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TÉMOIGNAGES: ““Je ne pouvais pas m’empêcher de stalker””

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Ce barista séduisant, la nouvelle copine de votre ex, votre nouveau crush… Pris·e au piège tendu par les réseaux sociaux, il nous arrive d’espionner, de stalker, allant parfois jusqu’à développer une véritable obsession, affectant notre santé mentale. Voici comment apprendre à gérer votre curiosité numérique

On le sait, les smartphones créent déjà une dépendance. Ajoutez à cela une rupture douloureuse ou une nature curieuse et il y a de fortes chances que vous consultiez le profil de quelqu’un plusieurs fois par jour, voire jusque tard dans la nuit. Il n’y a rien de mal à s’intéresser sainement aux autres, mais avec un smartphone, cet intérêt menace parfois de se transformer en obsession. Un passe-temps dans lequel nous nous perdons et qui peut vite conduire à une spirale négative. Vous vous dites peut-être que nous avons trop d’imagination, chez Flair, et que seul le libraire sociopathe Joe Goldberg, de You, se laisser aller au stalking. Détrompez-vous. Nos témoins et bien d’autres sont déjà allés très loin lorsque leur partenaire a mis fin à leur relation…

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Élodie, 31 ans : “J’ai créé un faux profil pour le suivre à nouveau”

« J’ai vraiment craqué avec mon ex. Les premières semaines après notre rupture, j’allais souvent voir son profil, mais c’était encore assez innocent. Plus j’avais l’impression qu’il disparaissait de ma vie, plus je m’accrochais. Je postais expressément des stories où on me voyait faire la fête, pour lui montrer ce qu’il manquait. Parfois, je faisais même semblant de sortir et je postais un selfie dans une belle tenue, avant de retourner dans mon lit. Lorsque j’ai constaté que tout ça ne fonctionnait pas, j’ai arrêté de le suivre sur les réseaux, mais pas pour les bonnes raisons: j’espérais qu’il s’en rende compte. Ce qu’il a peut-être fait, mais il ne m’a jamais contactée pour autant, et cela n’a donc pas eu l’effet escompté. On pourrait penser que j’en resterais là, mais non... Son compte Instagram était privé, alors j’ai créé un faux profil pour le suivre à nouveau en secret. Oui, je me suis vraiment rendu la tâche impossible (rires). Avec ce profil, je lui ai même envoyé un message une fois pour voir s’il me répondrait... Ce qui est fou, c’est que je suis normalement assez calme et stable, mais je n’arrivais vraiment pas à passer à autre chose. J’ai fini par suivre une thérapie parce que je n’y arrivais pas toute seule. Depuis, cela fait presque un an que je suis avec mon nouveau petit ami et je n’arrive pas à croire que je me suis laissée aller comme ça. C’est étrange ce qu’une rupture peut vous faire faire... »

Pour lui montrer ce qu’il perdait, je faisais semblant de sortir et postais un selfie dans une belle tenue, avant de retourner dans mon lit.

Joëlle, 35 ans: “J’épiais ses nouveaux followers”

« Nous vivions ensemble depuis à peine 2 ans lorsque mon ex m’a larguée. Je l’ai très mal vécu et je me suis mise à consulter son profil sur les réseaux sociaux tous les jours. Je n’ai jamais envoyé de messages, cela n’allait pas jusque-là, mais consulter son profil était la première chose que je faisais en me levant, et aussi la dernière avant d’aller dormir. Tel un agent du FBI, j’épiais ses nouveaux followers, les posts qu’elle avait aimés, où elle était et avec qui... Et à chaque fois que je voyais passer des photos d’elle – quand elle partait en vacances, par exemple – j’en étais malade pendant des jours. C’était du masochisme émotionnel. J’ai aussi fait toutes sortes de choses pour attirer son attention. Je postais des photos de fêtes, de sorties ou avec d’autres filles, dans l’espoir de la rendre jalouse, mais cela ne servait à rien. Lorsque je suis partie en vacances à Hawaï avec des amis – nous étions invités à un mariage –, la première chose que j’ai voulu faire a été de montrer à quel point ma vie était belle dans l’espoir de la reconquérir. C’est là que j’ai senti que ça allait trop loin. J’étais dans un endroit merveilleux, un véritable paradis sur terre, entourée de gens formidables, mais j’étais toute seule dans ma tête, dans un enfer que je m’étais créé de toute pièce. Presque un an après notre rupture, je n’avais toujours pas tourné la page, et c’était en grande partie de ma faute. À ce moment-là, j’ai décidé de désactiver mes profils Facebook et Instagram. D’une certaine manière, j’espérais qu’elle le remarquerait, mais après un certain temps, j’ai laissé tomber cette idée et j’ai reporté mon attention sur moi. Enfin! C’était l’étape dont j’avais besoin pour me détacher d’elle et reprendre ma vie en main. Et comme tout le monde commence à le comprendre maintenant, les réseaux sociaux en général sont tout simplement pourris et il vaut mieux s’en passer (rires).»

Je surveillais ses nouveaux abonnés, les publis qu’elle avait aimées, où elle allait et avec qui. C’était du masochisme émotionnel.

C’était mieux avant

Sarah Hertens, psychologue spécialisée dans les relations, reconnaît qu’une rupture peut être extrêmement difficile à vivre. « Et les réseaux sociaux ajoutent à la difficulté. Ils peuvent ralentir considérablement le processus de deuil associé à la fin d’une relation. En tant que couple, vos vies étaient entremêlées et vous saviez tout l’un de l’autre, il est difficile d’ignorer soudainement ce que fait l’autre. C’est très humain. », précise-t-elle. « Lorsque vous êtes en plein chagrin d’amour, vous faites parfois tout ce qui est en votre pouvoir pour maintenir un lien. Et les réseaux sociaux nous permettent de suivre chacun des mouvements de l’autre, ce qui apporte un faux sentiment de connexion, auquel nous nous accrochons de toutes nos forces. Il s’agit aussi d’un sentiment de contrôle. Vouloir savoir si l’autre a un nouveau partenaire, par exemple. On peut comparer cela au fait de se débarrasser d’une addiction », poursuit Sarah Hertens.

Lorsque l’on vit un chagrin d’amour, on fait parfois tout ce qui est possible pour maintenir un lien.

L’experte

« En vérifiant les réseaux sociaux de l’autre, vous vous donnez une petite dose de votre ex à chaque fois. Vous vous rassurez sur le fait que l’autre n’a peut-être pas encore tourné la page. Cela peut faire du bien pendant un certain temps, mais à long terme, cela a des conséquences négatives. Souvent, ces réseaux sociaux deviennent aussi le terrain de manœuvres astucieuses et stratégiques. Certaines personnes veulent se faire remarquer en bloquant l’autre personne, par exemple, ou en publiant certaines photos pour attirer l’attention. C’est extrêmement destructeur. Il s’agit de jeux tactiques que l’on joue principalement contre soi-même. Est-ce que c’était mieux avant? Oui, il était plus facile de s’éviter. Le chagrin était probablement aussi grand, mais ses conséquences étaient différentes. À cause des réseaux sociaux, il y a plus de cordons à couper. »

Si vous vous surprenez à consulter trop souvent le profil de cet ex, ce crush ou cet influenceur, mettez-le en sourdine ou bloquez-le.

L’experte

Judith, 28 ans: “ Je regardais toutes ses nouvelles photos”

« Lorsque je suis retombée dans les griffes de mon ex – qui souffre d’un trouble de la personnalité narcissique – j’ai dû suivre une thérapie lourde, au cours de laquelle il est apparu que je ferais mieux de l’exclure de ma vie. C’est ce que j’ai fait, mais j’ai fini par m’enliser à nouveau dans l’auto-sabotage. Par exemple, j’ai flirté avec les limites en passant devant sa maison, comme un alcoolique passe devant le night shop. Je savais que c’était mal, mais c’était plus fort que moi. Sur les conseils de mon thérapeute, j’ai essayé de m’exprimer en créant un projet créatif sous un pseudo Instagram. Un jour, lorsque j’ai eu un follower que je savais lié à mon ex, j’ai commencé à ajouter tous ceux qui avaient quelque chose à voir avec elle. Elle a fini par mordre à l’hameçon et j’ai reçu une demande d’abonnement de sa part, sans qu’elle sache qui j’étais en réalité. J’étais revenue à la case départ et je me suis vite retrouvée dans quelque chose d’obsessionnel. Tout tournait autour d’elle. Par exemple, j’ai créé de faux comptes Facebook pour voir quelles photos elle avait ajoutées ou supprimées au cours des dernières semaines, afin de me faire une idée de sa vie. Elle a fini par s’en rendre compte et m’a fait passer pour une folle... Et je dois avouer que j’étais assez folle à l’époque! Je ne sais pas pourquoi je me suis tant perdue dans cette histoire. C’était horrible, j’étais sans cesse angoissée et je me rendais compte que je jouais avec le feu. Mais en même temps, cela me donnait un faux sentiment de contrôle. À un moment donné, j’ai décidé que cela ne pouvait plus durer. J’ai alors supprimé tous mes faux comptes et je l’ai bloquée sur mon profil. Ne pas avoir de contact était la seule solution pour moi, sinon je serais devenue folle. »

J’ai créé de faux comptes Facebook pour voir quelles photos elle avait ajoutées ou supprimées et à quoi ressemblait sa vie.

Hugo, 32 ans: “Mon ex a ajouté ma nouvelle copine sur les réseaux”

« Nous étions séparés depuis environ 6 mois avec mon ex et je sortais avec quelqu’un depuis quelques semaines, quand mon ex a ajouté ma nouvelle copine sur les réseaux sociaux. Au début, nous n’avons pas trouvé cela bizarre, car elle avait un profil sympa et plusieurs inconnus la suivaient. Mais au bout d’un moment, mon ex a commencé à lui envoyer des messages. Les premières fois, elle était très amicale, demandant par exemple quelle était la marque d’un vêtement qu’elle portait, mais très vite, elle a voulu la rencontrer. Là, on a compris qu’elle ne s’était pas encore remise de notre rupture. »

Barbara, 30 ans: “Je me suis rendue à un événement car j’avais vu qu’il était censé y être”

« En 2019, j’ai dansé, flirté et embrassé un très beau garçon à WECANDANCE. Nous avons tout de suite eu un bon feeling. Nous ne nous sommes pas revus par la suite, mais nous nous suivons depuis lors sur les réseaux sociaux. Il m’arrive de répondre à ses stories, mais cela ne va jamais plus loin. Il est DJ/influenceur et publie souvent des photos de soirées branchées. Une fois, j’ai osé me rendre à l’un de ses événements parce que je savais, grâce à ses réseaux sociaux, qu’il était censé y jouer, mais nous n’avons fait que bavarder brièvement. Je réalise que je le connais à peine, mais j’ai vraiment l’impression qu’il est l’homme de mes rêves. Il est si chouette et intéressant et je pense que nous irions bien ensemble, s’il nous donnait une chance. »

Thomas, 36 ans: “J’ai installé un logiciel espion dans son ordinateur”

« Il y a quelques années, mon petit ami de l’époque et moi traversions une phase difficile. Nous nous disputions et, je le soupçonnais d’infidélité. En tant qu’informaticien, j’ai souvent de vieux ordinateurs portables qui traînent. Sur l’un d’eux, j’ai installé un logiciel espion et je lui ai offert en cadeau pour pouvoir vérifier avec qui il était en contact. Lorsque mes soupçons se sont avérés exacts, j’ai bloqué à distance cet ordinateur portable. Non, je ne l’ai pas confronté et nous n’en avons jamais parlé. Je n’avais pas la maturité nécessaire pour gérer la situation correctement à l’époque. Aujourd’hui, je m’y prendrais tout à fait différemment, je lui en parlerais et je ne me comporterais pas de manière aussi obsessionnelle et peu sûre de moi. C’était une terrible erreur. Désormais, je sais mieux comment parler des signaux d’alarme potentiels et rester plus proche de moi-même. Espionner l’autre est un mécanisme utilisé lorsque l’on ne peut pas gérer ses propres émotions. C’est un moyen facile de tricher, mais ce n’est certainement pas le meilleur. »

Charlotte, 29 ans: “Je surveillais la nouvelle copine de mon ex”

« Après une rupture difficile, j’ai trouvé la nouvelle copine de mon ex sur les réseaux sociaux. Elle avait l’air extravertie et sexy, alors que je suis moi-même timide et peu sûre de moi. J’avais envie de la détester et en même temps, j’étais super jalouse. Je voulais ce qu’elle avait. Je la surveillais de près et j’ai même commencé à m’habiller comme elle. J’étais tellement perdue pendant cette période, la rupture m’avait totalement minée, je ne savais plus qui j’étais. Mes copines s’inquiétaient, car je changeais sous leurs yeux. Une fois, je l’ai croisée par hasard à un événement. Elle est venue me demander comment je me sentais, parce qu’elle avait entendu dire que je n’allais pas bien. J’ai été choquée de la voir si douce et si gentille, complètement différente de ce que j’imaginais. Pendant tout ce temps, je me l’étais représentée bruyante, prétentieuse et narcissique. J’ai réalisé à quel point mon obsession était stupide et que je m’étais basée sur une représentation imaginaire. Je m’étais comparée à une personne qui n’existait que dans ma tête. Avec l’aide de ma meilleure amie, j’ai décidé de mettre son profil en sourdine et de découvrir en thérapie qui j’étais, ce que je voulais. C’était urgent.»

Texte d’Anaïs Raes et Justine Rossius

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