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Que faire si vous (ou un proche) êtes victime de maltraitance psychologique ?

« Tu vas vraiment sortir comme ça? », « C’est bon, pas la peine d’en faire un drame »... Quand commence la violence psychique? Trop souvent minimisés ou passés sous silence, les abus émotionnels sont pourtant tout aussi intolérables que les coups.

Si la violence physique ou sexuelle est reconnue, il existe une autre ­forme d’abus, tout aussi terrible: la violence psychologique. Et, alors que les ­cicatrices d’un corps brutalisé sont visibles, les conséquences de la ­cruauté mentale passent elles, bien souvent inaperçues. La souffrance est pourtant bien là et montre qu’il n’est pas nécessaire de recourir aux coups pour blesser quelqu’un. La ­violence psychologique laisse des traces profondes et toutes aussi nocives. Comment réagir lorsqu’on (ou un·e proche) est victime de maltraitance psychologique?

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Qu’en dit la psychologue?

Lies Clerx, psychologue clinicienne « La violence psychologique implique un comportement non physique provoquant une douleur psychique chez une autre personne. Il peut s’agir d’une attitude insultante, humiliante, menaçante ou de toute autre forme pouvant ­influencer l’univers émotionnel d’un individu adulte (ou le développement émotionnel d’un enfant). Cette forme d’abus est souvent subtile et donc pas immédiatement perceptible, mais peut rapidement entraîner un malaise au sein d’une relation. Ceux qui la vivent se sentent ­souvent honteux ou coupables, estimant avoir aussi une part de ­responsabilité ou mériter d’être ­traité ainsi. La violence psychologique ne peut avoir de définition claire, mais elle conduit, par contre, toujours aux mêmes conséquences: stress, peine et faible estime de soi. Et dans les cas graves, à des troubles anxieux, de la dépression et un traumatisme. Les effets de ce type d’abus sont tout aussi graves que ceux entraînés par de la violence physique. » Vous ne parvenez pas à lutter contre votre partenaire et/ou un proche, qui vous rabaisse et vous humilie? Vous pourriez être victime de violence ­psychologique, à même d’affecter durablement votre bonheur et votre confiance en vous et de vous ­entraîner dans une spirale de ­dépression et d’insécurité.

La violence psychologique peut-elle être considérée comme une mauvaise blague?

La psychologue: « Les blagues ­semblent innocentes… Le mot lui-même renferme une certaine ­légèreté, mais elles ne le sont pas. Un commentaire humoristique sur votre silhouette ou le fait d’être tête en l’air peut amener à rire, surtout que l’on a tous ce genre de travers. Mais ­enfoncer constamment le clou sur un aspect de votre personnalité ou votre physique, finira par vous ­blesser. Et vous amener à vous sentir différent ou pas assez bien. Et, de peur de souffrir d’autant plus, vous éludez le problème ou le minimisez plutôt que de confronter votre interlocuteur. »

Si quelqu’un enfonce sans cesse le clou sur un aspect de votre physique ou votre personnalité, cela finira par vous blesser.

Ingrid « Les gens qui nous ont côtoyés, mon ex et moi, ont sûrement cru qu’il me ­taquinait et aimait me faire des blagues. Il était sans cesse sur mon dos. Si nous nous ­faisions livrer des plats lors d’un dîner entre amis, c’était parce que je ne savais pas ­cuisiner. Plein d’esprit, en ­effet. Et si je devais me ­rappeler d’un évènement, il s’en occuperait, car j’étais incapable de me souvenir de quoi que ce soit. Souvent, il n’arrivait pas à s’arrêter, ­provoquant un silence gêné dans notre groupe. Nos amis avaient sûrement un autre avis, mais de mon côté, j’ai commencé à croire que je ne valais rien. Je n’avais plus confiance en moi, même pour les décisions les plus simples. Heureusement après une ­thérapie, j’ai pu faire un choix essentiel: celui de mettre fin à notre relation. »

C’est une sensation très étrange de ne plus pouvoir compter sur soi-même. Surtout par la faute de quelqu’un d’autre.

Isabelle « Je ne me souviens pas avoir jamais reçu de ­compliments de mon père. Il ne m’a jamais montré qu’il était fier de moi, alors que je ne rêvais que d’une chose: qu’il me voie et m’aime. À cause de lui, je suis devenue une personne qui cherche à tout prix à plaire et je me sens souvent invisible. »

Elsa « Selon mon ex, tout ce qui n’allait pas dans notre couple était ma faute. Il flirtait avec d’autres femmes? Cela ne faisait que prouver mon manque de confiance en moi. Il m’a convaincue que je me faisais des idées et que j’imaginais tout. Il m’a même dit un jour que je devrais prendre exemple sur ces femmes et ­accorder plus d’attention à mon apparence. La communication entre nous était un désastre et il ne tenait jamais compte de mon opinion. Si j’avais froid, il estimait qu’il faisait chaud, juste pour me contredire. J’ai fini par comprendre que je ne pourrais jamais être assez bien, quels que soient mes efforts. »

Soraya « Pendant notre relation, mon ex me ­comparait constamment aux autres. C’était comme si je devais sans cesse lui prouver ma ­valeur, alors que je ­devenais de plus en plus mal à l’aise. Et j’ai fini par croire que peu importe mes efforts, je ne serais jamais à la hauteur des attentes de mon ­partenaire. »

Coralie « Ma mère m’a toujours critiquée, même pour les choses les plus infimes. Elle me ­ridiculisait souvent pour la manière dont je m’y prenais ou pour mes actes et me faisait bien comprendre que je n’étais pas à la hauteur de ses attentes. Il m’a fallu des années pour m’en libérer et croire en moi. C’est ce que je désire plus que tout aujourd’hui: me faire confiance plutôt que de lui accorder du crédit. »

Mona « Avant de sortir avec mon ex, j’avais un grand groupe d’amis. Mais plus notre relation durait, plus il m’isolait des autres. Je me sentais toujours plus ­dépendante de lui et j’avais le sentiment de n’avoir personne d’autre sur qui m’appuyer. Je m’accrochais à lui, même lorsqu’il me traitait mal. Heureusement, j’avais un ami qui n’arrêtait pas de tenter de m’ouvrir les yeux et qui a fini par y parvenir. »

Rayah « Au début, je trouvais la jalousie de mon copain ­mignonne et innocente, mais rapidement, j’ai eu le sentiment d’étouffer et de ne plus pouvoir choisir ma propre vie. J’avais l’impression de n’avoir plus de contrôle sur mon existence et qu’il décidait de tout à ma place. Cela m’a ­rendue angoissée et peu sûre de moi et de ce que je voulais. »

Élise « Mon compagnon n’arrêtait pas de ­minimiser mes ­sentiments, me faisant douter de moi. Soi-­disant, j’exagérais en disant que notre couple prenait une mauvaise direction. Soi-disant, j’étais trop sensible quand je ­pleurais ­pendant une dispute ou j’en ­faisais tout un plat s’il se ­fâchait. À force ­d’entendre ce genre de propos, on finit par y croire. Ça a été si loin que j’ai arrêté de faire confiance à mon ­intuition et d’écouter mes ­émotions. C’est une sensation très étrange de ne plus pouvoir compter sur soi-même. Surtout par la faute de quelqu’un d’autre. »

Je m’accrochais à mon ex même lorsqu’il me traitait mal. Heureusement, j’avais un ami qui n’arrêtait pas de tenter de m’ouvrir les yeux et qui a fini par y parvenir.

Comment reconnaître la violence psychologique?

Celle-ci peut prendre différentes formes et se révèle difficile à définir. Notre psychologue explique comment identifier les abus émotionnels: « Un premier ­signal est le sentiment (ou celui de votre entourage) de voir votre liberté restreinte ou de vous estimer entravée dans vos paroles, vos actes, votre ressenti ou votre pensée ou dans votre vision du présent et de l’avenir. Pour chaque choix que vous faites, quelqu’un vous surveille ou tente d’influer sur vos décisions. Le but de ce type d’abus est de créer une hiérarchie, plaçant l’abuseur au sommet. »

Chantage émotionnel

  • Votre partenaire/proche vous « punit » en vous privant de son amour
  • ne prend pas ses responsabilités au sein de la relation est distant émotionnellement
  • utilise vos faiblesses et vos peurs contre vous
  • ne laisse aucune place à vos sentiments
  • affirme que vous exagérez, êtes ­hypersensible, faites des drames
  • ignore vos besoins
  • ignore ou minimise vos sentiments
  • se moque de vous lorsque vous tentez d’avoir une conversation sérieuse

Attentes surréalistes

  • Votre partenaire/proche s’attend à ce que vous soyez toujours responsable
  • exige que vous ne dépensiez pas ­d’argent sans son autorisation
  • refuse toute contradiction
  • désapprouve ouvertement ce que vous dites ou faites car rien n’est assez bien.

Agression verbale

  • Votre partenaire/proche vous critique constamment, mais ­n’accepte aucune remarque en retour
  • vous donne des surnoms désagréables ou offensant
  • s’adresse à vous comme à un enfant
  • vous dit des choses blessantes devant témoins ou tient à d’autres des propos ­cruels sur vous.

Contrôle et domination (abus de pouvoir)

  • Votre partenaire... utilise la sexualité comme moyen de ­contrôle, pression ou manipulation
  • se victimise et vous considère comme la cause de tout ses problèmes
  • veut toujours savoir où vous êtes et ce que vous faites
  • corrige sans cesse votre comportement

Environnement instable

  • Votre partenaire/proche... vous rabaisse et vous humilie (également en présence de tiers)
  • souligne constamment vos lacunes, vos défauts et vos erreurs
  • emploie le sarcasme ou l’humour pour vous amener à être mal à l’aise
  • dépasse sans cesse vos limites

Une liste assez complète dont on espère que vous ne cocherez aucune case. Mais comment réagir si c’est le cas?

La psychologue « Si un ou plusieurs ­comportements expliqués ici ­surviennent occasionnellement, on ne peut pas ­forcément les classer comme cas de maltraitance émotionnelle. Ce type ­d’attitude peut avoir lieu temporairement, en période de stress intense, de dépendance ou de maladie longue durée. Mais si par contre elles sont partie intégrante de votre ­quotidien et que votre entourage les ­accepte (‘oh, tu le/la connais…’), il est plus que probable qu’il s’agisse bien d’abus ­psychiques. Et il n’y a ­aucune justification à un tel comportement. »

L’impact

La violence émotionnelle a un énorme impact sur la personne qui la subit. La psychologue « L’abus ­psychologique vous diminue et vous rabaisse. Ses victimes se sentent alors de plus en plus petites, se replient sur elles-mêmes et bien souvent se ­taisent. Et en parallèle, elles continuent à défendre bec et ongles leur partenaire et à lui trouver des excuses, espérant ainsi obtenir l’amour qu’elles désirent tant. Elles se sentent inutiles, déprimées, anxieuses ou en colère sans raison ­apparente. Leurs contacts et liens avec leurs proches, amis et famille, peuvent diminuer, sous influence du partenaire ou dans le but de s’épargner d’autres conflits. »

Les difficultés psychologiques les plus courantes chez les victimes

• Faible estime de soi et doute ­profond: l’autre dirige votre existence et vous prive de votre capacité à prendre des décisions par vous-même.

• Honte: vous vous demandez ­comment vous vous êtes retrouvé·e dans une telle situation et avez du mal à en discuter avec vos proches, par gêne et ou peur qu’ils vous ­encouragent à mettre un terme à la relation. Étape à laquelle vous n’êtes pas encore prêt·e.

• Impuissance: quoi que vous fassiez, c’est toujours trop ou trop peu. Rien n’est jamais assez bien.

• Tension et stress: vous vous tracassez beaucoup. Aussi bien de vos actes que de la façon d’arriver à vous sentir mieux.

• Solitude: les gens autour de vous s’éloignent et/ou vous vous repliez sur vous-même. Votre cercle social se réduit et les contacts diminuent.

Comment sortir de cette spirale?

Il n’y a pas de solution miracle, mais que peut-on faire pour se protéger de la violence psychologique? La psychologue « Par ses abus émotionnels, l’autre dépasse vos limites. Vos besoins ne sont pas respectés et vous en souffrez. C’est pourquoi il est essentiel de vous protéger, afin d’éviter à votre santé et votre bonheur d’en pâtir davantage. Exprimer vos limites à un individu abusif ou immature, ne fonctionne habituellement pas. Et n’entraîne que plus de stress et de conflits. Souvent, la seule issue viable est alors de rompre tout contact. Il n’est pas égoïste de se choisir soi-même, lorsqu’on est victime de violence psychologique, car il s’agit du seul moyen de l’arrêter et d’en guérir. Mais, dans certains cas, il n’est tout simplement pas possible de bannir votre agresseur et de le sortir de votre vie. Si par exemple vous avez des enfants ensemble, il est nécessaire de conserver un minimum de contacts. Et lorsqu’il s’agit d’un parent, couper les ponts peut sembler trop drastique. Dans tous les cas, une rupture familiale ou un divorce, entraîne un processus de deuil. Vous perdez non seulement un partenaire/parent qui vous a maltraité, mais aussi une relation, une famille, des perspectives d’avenir et des rêves communs. »

Conseils aux proches de victimes

Si vous ­soupçonnez l’un·e de vos proches d’être victimes de violence psychologique, il existe des ­solutions pour lui venir en aide. La psychologue « C’est ­justement parce que les abus psychiques se produisent de ­façon insidieuse et sous couvert d’évènements banals qu’il est souvent très difficile d’avoir la certitude qu’on est bien face à ce type de cas. Si vous soupçonnez l’un de vos proches d’en être ­victime, parlez-en d’abord aux personnes de votre entourage commun pour sonder leur avis et voir si vos doutes sont partagés. Si oui, vous pouvez alors entamer une discussion avec la personne concernée afin de tenter d’y voir plus clair. Et si vous le sentez, rien ne vous empêche d’en parler avec l’agresseur. Demandez-lui comment il va. Il peut vivre des circonstances stressantes qui expliqueraient son comportement et donneraient un éclairage différent à la situation. Dans ce cas, l’auteur a lui-même besoin d’aide. Et cela pourrait être le premier pas vers une solution. »

Si vous ressentez un besoin d’aide ou de conseils, contactez le 1712, ligne ­d’assistance professionnelle traitant de toutes les questions liées à la violence, aux abus et la maltraitance, y compris des enfants. Une aide en ligne est disponible sur le site 1712.be (pour les victimes comme les témoins).

Conseils aux victimes

Vous êtes victime de violence ­émotionnelle et souhaitez ­retrouver votre confiance en soi et ­en guérir? Ces conseils de notre psychologue peuvent vous être précieux.

• Reconnaissez et acceptez être victime d’abus psychologiques. Ce qui est arrivé n’est pas votre faute. Il peut être difficile de ­l’admettre, car ce constat peut ­entraîner de la honte, mais c’est une première étape essentielle vers le changement.

• Faites confiance aux autres et racontez-leur votre histoire. Votre famille et vos amis peuvent vous soutenir et vous aider à analyser la situation. Consultez un thérapeute spécialisé dans la violence relationnelle. Il vous aidera à gérer l’impact de la maltraitance et vous guidera vers des mesures appropriées.

• Si vous vous sentez menacé·e physiquement ou que la violence psychologique augmente, donnez la priorité à votre sécurité. Trouvez un endroit sûr et appelez les ­services d’urgence ou la ligne ­d’assistance traitant de la maltraitance via le 1712, le 101 ou le 112.

• Si vous décidez de mettre fin à la relation, il est utile d’avoir un plan de secours. Comment allez-vous vous organiser financièrement? À qui pouvez-vous vous confier? De quoi avez-vous besoin?

• Fixez des limites et énoncez-les. Dites clairement quel comportement est inacceptable et maintenez fermement ces positions.

• Constituez un dossier: un journal reprenant les abus, leurs dates, les évènements spécifiques et éventuels témoins. Il pourrait être utile s’il s’avérait nécessaire d’entamer une action en justice ou de solliciter l’aide d’un·e professionnel·le.

• Passez à l’action. Faites ce qu’il faut pour ne pas vous perdre ­davantage et osez vous défendre. ­Demandez l’aide d’organisations.

« Et surtout, ajoute la psychologue, prenez le temps de vous reconstruire à votre rythme. Peut-être avez-vous toujours manqué ­d’estime de soi ou l’avez-vous ­perdue à cause d’une relation toxique. Sachez que nombreux sont les professionnels qui peuvent vous y aider. »

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