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TÉMOIGNAGE: ““J’ai un trouble de la personnalité borderline et ce diagnostic m’a apaisée””

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Fiona, 28 ans, graphiste, a reçu le diagnostic de trouble de la personnalité borderline il y a deux mois. Une découverte tardive qui lui a permis de mieux se comprendre, mais aussi de mieux s’accepter.

« J’ai été diagnostiquée HP (haut potentiel) à 23 ans. Le fait que je sois HP a sans doute empêché pendant longtemps le diagnostic de mon trouble de la personnalité borderline. C’est un trouble encore méconnu, particulièrement des psychologues et des psychiatres. À 23 ans, quand je suis allée voir un psychiatre, il m’a aussi diagnostiqué un trouble anxieux généralisé et m’a prescrit des antidépresseurs, que j’ai pris pendant 1 an et demi. J’avais bien pris le temps d’expliquer mes symptômes, qui font partie de ceux du trouble borderline, mais aucun médecin ni psychologue ne m’a jamais parlé de ça.

Besoin de plaire, automutilation…

Quand j’avais 18 ans, je me sentais déjà en décalage avec la société. J’avais un énorme besoin de plaire, de recevoir de l’attention, surtout de la part des garçons. Je ne me posais même pas la question de savoir si le mec me plaisait: je choisissais mes relations en fonction de si moi, je leur plaisais. J’avais, ce qu’on appelle, un dysrégulation émotionnelle (la dysrégulation émotionnelle est un terme utilisé dans le milieu de la santé mentale qui se réfère à une réaction émotionnelle qui est mal modulée, et ne relève pas de la gamme conventionnellement acceptée de réponse émotive, ndlr). Ce qui signifie que je ne parviens pas à me réguler moi-même au niveau émotionnel. Par exemple, j’ai besoin d’être rassurée sans cesse.

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J’ai aussi eu beaucoup recours à l’automutilation, notamment à cause d’une relation amoureuse qui m’a générée beaucoup d’angoisse. J’avais 18 ans, j’étais en couple, on vivait ensemble au Brésil et j’ai quitté le Brésil pour venir faire mes études en Belgique. Au début, on a vécu une relation à distance, dans laquelle on se manquait énormément. Mais après quelques mois, il a décidé de venir, lui aussi, faire ses études en Belgique. J’étais heureuse et il s’agissait d’une décision commune, mais à l’instant où il est arrivé ici, j’ai connu mes premiers symptômes borderline, notamment une crise d’angoisse d’une ampleur très forte. S’en sont suivi des épisodes impulsifs, des crises de colère intenses et des changements d’humeur.

Ce sont des caractéristiques du trouble: je peux passer d’une humeur très joyeuse au sentiment profond que mon monde s’écroule. Ces changements d’humeur varient au niveau de la durée.

Mais quand je me sens mal, je me sens atrocement mal, comme si je vivais le décès d’un être cher. Quand je suis heureuse, par contre, je suis super heureuse ! De la même manière, ce qui est très difficile à gérer, c’est l’instabilité de l’image de soi: un jour, je me trouve incroyable, magnifique, conquérante et déterminée, et le lendemain, ou quelques heures après, j’ai l’impression d’être un monstre et je me demande pourquoi j’existe…*

*Selon une étude, il ressort que le taux de suicide (“accompli”, “réussi”) chez les patients souffrant d’un trouble état limite borderline est de 8% à 10%.

Des traumas non résolus

Les symptômes du trouble borderline apparaissent généralement au début de l’âge adulte. Même si les études se contredisent un peu à ce niveau-là. Il apparaît que ce trouble est la conséquence de traumas non résolus, de symptômes génétiques, mais aussi de l’environnement dans lequel on a vécu. Si on a vécu dans un environnement dysfonctionnel, avec, par exemple, un parent alcoolique, des incestes, ou une carence affective… Pour ma part, je me suis sentie mal aimée toute mon enfance. Je n’en veux pas à mes parents, ils ont fait ce qu’ils pouvaient. Mais j’aurais aimé que mes parents me donnent un surnom quand j’étais petite. Nos relations étaient très froides, on ne parlait pas de nos émotions et on ne m’a pas appris à le faire. Au contraire, quand je les exprimais, on me répondait souvent que j’exagérais, que je me victimisais. J’ai grandi avec la sensation de ne pas être écoutée, mais aussi de ne pas exister.

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Une vie de couple mise en difficulté

Au niveau de mes relations, elles ont tendance à accentuer mes symptômes. J’ai tendance à idéaliser énormément mon copain, le trouver fabuleux, puis le dévaloriser et remettre en question toute notre relation juste parce qu’il n’a pas ramassé ses chaussettes ou qu’il n’est pas arrivé à l’heure à notre rendez-vous. L’un des symptômes du trouble de la personnalité borderline est le mode de pensée dichotomique: on voit tout, soit en noir, soit en blanc, ce qui complexifie grandement les relations interpersonnelles. L’humain n’est pas qu’une bonne ou mauvaise personne, on a tous des qualités et des défauts. Moi, j’ai tendance à ne plus vouloir voir une amie juste parce qu’elle a été ennuyeuse un soir, par exemple. Si quelqu’un me coupe la parole quand je parle, je peux aussi me sentir dévalorisée, déconsidérée d’un seul coup et me mettre à pleurer. J’ai alors l’impression que tout le monde est contre moi et que mes amis ne m’aiment pas vraiment. En couple, j’ai tendance à m’auto-saboter: j’ai par exemple beaucoup trompé mes copains. Et vécu des épisodes d’automutilation, me permettant de me punir inconsciemment pour ce que j’avais fait. C’était tellement compliqué dans ma tête que je préférais me concentrer sur la douleur physique que je pouvais ressentir grâce aux coupures.

Si la vie de couple est mise en péril à cause de mon trouble, j’ai aussi des difficultés à être célibataire. J’avais cruellement besoin d’être en couple, de trouver de l’attention et de l’amour. Je me remettais avec le premier venu et à nouveau, les symptômes revenaient. En couple, j’étais ingérable et célibataire, je me sentais seule et vide à l’intérieur, des sensations qui font partie des symptômes borderline.

J’ai un système d’attachement très désorganisé, ce qui signifie que j’oscille entre la peur de l’abandon et la peur de l’étouffement.

En couple, c’est donc très compliqué: au début, je me demande si mon mec m’aime vraiment puis, dès qu’il me donne de l’amour ou que la stabilité et la monotonie s’installent, c’est l’inverse. Je me sens étouffée et je remets en question toute la relation. C’est difficile pour le ou la partenaire de la personne borderline: il faut une personne très saine et « secure » pour que ça fonctionne. D’un autre côté, mon trouble comporte aussi ses avantages: je suis extrêmement passionnée, empathique et gentille et je donne beaucoup aux personnes que j’aime.

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Un diagnostic libérateur

J’ai souvent eu l’impression de vivre les choses de manière plus difficile que la plupart des gens, et mon diagnostic m’a permis de comprendre que c’était le cas. Que c’était « normal » que je me sente parfois si mal. Mais un diagnostic, c’est aussi une étiquette: je ne veux pas que ce trouble me colle à la peau et que je puisse justifier tous mes comportements et mon mal-être grâce à lui. Ce n’est pas parce que je sais que je souffre du trouble de la personnalité limite, que je dois m’engouffrer là-dedans et ne pas me faire soigner. Je ne veux pas être un fardeau pour mes proches.

Un des autres symptômes du trouble de la personnalité limite, c’est la dépersonnalisation. J’ai souvent eu la sensation d’être en dehors de mon corps. C’est une protection que met en place le cerveau quand une situation devient trop pénible.

Il se met en mode « 3e personne », comme je dis: on ne se sent plus trop là, ce qui enlève une partie de l’angoisse. Mais cet état de dépersonnalisation n’est pas forcément agréable. Le diagnostic m’a aidé à comprendre d’où venait cette sensation bizarre, et c’est un réel soulagement. Je trouve que l’on manque vraiment d’informations à ce propos, c’est pour ça que j’ai voulu créer le compte Instagram @borderattitude et le site Internet du même nom. Je veux sensibiliser, informer et destigmatiser le trouble. J’aimerais que ça permette aux personnes qui en souffrent de trouver le courage d’aller voir un·e profesionnel·le et de demander de l’aide. Car ce trouble ne se guérit pas, mais il se soigne bien.

Pour ma part, la thérapie m’a beaucoup aidée. Le fait de travailler aussi, de me sentir utile à la société. Je fais beaucoup de sport, de méditation, de pleine conscience; des activités qui m’ont permis d’apaiser certains de mes symptômes. Je vais bientôt faire le tour du Mont-blanc, histoire de me dépasser et de me prouver que je peux m’auto-suffire. À côté de ça, je lis des livres sur la santé mentale et je fais beaucoup d’introspection pour comprendre mes besoins. Le trouble borderline ne se guérit pas, même s’il est prouvé que le trouble diminue tout seul avec l’âge, notamment à partir de 40 ans. C’est un trouble qui se soigne, non pas avec des médicaments (je peux en prendre, comme béquille émotionnelle), mais par le biais de thérapies cognitivo-comportementales (TCC) par exemple. Tout ce cheminement de connaissance de soi m’a permis de prendre conscience que certaines choses me faisaient beaucoup de bien. La cohérence cardiaque m’aide beaucoup, par exemple. Je sais aussi que lorsque mes besoins primaires ne sont pas rassasiés, comme la faim ou la fatigue par exemple, j’ai plus de mal à gérer mon cerveau, et mes angoisses et qu’il est donc primordial pour moi d’en faire une priorité.

J’ai aussi appris à extérioriser mes ressentis. J’ai un immense besoin de communiquer, qu’on m’écoute, sans me juger. Ce n’est pas toujours facile pour mes proches, qui ne savent pas comment réagir face à un trouble psychiatrique, mais ce que je conseille aux proches de personnes qui en souffrent, c’est d’inclure la personne, l’accepter, lui laisser du temps de parole. Aujourd’hui, je parle de mon trouble sans tabou. Même au travail, je l’ai dit à mes collègues, et tout le monde a été très compréhensif, même si je sens que certain·e·s ne savaient pas où se mettre! Mes amis ont tous bien réagi, et font attention à ce que je ne me sente pas abandonnée ou rejetée, car ils savent que ça fait partie de mes craintes, en tant que personnalité borderline. Ils comprennent aussi très bien que je doive me mettre dans ma bulle de temps en temps et me ressourcer seule.

J’aimerais qu’on parle plus de santé mentale et que les troubles soient mieux reconnus. Par exemple, il est encore impossible de demander un jour de repos mental au travail, alors que le repos physique est accepté. On a parfois besoin de continuer à être actif, de se ressourcer, de faire du sport, etc. pour accéder à un bien-être psychologique. On devrait pouvoir dire plus facilement: ‘Là, je dois reposer mon cerveau, sinon je vais vriller.’ Le chemin est encore long, mais les enjeux de la santé mentale sont de plus en plus pris au sérieux”.

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Pour suivre Fiona, rendez-vous sur son compte Instagram @Borderattitude.

Les symptômes officiels du trouble de la personnalité borderline, selon le manuel MSD

Les médecins diagnostiquent un trouble de la personnalité borderline lorsque la personne agit de façon impulsive et présente des antécédents d’instabilité dans ses relations, l’image qu’elle a d’elle-même, ses humeurs, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes:

  • Elle déploie des efforts désespérés pour éviter l’abandon (réel ou imaginé);
  • Elle a des relations instables et intenses qui alternent entre l’idéalisation et le dénigrement de l’autre.
  • L’image qu’elle a d’elle-même et de son identité change fréquemment;
  • Elle agit de façon impulsive dans au moins deux domaines susceptibles de lui nuire (par exemple:: pratiques sexuelles à risque, hyperphagie ou conduite dangereuse);
  • Elle adopte régulièrement des comportements suicidaires, y compris en tentant ou en menaçant de se suicider et de se faire du mal;
  • Elle présente de rapides changements d’humeur, qui ne durent généralement que quelques heures et rarement plus de quelques jours;
  • Elle se sent constamment vide;
  • Elle se met en colère de façon inappropriée et disproportionnée ou a des difficultés à contrôler sa colère;
  • Elle a des pensées paranoïaques ou des symptômes dissociatifs sévères (sentiment d’irréalité ou de détachement par rapport à elle-même), déclenchés par le stress.

En outre, les symptômes doivent avoir fait leur apparition au début de l’âge adulte.

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