Fatigue inexpliquée, tracas à répétition, mauvais sommeil, tels seraient une partie des symptômes liés au mauvais œil. Superstition, mauvais sort ou simple malchance? Pour déceler le vrai du faux, notre journaliste Catherine a pénétré dans les méandres de cette croyance ancestrale connue à travers le monde…
Depuis un certain temps, les soucis (notamment de santé) s’accumulent dans ma vie et je ne peux m’empêcher de penser que j’ai le mauvais œil. Et je ne suis pas la seule à y croire. Même si chez nous, les croyances liées au mauvais œil sont mal vues par crainte de passer pour un·e illuminé·e, il suffit de penser aux phrases comme « Bonne merde hein dis! », « Casse-toi une jambe! », « Je croise les doigts! » que même les plus sceptiques d’entre nous ont déjà prononcées. Cécile Dalet, médium, magnétiseuse et sophrologue certifiée explique d’ailleurs dans son livre Mauvais œil & envoûtements que « ces expressions résultent d’un sentiment de crainte enfouie concernant les jets de sort. (…) Autrefois, cette croyance était fondée, bien que taboue, car la sorcellerie est basée sur un corpus de connaissances. »
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Si aujourd’hui, nous vivons dans une société plus terre à terre, la mode tend vers un retour au monde de l’ésotérisme où sorcellerie, astrologie, cartomancie, lithothérapie ou encore développement personnel se rejoignent sous la bannière « bien-être ». Mais d’où vient l’idée qu’il existe un mauvais œil?
Quand le sort s’acharne
Cette croyance est partout, depuis la nuit des temps. De l’Égypte à la Chine, en passant par l’Inde, on retrouverait même des traces du mauvais œil dans des textes comme l’Ancien Testament ou le Coran. En Égypte Antique, par exemple, Cécile Dalet pointe dans son ouvrage que tout le monde y compris les pharaons craignait la fascination. L’œil d’Horus figure sur de nombreux tombeaux.
Le mauvais œil existerait au travers de multiples cultures, sous différentes formes, mais toutes ont en commun de le redouter.
Il s’agirait d’un symbole d’éternité et constitue l’un des plus vieux talisman pour se protéger de la mauvaise fortune. Le mauvais œil existerait au travers de multiples cultures, mais sous différentes formes. Vous connaissez sans doute ce talisman représentant un œil rond d’un bleu profond: le Nazar Boncuğu. Nazar signifiant mauvais œil et boncuğu, amulette, en turc. Ce grigri en verre servirait à s’en protéger en Turquie comme en Grèce. La croyance serait aussi très répandue au Moyen-Orient et au Maghreb. En arabe, il est connu sous le nom de ayn, qui signifie œil. En Amérique Latine, on parle plutôt du mal de ojo... Ces croyances, même si elles semblent biscornues sont, pour la plupart, toujours d’actualité et vous l’aurez compris, chaque civilisation détient sa propre version du mauvais œil, mais toutes ont en commun de le redouter.
Regard mauvais
Mais qu’est-ce que c’est exactement le mauvais œil? Et comment on l’attrape. Cécile Dalet écrit dans son ouvrage que « dans la croyance populaire, le mauvais œil représente l’œil jaloux d’autrui qui nous observe avec envie ». Selon l’auteure, il s’agirait d’une sorte de mauvais sort qui serait lancé par le regard des autres et qui aurait le pouvoir de provoquer toutes sortes de malheurs à une personne. « Si la vue est involontaire, déclare l’autrice, le regard, lui, est volontaire. La volonté transmet une mission à l’œil, lui conférant la charge de l’œil mauvais qu’on lui reconnaît. L’œil n’est que la porte entre le monde physique et le monde abstrait, entre l’infiniment petit de la pupille et l’infiniment grand de la conscience. » Mais alors qu’est ce qui rendrait l’œil mauvais?
« C’est cette intentionnalité, cette force-pensée, teintée de négativité, qui est l’auteur du mauvais œil (…) », conclut Cécile Dalet. Lire ces lignes me donne des frissons. Car si je comprends bien le mauvais œil peut être lancé par toute personne éprouvant de la jalousie ou tout autre mauvais sentiment envers quelqu’un en particulier.
Symptômes
Comment savoir si nous sommes porteur·se·s du mauvais œil? Pour pousser l’investigation plus loin, je suis entrée en contact avec Virginie, plus connue sous le nom de Fée Nomène, thérapeute et énergéticienne. Elle m’explique que « nous pouvons tous être confrontés au mauvais œil. La malchance qui colle à la peau, une énergie négative qui nous parasite... Vous vous trouvez dans une situation pourrie qui stagne, vous avez des mauvaises nouvelles à répétition, des pertes d’énergie constantes… les problèmes empirent et/ou s’accumulent, et vous avez l’impression d’être coincés dans un cercle vicieux… », explique la thérapeute.
Dans la croyance populaire, le mauvais œil représente l’œil jaloux d’autrui qui nous observe avec envie.
En d’autres termes, le mauvais œil serait une explication potentielle à ces périodes où tout semble aller mal. Outre la malchance, Cécile Dalet précise dans son livre que « certains dérèglements sont plus importants que d’autres: perte d’appétit, angoisse soudaine et sans raison, douleurs multiples sur le corps, vertiges et maux de têtes (...) ». Et ce ne serait qu’une infime partie des multiples maux dont on peut être victimes pour cause de mauvais œil.
Remèdes
Comment s’en prémunir? Et si nous en somme porteur·se·s comment le conjurer? La liste des grigris protecteurs est longue. Dans son livre, l’autrice en cite plus d’un. Le Nazar Boncuğu, cette perle en verre bleu en forme d’œil, ainsi que tout type d’amulette représentant un œil et dédié à cet effet, aurait le pouvoir de renvoyer sur celui qui jette le mauvais œil son regard funeste. Un autre talisman populaire est la main de Fatima, du nom de la fille du prophète Mohammed. Un œil est souvent représenté au centre de la paume. Des plantes comme la sauge, le Palo Santo (bois sacré à brûler) ou encore certaines pierres semi-précieuses comme la labradorite ou l’obsidienne noire serviraient aussi à nettoyer l’énergie négative projetée par le mauvais œil.
Il existerait autant de remèdes pour conjurer le mauvais œil qu’il existe de croyances sur terre, chaque pays détenant ses propres méthodes pour écarter le mauvais sort. Olivia, thérapeute et guérisseuse mexicaine, conseille par exemple de porter un fil rouge autour du poignet. « Cette cordelette rouge constitue une tradition au Mexique et, portée autour du poignet, elle détournerait l’attention du mauvais œil », explique cette dernière. Elle conseille aussi de brûler du copal pour purifier notre lieu de vie. Il s’agit d’une résine populaire au Mexique, issue d’un arbre originaire d’Amérique centrale, qui permettrait de purifier et d’éloigner les mauvaises énergies.
En conclusion
Dans son article Ce que les croyances ont à nous dire (publiée dans le magazine Sciences Humaines), Catherine Halpern, journaliste, explique que « qualifier de croyance une opinion, une idée ou une thèse, c’est en général vouloir lui ôter toute crédibilité et présupposer l’incertitude voire le manque de sérieux. L’irrationnel ne semble plus très loin et la croyance en question rejoint alors une farandole fantaisiste en étant reléguée du côté de la sorcellerie, des ectoplasmes, de la numérologie ou des extraterrestres... Dommage sans aucun doute, car du même coup, la qualification de croyance met fin à tout examen. (…) ‘C’est une croyance’ semble sous-entendre ‘C’est faux’. » Or, personnellement, je ne pense pas que les rituels que j’ai testés soient faux et ne fonctionnent pas. Je crois que l’intention émise lors de tels rituels est remplie d’amour et de bonne volonté. Soit tout l’inverse de quelqu’un qui nous jetterait le mauvais œil.
Au terme de ces expériences, je n’ai pas vraiment d’arguments pour étayer l’efficacité ou la véracité de ces rituels, mais je retiens que les énergies parasites pourraient être le fait d’autres personnes qui médisent à notre sujet, mais aussi que nous pouvons en être la source en suscitant ou en éprouvant de la jalousie. Les différentes praticiennes que j’ai rencontrées sont d’accord sur un point: « Que l’on y croie ou non les énergies s’accumulent dans notre corps et dans notre environnement. » Comme nous nettoyons notre maison, il serait donc également bon de faire le ménage au niveau énergétique. Sur ce thème, vous lirez de tout que ce soit sur le Net ou dans la vraie vie. Démêler le vrai, du faux n’est pas une mince affaire. Mais au final, chacun est libre de croire ce qu’il veut tant que cela ne met ni sa vie ni celle de son porte-monnaie en danger… En effet, vous ne courez pas grand risque en traversant votre maison avec un bâton de fumigation, tant que vous veillez à bien l’éteindre ensuite. Superstition ou réalité, je l’ignore, mais personnellement, pour me prémunir du mauvais œil, je serais capable de prendre des bains d’eau salée chaque soir de pleine lune, de danser nue autour d’un feu et de porter un fil rouge autour du poignet, pas vous?
Mauvais œil & envoûtements: Comment s’en protéger ou s’en libérer de Cécile Dalet, éd. Trajectoire.
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