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© Getty Images/Johner RF

RÉSEAUX SOCIAUX: on fait le tri dans nos abonnements pour se sentir mieux

On entend souvent qu’il ne faut suivre que des comptes Instagram ou TikTok qui nous font du bien. Si ce conseil semble simple à première vue, est-il vraiment facile à mettre en pratique? Ysaline, notre journaliste, se penche sur cette recommandation et en explore l’efficacité.

Depuis un certain temps, on reconnaît que les réseaux sociaux peuvent avoir un impact tant positif que négatif sur l’estime de soi et le bien-être mental. Selon Karen Linten, spécialiste des réseaux sociaux, cet impact dépend à la fois de vos interactions sur ces plateformes et de votre personnalité. Certaines personnes y sont plus vulnérables que d’autres et développeront des sentiments d’insécurité ou de malaise, alors que d’autres n’en ressentiront aucune gêne. Je m’étais rendu compte que je faisais partie du premier groupe.

Quand je n’avais qu’Instagram, je suivais de nombreux comptes de célébrités, comme Kylie et Kendall Jenner, ainsi que celui de l’influenceuse fitness Kayla Itsines. Sans m’en rendre compte, ces profils avaient un impact négatif sur moi. Cette prise de conscience est venue plus tard, lorsque j’ai commencé à réfléchir davantage à cette dynamique. Pour beaucoup, ces personnalités sont une source d’inspiration. Pour ma part, je n’ai pas tellement perdu confiance en moi, mais j’ai surtout ressenti de la frustration face à ces « images parfaites » qui me semblaient trop irréalistes. Je savais que je n’atteindrais jamais ce standard et que je ne serais jamais aussi riche. Ce qui est fou, c’est que même si je n’ai jamais mis en priorité l’argent et la minceur, j’ai commencé à me sentir découragée face à toutes ces images.

À un moment, je me suis retrouvée incapable de me rappeler pourquoi j’avais commencé à suivre ces comptes. Karen Linten de Mediawise apporte une explication à cela. Parfois, nous nous laissons influencer par ce qui est populaire chez les autres et nous nous mettons à suivre des comptes juste pour cette raison.Je n’ai rien contre les personnes minces, athlétiques ou riches, mais leur contenu ne correspondait pas – et ne correspond toujours pas – aux valeurs qui sont importantes pour moi dans la vie. Cela a été une prise de conscience: si je ne sais pas pourquoi je suis quelqu’un, pourquoi continuer à le suivre? Selon Karen Linten, il existe d’autres raisons pour lesquelles les gens suivent des comptes ou consomment des contenus qui ne les rendent pas heureux. D’une part, beaucoup ne réalisent pas qu’ils se sentent ainsi, car ils n’ont jamais pris le temps d’y réfléchir. D’autre part, il arrive que l’on ne choisisse pas ce que l’on voit. Si l’algorithme détecte un message populaire parce qu’il est largement vu, il le montre automatiquement, sans considérer si ce contenu est bénéfique ou nocif pour quelqu’un.

À ne pas suivre…

Sans que je m’en rende compte, suivre ces comptes m’a progressivement donné une vision altérée de la réalité, car à long terme, c’était tout ce que je voyais. Les femmes de taille moyenne ou plus ne faisaient pas partie de mon fil d’actualité. En grandissant et en changeant ma perspective, j’ai commencé à remettre en question cette dynamique. J’ai réalisé que suivre certaines personnalités célèbres ne contribuait pas à mon bonheur et j’ai commencé à supprimer de plus en plus de comptes. Chaque fois qu’une image me rendait malheureuse ou me donnait le sentiment d’être nulle, je choisissais de ne plus suivre cette personne en cliquant sur « Me désabonner ». Ça m’a pris un moment pour transformer cela en habitude, mais maintenant, c’est presque un réflexe. Je suis devenue sélective quant à ce que je permets sur mes réseaux sociaux et ce que j’y vois. Suivre le rythme peut pourtant être difficile. Même l’experte Karen Linten l’admet: « Souvent, les réseaux sociaux encouragent un ‘scrolling’ passif. S’impliquer émotionnellement dans ce que l’on voit, choisir en conscience qui suivre ou ne pas suivre demande une approche active. Cela peut donc représenter un frein au tri. Certaines personnes ne sont juste pas disposées à y investir du temps. »C’est vrai. Pourtant, même le simple fait de scroller de manière passive a une influence importante. Sur les réseaux sociaux, on scrolle souvent sans y prêter attention, pensant que cela n’a pas d’impact, mais inconsciemment, on absorbe toutes sortes de contenus. Même un scrolling anodin peut déclencher une comparaison.

Si je ne sais même plus pourquoi je suis une personne sur les réseaux, alors pourquoi la suivre encore?

Humain vs. algorithme: 1-0

Il est vrai que, même après avoir consciemment choisi de suivre ou de ne pas suivre certains comptes, il arrive toujours que des informations non désirées nous parviennent. J’en ai fait l’expérience. J’ai repris il y a peu une routine sportive, non pas dans le but de perdre du poids, mais plutôt pour retrouver mon énergie, ma forme physique et ma santé, car j’approche de mes 30 ans. En parallèle, je suivais un régime FODMAP pour gérer le syndrome du côlon irritable, ce qui m’a amenée à m’intéresser de près à la nutrition. Lorsque je suis allée sur Instagram, je suis tombée sur une influenceuse axée sur une alimentation hypocalorique, offrant des conseils en matière de sport. Bien que je sois convaincue qu’elle agit dans une intention positive, cela m’a mise très mal à l’aise. Son obsession pour la « perte de poids » et ses photos avant/après ont éveillé en moi des doutes quant à mon propre corps, alors que je me sens bien dans ma peau actuellement. Malgré cette réflexion, j’ai hésité un moment à la suivre. Cela paraît absurde, n’est-ce pas? Finalement, j’ai décidé de ne pas le faire, et je suis contente de cette décision. Cela confirme que les réseaux exercent inconsciemment une influence considérable sur notre façon de penser.

« Heureusement, il existe des solutions liées aux algorithmes. Personne ne connaît à 100 % leur fonctionnement, mais vous pouvez en partie les influencer, explique Karen Linten. D’une part, l’algorithme se base sur ce qui est populaire auprès des autres utilisateurs, d’autre part, il tient compte de la durée et de la fréquence avec lesquelles vous regardez certains contenus. Vos likes et commentaires ont aussi un impact. En d’autres termes, il est conseillé de liker et/ou de regarder tout ce que vous aimez. Ainsi, vous orientez l’algorithme dans une certaine direction.Vous voulez aller encore plus loin? Selon Karen Linten, vous pouvez aussi désactiver certains sujets et hashtags dont vous ne voulez pas voir le contenu. Pour moi, ce serait « perdre du poids », par exemple.

Se préoccuper de ce que l’on ressent face à ce que l’on voit et(ne plus) suivre ces comptes nécessite une approche active.

Vous n’êtes pas du tout satisfait·e du contenu que vous voyez sur TikTok? « Vous pouvez alors réinitialiser l’algorithme et recommencer comme si vous étiez un nouvel utilisateur », ajoute Karen Linten. J’ai remarqué que le fait d’essayer d’ajuster l’algorithme était payant. Par exemple, en interagissant souvent avec des contenus axés sur le body positive, je reçois de plus en plus d’articles similaires sur ma page de recherche. Mais les choses peuvent aussi vite basculer. Après avoir regardé une fois une vidéo de fitness, j’ai vu d’autres vidéos similaires sur mon fil. Instagram et TikTok sont donc prêts à vous présenter d’autres contenus, que vous le souhaitiez ou non. Vous avez une certaine influence sur ce que vous voyez, mais vous ne contrôlez pas tout l’algorithme. Vous voulez arrêter d’être négativement influencé·e? Alors évitez les vidéos et les publications qui vous rendent malheureux·se. Moins vous interagissez avec ces contenus, moins vous en verrez. Si vous souhaitez modifier ce que vous voyez, vous pouvez aussi consciemment interagir avec d’autres vidéos pour influencer votre algorithme.

Inspiration et frustration

Où tracer la ligne entre inspiration et influence néfaste? Selon Karen Linten, cette limite varie pour chacun. Si un message ou un compte vous fait ressentir du malaise, ne vous motive pas et vous plonge dans une spirale négative, il est probable que vous ne souhaitiez pas continuer à voir ce contenu. En revanche, si vous êtes motivé·e à faire quelque chose qui vous procure un bien-être, il y a de fortes chances que cela vous inspire. Par exemple, si mon objectif est d’améliorer mon alimentation, au lieu de suivre un influenceur axé sur la perte de poids à tout prix, je préférerais suivre un nutritionniste promouvant le body positive. Il est difficile de dire combien de comptes j’ai ‘unfollowés’ au total, car je l’ai fait progressivement. Mais il y en a quand même beaucoup et surtout, je suis toujours occupée à faire ce tri. Si je vois quelque chose qui ne me convient plus, qui ne correspond plus à ma vision de la vie et à l’image que j’ai de moi-même, je me désabonne. Si je trouve la personne inintéressante, je me désabonne!

Sur Instagram, je trouve la fonction « Moins d’interactions avec » très pratique. Cela vous permet de voir qui vous convient ou plus. Et qui vous voyez très peu, mais que vous aimeriez voir plus souvent. Je consulte cette liste environ une fois tous les 3 mois pour voir qui correspond encore à mon état d’esprit. Et croyez-moi, il arrive souvent que des comptes de ma liste de followers disparaissent. Faire défiler les éléments que je ne veux pas voir est aussi une approche que j’utilise et qui s’avère payante.

Influencer l’algorithme est payant. J’obtiens de plus en plus de Body Positivity sur ma page d’accueil.

Que faut-il éviter? Interagir avec des messages ou des personnes que vous n’avez pas envie de voir. Évitez toute interaction négative aussi. Karen Linten souligne que l’objectif principal des réseaux sociaux est de générer des revenus, donc tout ce à quoi vous accordez de l’attention vous sera montré. Par exemple, sur Facebook, ne réagissez pas avec un emoji en colère et évitez de publier des commentaires, même négatifs. L’idée est donc d’essayer d’ignorer, de faire défiler et de rechercher ce que vous aimez. Quels sont donc les comptes qui apportent une réelle valeur ajoutée à ma vie (en ligne)? En dehors de mes amis, il y a quelques comptes d’influenceurs que je continue à suivre. Il s’agit surtout de femmes de grande taille et qui en sont fières. Actuellement, ce sont @mayridts et @_nelly_london que j’admire le plus. En les suivant, je me rends compte qu’il y a plus de gens avec des corps « normaux » que je ne le pense. C’est en partie grâce à elles que j’ose porter des vêtements audacieux. D’ailleurs, May apparaît souvent sur son Instagram avec des tenues que l’on ne voit souvent que sur une taille 34 ou 36. À un moment, j’ai suivi tellement d’influenceuses avec des ventres plats que je pensais que c’était la norme. Ce qui, inconsciemment, m’a fait perdre confiance en moi. Aujourd’hui, je suis fière de ma petite bouée. Même si je reste un être humain et certains jours, j’ai moins confiance en moi que d’autre. Ces jours-là, je m’assure de voir des vidéos et des publications supplémentaires de mes modèles positifs. Puisque je les trouve si belles avec un ventre, pourquoi devrais-je me regarder différemment?

S’engager activement dans son fil d’actualité demande du temps et des efforts, mais c’est payant. Le fait de pouvoir contrôler ce que vous voyez et ce que vous ne voulez pas voir est valorisant et libérateur. Avec le temps, on prend aussi l’habitude d’exclure la négativité. Vous reprenez le contrôle de vos propres sentiments à l’égard des réseaux sociaux. Je vous le recommande.

Texte: Ysaline Pollet, Justine Rossius, Ana Michelot. Remerciements à l’experte en réseaux sociaux Karen Linten de Mediawise.

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