Le second chagrin d’amour fait-il plus mal que le premier?
Le cœur qui cogne, la gorge qui se serre, le ventre qui se noue... Vivre une rupture n’a rien d’amusant, et celles et ceux qui ont traversé cette difficile expérience ne diront pas le contraire. D’autant plus qu’une séparation n’est pas l’autre, et que certaines font plus mal que d’autres.
Tout est parti d’un constat lors d’une réunion de rédaction: la rupture avec le second amour fait souvent plus mal que celle avec le premier. On a demandé à Nina Aala Amdjadi, psychologue et psychothérapeute, les raisons qui peuvent se cacher derrière cette douleur.
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Un premier amour, qu’est-ce que c’est?
Pour Nina Aala Amdjadi, il est tout d’abord important de remettre les choses dans leur contexte, et de se demander: au final, de quoi parle-t-on lorsqu’on évoque le premier amour? “Pour certaines personnes, ce sera une référence à leurs premiers émois lorsqu’ils avaient six ans, et pour d’autres, ce sera la première véritable relation, à l’âge de 20 ans, par exemple. C’est une notion très subjective, car tu peux très bien être en couple sans être amoureux, ou inversement, être amoureux sans pour autant être en couple. Ici, nous parlerons du premier amour comme le premier couple que l’on a vécu; celui que l’on expérimente entre 14 et 22 ans de manière générale.” Selon elle, ce que nous appelons le premier amour fait référence à une forme d’attachement. “C’est tout ce qui fait que l’on se sent en sécurité avec quelqu’un. On s’investit, on offre du temps, on implique nos émotions. C’est cette première relation qui nous confronte à un panel de sentiments. C’est une forme de découverte, peut-être même une découverte de soi à travers l’autre.”
Ce premier amour, il est le marqueur d’une série de premières fois. “Bien sûr, on peut également avoir des premières fois avec le second, le troisième, ou même le quinzième amour”, précise la spécialiste.
Mais les premiers émois et les premières sensations physiques sont connectées au premier amour. C’est la première fois qu’on ressent ces papillons dans le ventre, la première fois que l’on est dans la Lune car on pense à l’autre, la première fois que l’on tient la main de quelqu’un, la première fois que l’on embrasse quelqu’un...
explique-t-elle. “Ce sont des nouvelles expériences physiologiques et physiques.”
Et le second amour, alors?
Pour Nina Aala Amdjadi, le second amour ne désigne pas forcément le second couple. “Au sens large, il peut s’agir de la deuxième relation dans laquelle nous allons nous investir, nous projeter, et peut-être davantage laisser tomber l’armure. On se montre peut-être plus vulnérable et on crée une nouvelle forme d’attachement. Le second amour est différent, car tu arrives dans la relation avec davantage d’expérience. Tu te connais un peu mieux, tu as expérimenté déjà certaines limites, et tu as traversé la rupture avec le premier amour. Le deuxième amour est alors moins naïf, moins innocent. On a davantage de conscience, et on pense connaître davantage les étapes par lesquelles on peut passer. Cela ne veut pas dire, évidemment, que ce sera pareil sur tous les points, loin de là.”
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Et au plus on avance dans l’âge, au plus chaque expérience nous apporte son lot de leçons, et cela vaut également pour les ruptures, qui peuvent mettre en lumière certaines blessures et certains traumas que nous portons. “Souvent, lors de la rupture avec le premier amour, nous sommes dans la désillusion, alors que lors de la rupture avec le second amour, nous parvenons peut-être mieux à surligner ce sur quoi nous devons travailler.”
Des douleurs différentes
Selon Nina Aala Amdjadi, s’il faut tirer un enseignement de la rupture avec le premier amour, c’est celui de connaître davantage ce que nous aimons, et ce que nous aimons moins. “Il y a ce quelque chose qui nous vient des tripes, sans pour autant mettre des mots dessus, explique-t-elle.
Les premières expériences amoureuses sont souvent fusionnelles: après la rupture, on prend conscience que ce côté justement très fusionnel, il possède deux versants: l’un positif, et l’autre négatif. C’est une question de vécu, où rien n’est intellectualisé.
Dans ce cadre, la spécialiste évoque d’ailleurs une notion commune aux séparations. “Une rupture, il faut la traverser. C’est un deuil, et on ne peut pas l’éviter. On peut se voiler la face, et être dans le déni, en s’occupant l’esprit, en se divertissant, en sortant avec quelqu’un d’autre... Mais il faudra de toute façon y faire face à un moment, même si c’est nous qui avons pris la décision de rompre. Il y a non seulement le deuil de tout ce que nous avons projeté, mais également celui de comment on a imaginé l’autre, de comment on se voyait dans la relation... Et ce n’est qu’en accueillant les émotions avec bienveillance qu’il est possible de le faire. Car il ne faut pas oublier que dans une rupture, nous vivons des émotions paradoxales, qui existent en même temps. Nous expérimentons certains sentiments par vagues: je traverse une première vague, je me sens mieux, je n’y pense plus, et puis quelque chose vient me rappeler la personne, et je traverse une seconde vague. J’ai avancé, mais je reste humain.e, et certaines choses restent sensibles chez moi.”
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Dans cette conception du deuil amoureux, Nina Aala Amdjadi imagine une réponse précise à la question: pourquoi la rupture avec le second amour pourrait-elle faire plus mal qu’avec le premier? “Lorsqu’on se met en couple et que l’on tombe amoureux pour la première fois, on ne s’imagine pas nécessairement que cette personne est l’amour de notre vie. D’ailleurs, il suffit de constater notre réaction lorsqu’on rencontre un couple qui est ensemble depuis toujours... Cela étonne toujours! Nous sommes facilement surpris... On se demande même parfois comment cela est possible! Cela prouve bien que les attentes vis à vis de notre premier amour ne sont pas toujours forcément élevées. Elles peuvent l’être sur le moment, mais comme cela reste l’inconnu, on ne sait pas vers où on va. Alors que le deuxième amour, lui, on s’y investit différemment car nous avons d’autres attentes, qui font que lorsqu’on se sépare, on tombe peut-être d’un peu plus haut. Je peux imaginer qu’un deuxième amour, comme on se connaît mieux, on choisit avec un autre regard notre partenaire, on s’investit d’une façon nouvelle, et on se nourrit de projections neuves, davantage réalistes.”
Dès lors, si le second amour fait plus mal que le premier, c’est surtout car nous grandissons, et nous apprenons à mettre des mots sur nos ressentis, qui englobent aussi bien nos limites que nos souhaits. Nous nous connaissons davantage, et nous parvenons à ôter certains filtres de la notion d’amour que nous cultivons. Bien sûr, l’expérience d’une première rupture n’est jamais agréable, tout autant que la deuxième, la troisième, ou la dixième qui continuent de faire mal. Alors quand la douleur frappe à la porte de notre cœur, on la laisse entrer, et on la berce, jusqu’à ce qu’elle finisse par s’envoler, pour de nouveau faire place à la légèreté.
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