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© Monika Jaskolka van Monlight Photography

À COEUR OUVERT: ““On m’a annoncé que j’étais ménopausée à 25 ans””

Chaque femme sait qu’un jour elle atteindra la ménopause, mais dans le cas d’Efka, 31 ans, cela s’est produit très tôt. Elle n’avait que 25 ans lorsqu’elle a découvert qu’elle était en ménopause précoce.

«Lorsque je me suis retrouvée célibataire à 24 ans, j’ai ­envisagé de faire un don ­d’ovocytes. Je voyais cela comme un acte de charité altruiste, tout comme le don de sang et d’organes. Je ne pensais pas encore à l’aspect ADN à ce moment-là, mais l’idée de pouvoir aider quelqu’un à réaliser son désir d’enfant me semblait incroyablement belle. Dès que j’en ai été vraiment convaincue, j’ai commencé le ­processus avec une prise de sang. Peu de temps après, je me suis ­rendue chez une gynécologue pour un examen, mais pendant l’échographie interne, elle a fait venir son collègue. ‘Tu vois la même chose?’, a-t-elle demandé, et l’autre a acquiescé. Je ne savais pas de quoi ils parlaient, mais après m’être rhabillée, la gynécologue m’a demandé si je savais si ma mère ou ma grand-mère étaient déjà ménopausées. J’ai toujours su que ma grand-mère – que j’appelle mamie – avait à peine 42 ans lorsqu’elle est entrée en ménopause, et que ma mère ressentait elle aussi petit à petit des symptômes. Puis lorsque la gynécologue a indiqué que j’étais déjà moi-même en ménopause, j’ai eu ­l’impression de tomber de très haut.

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Ça a commencé par une petite tache rouge qui s’est transformée en boutons sous-cutanés épais. J’étais très malheureuse.

Cela ne faisait que 3 mois que j’étais avec mon petit ami actuel, Alexander, avec qui je me voyais construire un petit nid et fonder une famille. Je commençais à paniquer, mais la gynécologue ma rassurée et m’a dit de ne pas trop m’inquiéter pour l’instant. Selon elle, j’avais encore ­plusieurs années devant moi pour envisager d’avoir des enfants, et il y avait même de grandes chances que je finisse par accueillir des jumeaux. J’essayais de me consoler avec cette pensée. J’ai supplié mon petit ami de me quitter pour une femme normale, capable de mettre des enfants au monde. Il n’en était pas question pour lui. Il a même eu la gentillesse de dire: ‘Ou alors, arrête de prendre la pilule contraceptive dès maintenant, et si tu tombes enceinte, nous garderons le bébé et ce sera notre bébé d’amour.’ Cela me semblait à la fois magnifique et difficile, car je venais juste d’arrêter de travailler pour reprendre mes ­études. Ce n’est pas que je n’avais pas un bon travail à ce moment-là, mais je sentais qu’il y avait plus en moi. J’ai décidé de concrétiser d’abord ces projets, de réaliser notre rêve de logement et d’accueillir un chien, mais au printemps 2019, les premiers symptômes de la ménopause se sont peu à peu manifestés.

Trop tard

Ce qui a commencé par une petite tache rouge s’est transformé en ­boutons et pustules sous-cutanés très épais. J’avais non seulement de l’acné hormonale sur le visage, mais aussi sur le dos, les épaules, le cou et les seins. Cela me rendait très ­malheureuse. Je n’osais plus sortir avec mes amis et le pull à col roulé était devenu mon vêtement préféré. De plus, le syndrome du canal carpien (une affection résultant d’une ­pression accrue sur les nerfs, souvent observée chez les femmes ménopausées) commençait à me gêner de plus en plus. Parfois, la ­situation était si grave que je ne ­ressentais plus rien pendant un quart d’heure et que je ne pouvais plus ­ouvrir la porte ni tenir un stylo, et ne parlons même pas de conduire.

J’ai supplié mon petit ami de me quitter pour une femme normale, capable de mettre des enfants au monde.

En plus, tous mes os craquaient, en raison des premiers stades de ­l’ostéoporose (déminéralisation ­osseuse). Lorsque je mâchais, tout le monde dans la même pièce pouvait l’entendre. Même si je dormais en ­culotte pendant les mois d’hiver, je me réveillais régulièrement en sueur alors qu’il faisait très froid dehors. J’avais de plus en plus de mal à m’endormir. Parfois, je me sentais aussi très excitée, comme si j’avais bu une boisson énergisante. Enfin, je souffrais de sécheresse vaginale, ma libido était pratiquement ­inexistante et mes règles avaient ­disparu, même après avoir cessé de prendre la pilule depuis 6 mois. Ce dernier était en fait le symptôme le plus évident, même si j’ai d’abord pensé que mon corps avait besoin de se ‘désintoxiquer’ de la pilule. De plus, je venais de devenir végétarienne, ce qui m’a également fait penser à une carence en vitamines, mais après une nouvelle prise de sang – qui a révélé qu’il était en fait déjà trop tard – mon médecin généraliste m’a orientée vers l’UZ Brussel. Là, ils ont comparé les analyses de 2017 avec celles de 2019 et m’ont dit de manière très ­directe: ‘Je suis désolé de vous ­annoncer cela, mais vous êtes à 100 % stérile, et c’est irréversible.’ L’annonce de cette nouvelle a été dévastatrice.J’ai pleuré et fait mon deuil pendant des semaines, voire des mois. Je ne devais pas seulement accepter la nouvelle que j’étais en ménopause. Il y avait aussi le fait que j’étais stérile et que je devais compter sur des ­ovocytes d’une autre femme pour réaliser mon désir d’enfant.

L’ADN ne fait pas tout

Passer de l’envie de faire un don ­d’ovocytes au fait d’en avoir besoin soi-même est un changement ­radical. Je n’ai pas non plus de sœur ni de cousine directe et ma mère était déjà trop âgée pour faire un don. ­Personne dans notre entourage ­proche n’était disposé à nous faire un don d’ovocytes, mais j’ai eu la chance qu’Alexander ait toujours ­indiqué que nous opterions pour un don d’ovocyte anonyme. Quelques semaines plus tard, nous nous ­sommes inscrits sur la liste d’attente pour les ovocytes et un mois plus tard, nous avons reçu un appel nous informant qu’ils avaient trouvé une personne qui nous correspondait. Au début de l’été 2019, nous avons commencé un traitement médicamenteux, et début août, j’ai eu un premier transfert. Cette opération a été un succès, mais malheureusement, j’ai fait une fausse couche à 6 semaines de grossesse. Les règles nettoient l’utérus, mais comme je n’ai plus de règles, on m’a prescrit à ­nouveau la pilule contraceptive, afin de provoquer des règles contrôlées par la pilule. Finalement, il a fallu 3 mois avant que je puisse avoir un nouveau transfert, qui a également réussi et qui, après un trimestre ­marqué par des saignements très abondants, a donné naissance à une fille magnifique, qui a aujourd’hui 2 ans.

Olivia ressemble à son papa, mais c’est aussi mon enfant. C’est moi qui l’ai mise au monde, c’est moi qui l’ai prise dans mes bras la première.

Pendant ma grossesse, je me suis sentie en pleine forme. J’ai été enceinte pendant 41 semaines et j’ai ensuite allaité pendant plus d’un an. Grâce aux hormones, les symptômes de la ménopause ont largement ­disparu. J’avais l’impression de ­maîtriser enfin mes émotions et ma libido s’est également rétablie. J’adore être maman. Bien que notre fille soit née grâce au sperme de mon compagnon et à l’ovule d’une donneuse anonyme, je reconnais un peu de moi en elle. Par exemple, je n’aime pas manger du chocolat, mais j’adore les chips et les fruits. À ce niveau-là, Olivia est tout à fait pareille. Si on lui offre un morceau de chocolat, elle ne l’acceptera pas, mais si on lui donne un fruit, elle le mangera immédiatement. Elle ­ressemble comme 2 gouttes d’eau à son papa, mais elle est aussi vraiment mon enfant. C’est moi qui l’ai mise au monde, c’est moi qui l’ai prise dans mes bras la première et qui l’ai élevée avec mon lait maternel. Elle n’est peut-être pas issue de mon ovule, mais cela n’en fait pas moins ma fille. L’ADN, ce n’est pas tout.

En décalage

Certaines personnes ont une vision très différente de cette partie d’ADN. Lorsque nous recevons par exemple du sang ou un organe d’une autre personne, nous considérons cela comme quelque chose de tout à fait normal, mais lorsqu’on parle de ­spermatozoïdes ou d’ovules, la réponse est souvent la suivante: « C’est l’enfant de quelqu’un d’autre, alors? » Je ne suis pas d’accord avec ça. Je le vois plutôt comme un ­élément constitutif. Si quelqu’un a posé une brique lors de la ­construction de votre maison et que vous avez ensuite acheté cette propriété, cela ne signifie pas que ­cette brique appartient encore à l’ancien propriétaire. De plus, étant donné que j’étais dépendante du don d’ovules, j’ai pu briser le cycle, et ­Olivia n’aura pas à suivre le même parcours que moi.

Actuellement, ­Alexander et moi essayons d’avoir un deuxième enfant avec la même donneuse, mais le premier transfert n’a malheureusement pas abouti. Je trouve cela assez difficile. Je ­m’attendais à être à nouveau ­enceinte immédiatement, ce qui n’a pas été le cas, donc je fais face, une fois de plus, aux limites de mon corps. Bien que nous ayons une fille en ­bonne santé, je me retrouve à ­nouveau confrontée à certaines ­réalités. Pourquoi mon partenaire et moi devons-nous encore débourser des milliers d’euros pour devenir ­parents? Pourquoi mon corps ne fait-il pas ce qu’il est censé faire?

Lorsque mes copines se plaignent de leurs règles, je me sens comme la cinquième roue du carrosse. Heureusement, je peux en parler avec ma mère et ma belle-mère.

Bien que l’impact mental de la ménopause précoce soit largement absent de mon esprit, je continue à ­lutter contre le fait que je ne peux pas simplement mettre un enfant au monde. Tomber enceinte de notre fille nous a coûté au total 4000 €, tandis que mon partenaire et moi avons dû payer aujourd’hui 3600 € juste pour les ovules, donc nous nous attendons probablement à un coût d’au moins 5000 € ou plus. En plus, il ne s’agit pas d’une ­science exacte. Personne ne peut garantir la venue d’un deuxième enfant. Nous devrons attendre et voir ce que l’avenir nous réserve, mais la ménopause précoce implique beaucoup de choses auxquelles les femmes qui n’en sont pas atteintes ne devraient probablement même pas penser. Non seulement cela a un ­impact sur ma féminité, mais certains sujets sont impossibles à aborder. Lorsque mes amies se plaignent de leurs règles, je me sens toujours ­comme la cinquième roue du ­carrosse, en décalage et je ne peux que souligner que pendant la ménopause, on passe d’une misère à l’autre. Heureusement, j’ai ma mère et ma belle-mère pour en parler de temps en temps (rires).

Trop peu d’informations

Au moment où je venais à peine de commencer ma ménopause précoce, je cherchais des jeunes femmes dans la même situation que moi. Je n’en ai pas trouvé tout de suite. C’est ­pourquoi je me suis tournée vers des femmes dans la cinquantaine et la soixantaine, mais parmi elles, je me sentais encore trop jeune. Un jour, lorsque je suivais une formation de coach, on m’a dit: ‘Si vous n’êtes pas sûre du type de coach que vous ­aimeriez être, vous pouvez peut-être devenir la personne dont vous avez eu besoin à un moment donné de votre vie.’ C’est pourquoi je veux faire en sorte qu’on parle de la ménopause précoce autant que possible et servir de point de contact pour les femmes qui se trouvent dans la même ­situation. Si elles se sentent perdues ou seules, je veux qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules. Je trouve important de pouvoir rassurer les ­autres car il y a peu d’informations disponibles. Et si l’on en croit les ­publicités sur la ménopause, ce sont toujours des femmes de 50 ans ­impeccablement habillées qui ­dansent la salsa avec leurs meilleures amies. Cela donne une image très déformée, presque idéalisée. Si vous voulez savoir si vous êtes en ménopause précoce, vous pouvez faire vérifier votre réserve d’ovules par une prise de sang chez votre médecin généraliste. Quoi qu’il en soit, ­consultez votre médecin ou votre gynécologue dès que vous ne ­reconnaissez plus votre propre corps, que vous ne savez plus quoi faire de vous-même, que vous avez soudain beaucoup d’acné hormonale ou que vous présentez d’autres symptômes. Avec tout le respect que je dois aux professionnels de la santé, je pense que c’est la femme qui connaît le ­mieux son corps.

Même si l’on ne trouve pas tout de suite quelque ­chose, cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien d’autre. À 15 ans, je n’avais pas encore mes règles. Longtemps, les médecins ont pensé que c’était parce que j’avais ­développé un trouble de l’alimentation à l’âge de 8 ans à la ­suite du divorce de mes parents. On m’a donc prescrit la pilule et, la veille de mes 16 ans, j’ai eu mes ‘règles’. Mais les saignements que j’ai eus à partir de ce moment-là étaient ­contrôlés par la pilule. Parfois, je me demande si je n’étais pas déjà ménopausée à l’époque, mais la pilule me donnait un cycle menstruel ­artificiel. Je ne reproche à personne de ne pas avoir effectué de tests à l’époque, car aucun médecin ­généraliste ou parent ne pense ­qu’une adolescente peut déjà être ménopausée, mais si vous sentez qu’il y a quelque chose, allez au fond du problème, et surtout si vous avez le désir d’avoir des enfants, afin d’éviter qu’il ne soit malheureusement trop tard pour vous. »

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