie et que vous arrivez avec un bouquet de fleurs de la station-service... « Il y a bien des cadeaux qui peuvent conduire à la rupture. Mais à la fête de Noël, ce risque est beaucoup plus faible. Car c’est un autre aspect positif de notre culture du cadeau: nous savons tous qu’il n’est pas toujours facile de dénicher le cadeau parfait et nous nous montrons donc assez indulgents. »
Quelqu’un a passé 6 mois à vous tricoter une écharpe? Cela a plus de valeur qu’une écharpe d’un magasin coûteux.
Donner et recevoir
Nous avons beaucoup parlé du don, mais savoir bien recevoir est aussi tout un art. Dès leur plus jeune âge, nous enseignons aux enfants qu’il faut toujours être heureux quand on reçoit quelque chose. « Après Noël, on peut faire ce qu’on veut de nos cadeaux sur les sites de seconde main, mais le soir même, il faut absolument prétendre adorer son cadeau », explique Isabelle Coppens. Ne mentez pas en disant que c’est le plus beau vase du monde si vous pensez qu’il est moche, mais remerciez la personne qui vous l’offre de l’avoir choisi pour vous. Au Japon, on n’ouvre pas un cadeau en présence de la personne qui l’a offert, afin que notre visage ne trahisse pas notre déception.
Si vous recevez de l’argent ou un bon d’achat, il est toujours chouette d’envoyer un message de remerciement après l’avoir utilisé.
Essayez de toujours être reconnaissant·e. Si vous recevez de l’argent ou un bon d’achat, il est toujours chouette d’envoyer un message de remerciement après l’avoir utilisé. Et qu’en est-il de ce groupe de personnes qui répond systématiquement n’avoir besoin de rien (ma mère en fait partie). Dimitri Mortelmans se moque gentiment de ce qu’il appelle le « pire groupe ». Cela complique la tâche de la personne qui se sent de toute façon obligée d’offrir quelque chose. Si l’on considère le « don » du point de vue de la valorisation de l’autre, ces personnes ne le permettent pas. Elles découragent également l’autre personne de penser à ce qu’elle peut faire pour la rendre heureuse. En ce sens, elles appauvrissent un peu le lien. Néanmoins, nous devons respecter la volonté de la personne qui n’a besoin de rien, conclut Isabelle Coppens. Mais il faut trouver une alternative, en se concentrant sur le temps passé ensemble. « Par exemple, pensez à l’inviter à un spectacle. Je pense qu’il faut abandonner l’idée que le cadeau idéal existe. Concentrez-vous sur la connexion avec l’autre, l’expérience et la touche personnelle, et les choses iront toutes seules. »
Meilleur cadeau du monde
Frédéric « Nous n’étions ensemble que depuis 6 mois à Noël, je n’attendais donc pas grand-chose de mon chéri. Mais il m’a offert un joli petit livre contenant une photo pour chaque mois passé ensemble, ainsi qu’une citation tirée d’un livre ou d’une chanson. Le fait qu’il y avait consacré autant de temps montrait à quel point je comptais pour lui. »
Louise « Lorsque je suis devenue maman pour la première fois l’année dernière, j’ai eu du mal pendant les premiers mois. M’occuper de mon bébé, faire le ménage, reprendre le travail... C’était trop. J’ai négligé mes amies. À Noël, mes 2 meilleures amies m’ont offert un carnet de coupons: un coup de main pour le ménage, 3 plats pour le congélateur, une soirée de baby-sitting, une soirée de cocktails.... Depuis, j’ai utilisé tous les bons! »
Amandine « J’aime énormément les vinyles de soul. Mes amis se moquent parfois de mon enthousiasme et de ma compulsion à les collectionner. Lorsque mon père Noël secret m’a offert 2 classiques l’année dernière, il a montré qu’il me comprenait mieux que personne. »
Texte de Kaatje de Coninck et Justine Rossius
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