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A COEUR OUVERT: « Je pensais être stérile, aujourd’hui je suis maman de jumelles miracles »

Justine Rossius Journaliste
Ana Michelot Journaliste

Après 6 ans de tentatives par tous les moyens possibles, Hanne, 35 ans, a été déclarée inexplicablement stérile. Alors qu’elle avait fait le deuil d’une vie de famille, elle est tombée enceinte de ­jumelles. Il y a un an et demi, elle est devenue maman de Lenne et Kato.

«Je fais partie de ces femmes qui savent depuis l’enfance qu’elles veulent des enfants. J’oserais même ­affirmer que je suis venue au monde avec l’instinct maternel! Que je devienne mère un jour était pour moi une évidence, mais malheureusement, cela ne dépend pas toujours de vous... C’est ce que mon compagnon de l’époque et moi-même avons compris lorsque nous avons décidé ensemble que le moment était venu d’avoir des enfants. Comme je n’étais toujours pas enceinte au bout ­­d’un an, nous avons tiré la ­sonnette d’alarme et nous avons tous les 2 passé des examens pour écarter les causes possibles.

D’après le gynécologue, ni lui ni moi n’avions de problème ­médical rendant une grossesse difficile, mais comme cela ne ­venait pas naturellement et que nous étions déjà en couple ­depuis un certain temps, nous avons entamé un programme de fertilité. Nous avons fait plusieurs tentatives d’insémination, avant de passer à la FIV, car les résultats souhaités n’étaient pas au rendez-vous. La FIV – en partie à cause des hormones – n’était pas seulement invasive, elle était aussi très ­décevante, car avant même de pouvoir être congelés, les embryons cessaient de se développer à un stade précoce. Une seule fois, l’un d’entre eux a été de qualité suffisante pour être transféré, mais cela n’a pas non plus abouti à une grossesse. Face à ces déceptions successives, nous avons temporairement fait une pause, mais à partir de ce ­moment-là, notre relation s’est ­dégradée ­fortement. Je m’étais ­complètement perdue et j’étais tout le temps sur des montagnes russes, entre grands espoirs et sentiment d’impuissance totale. À l’époque, je me disais même que, sans enfant, je ne savais pas si la vie valait encore la peine d’être ­vécue. J’étais au plus bas. Je ne voyais pas à quoi ressemblerait mon existence si je ne pouvais ­jamais accueillir d’enfants. J’y ­pensais – sans exagérer – du matin au soir. Plus d’une fois, on m’a dit de laisser tomber, mais c’est ­impossible quand on veut ­vraiment un bébé. J’ai tout essayé pour ­augmenter ma fertilité et mes chances de tomber enceinte, mais rien n’a porté ses fruits et cela a fait des ravages sur notre couple.

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J’avais dépassé la trentaine et j’étais à nouveau célibataire. Qui voudrait de moi si je n’étais pas capable d’avoir un enfant?

Une femme brisée

Peu de temps après avoir repris les processus de fertilité et m’être rendue dans une autre ­clinique pour entamer un nouveau processus de FIV, on m’a annoncé que j’étais inexplicablement infertile. C’est alors que nous nous sommes séparés pour de bon. Cela a été extrêmement difficile, car j’étais déjà terrifiée à l’idée de ne jamais devenir mère, et lorsque nous avons ­soudainement rompu après 10 ans de relation, j’avais ­dépassé les 30 ans et mes espoirs à l’idée d’avoir une ­famille un jour se sont effondrés. Qui voudrait de moi si je n’étais même pas capable d’avoir une progéniture? J’étais une femme brisée... Mais malgré tout, j’ai décidé de ne pas jeter l’éponge. J’ai installé Tinder pour profiter de ma ­liberté, et moins de 4 mois plus tard, j’ai rencontré Steve. Dès notre première rencontre, nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre. Ensemble, nous avons vécu une seconde jeunesse et il est vite devenu évident qu’il était l’amour de ma vie. Pour Steve, les enfants n’étaient pas une nécessité absolue, ce qui m’a permis de tomber amoureuse de lui plus facilement. Puisque je ne pouvais pas lui garantir que nous aurions des enfants, il n’y avait aucune pression. Bien que notre vie ensemble était déjà très agréable, mon désir de tomber un jour enceinte est resté intact. J’ai toujours eu l’impression que j’étais faite pour être mère et ce sentiment était permanent. Un an après notre rencontre, Steve et moi nous sommes mariés et avons décidé ensemble que j’arrêterais de prendre la pilule contraceptive. Nous allions voir ce qui se passerait ou non. Au début, j’ai retrouvé un peu d’espoir, mais lorsque, 2 années se sont écoulées sans le moindre signe d’une grossesse, j’ai à nouveau perdu espoir. Je ne voulais pas refaire un ­programme de fertilité. Cela m’avait laissé trop de traces, il était évident pour moi que nous n’allions pas emprunter à nouveau cette voie. Mais mon désir d’enfant était toujours présent.

J’adorais m’occuper des enfants des autres, mais après une journée bien remplie, je rentrais dans une maison douloureusement vide.

En deuxième ligne

Je travaille avec des enfants et leurs parents, ce qui m’a confrontée à maintes reprises à la réalité: je voulais aussi faire l’expérience d’élever un enfant. L’impact de l’infertilité s’est répercuté sur presque tous les aspects de ma vie. Des amis ont eu un enfant, et peu de temps après généralement un deuxième, et je restais là, le ventre vide. Les relations avec les personnes qui m’étaient chères ont été mises à rude épreuve. Bien sûr, j’étais ­heureuse pour eux, mais en même temps, je les voyais vivre mon rêve et cela me faisait souffrir. J’adorais ­m’occuper des enfants des autres, mais après une telle journée, je me retrouvais chez moi, dans une maison ­douloureusement vide. Le fait que je sois inexplicablement stérile et que tout fonctionne comme prévu ­pour les autres n’aidait pas non plus. J’avais l’impression qu’il se passait quelque chose dans mon corps que la ­communauté médicale ne connaissait pas encore, ce qui me faisait peur et me faisait perdre confiance en moi. À long terme, cette combinaison a pesé si lourd que j’ai souffert d’épuisement professionnel. C’était comme si la lumière s’était éteinte du jour au lendemain. J’étais dans un processus de deuil. Je ­n’arrivais plus à dormir et il n’était plus question de fonctionner pendant la ­journée. Quand je dis que je ne pouvais plus rien faire, ce n’est pas exagéré. Après quelques mois, grâce à l’aide et aux conseils d’un coach en burn out et d’un psychologue, je me suis progressivement sentie à nouveau moi-même. J’ai même eu l’impression d’avoir plus ou moins accepté le fait que mon vœu le plus cher ne se réaliserait jamais. Alors que j’avais accepté de construire ma vie sans enfant, je suis tombée enceinte. Après un week-end familial intense et chargé – au cours duquel Steve et moi étions en train de rire et de nous dire qu’une vie sans enfant n’était pas si mal – mes règles ont soudainement cessé, et j’ai fait un test. J’ai fait un grand nombre de tests de grossesse dans ma vie, mais je n’avais jamais vu une deuxième ligne apparaître auparavant (rires). Il est presque impossible d’exprimer avec des mots à quel point c’était fou. Incapable d’en croire mes yeux, j’ai appelé mon médecin généraliste. Je voulais une ­échographie le plus rapidement possible, car je ne pouvais pas croire que ce test positif était dû à une grossesse. Je pensais en fait que j’avais une tumeur qui sécrétait des niveaux de HCG (hormones de grossesse, ndlr), mais après une échographie, il s’est avéré qu’il y avait ­finalement bien un bébé dans mon ventre.

Je n’arrivais pas à croire que la vie m’avait accordé le droit d’être mère et j’avais sans cesse peur que quelque chose se passe mal.

Grande surprise

‘Félicitations, vous êtes enceinte de 5 semaines’, m’a-t-on annoncé. Quelle surprise! Et ce n’était pas la seule. À 8 semaines de grossesse, juste avant l’échographie, j’ai perdu beaucoup de sang, alors je me suis rendue aux urgences et je me suis préparée à une fausse couche. C’est là que j’ai vu pour la première fois un beau cœur battre, et lorsque le gynécologue m’a ­rassurée en me disant que tout allait bien, nous avons vu un ­deuxième cœur battre (rires). J’étais passée d’une stérilité ­inexplicable à une grossesse ­inattendue, puis à des jumelles. Les extrêmes! J’étais tellement heureuse que mon rêve devienne enfin réalité après tout ce temps, mais en même temps, je ne pouvais pas croire que le jour ­viendrait où je pourrais tenir non pas un, mais deux bébés dans mes bras. Pendant ma grossesse, j’ai vécu au jour le jour avec la peur que quelque chose ne se passe pas bien. Les échographies ont montré que les bébés avaient chacun un sac amniotique mais partageaient le placenta, ce qui en faisait une grossesse à haut risque. ­Heureusement, cela signifie que j’ai été suivie de très près à l’hôpital et que j’ai eu des échographies tous les 15 jours au début, puis toutes les semaines par la suite.Entre 2 échographies, je me ­demandais constamment si mes bébés étaient encore en vie. ­Idéalement, j’aurais voulu pouvoir regarder à l’intérieur de mon ventre pour garder un œil sur eux. À 28 semaines, j’ai été admise à l’hôpital en raison d’un col de l’utérus raccourci et d’un risque d’accouchement ­prématuré, il n’y avait donc rien d’autre à faire que de me reposer et d’espérer le meilleur scénario possible. À 32 semaines, on a constaté qu’elles se présentaient toutes les 2 par le siège et il est ­devenu de plus en plus évident qu’une césarienne serait pratiquée à 36 semaines. C’était une date que j’attendais avec impatience et à laquelle je me suis rendue avec plaisir. La naissance de nos filles a été un moment de libération. ­Entendre mes filles pleurer à chaudes larmes a été extraordinaire. J’étais incroyablement soulagée d’avoir réussi, mais j’ai immédiatement senti que cette longue période d’infertilité et ­d’incertitude pendant la grossesse avait laissé des traces. Je n’arrivais toujours pas à croire que la vie m’ait accordé le droit d’être une mère pour mes bébés. J’avais ­toujours peur que quelque chose se passe mal.

Contente malgré toutes les difficultés

Lorsque mes filles étaient encore dans mon ventre, je n’avais aucun contrôle sur elles. Après leur ­naissance, j’ai pu exercer un certain contrôle, mais j’étais terrifiée à l’idée qu’elles s’arrêtent de respirer pendant leur sommeil, par exemple. J’étais convaincue qu’une telle chose se ­produirait et, par conséquent, j’étais constamment sur mes gardes pendant les premières semaines et les ­premiers mois de leur vie. J’ai dû me forcer à apprendre à lâcher prise, car je ne pouvais pas les surveiller 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Je devais aussi essayer de dormir. Sinon, on ne tient pas le coup, mais fermer les yeux était extrêmement difficile. Comme je ne voulais pas que mes filles aient une maman angoissée, j’ai travaillé dur pour maîtriser ces peurs. D’un autre côté, je profitais intensément de chaque seconde. C’est tellement agréable d’être ­enfin une mère et de pouvoir faire tout cela. Bien que je trouve la maternité très difficile, c’est aussi la plus belle chose qui soit. Les filles grandissent à vue d’œil et profitent pleinement de la vie. Aujourd’hui, elles ont un an et demi et sont à un âge où elles veulent explorer ­autant que possible et refusent de dormir (rires). Les mettre toutes les 2 au lit est un véritable exploit chaque jour. Mais j’adore voir leur lien se développer. Elles sont en phase l’une avec l’autre. Elles ont également chacune leur propre ­personnalité. Bien que ce soit de vraies jumelles, elles sont très ­différentes. Kato est joyeuse et créative, tandis que Lenne est ­plutôt pensive, attentionnée et un peu capricieuse. Les éduquer n’est pas toujours une partie de plaisir, mais je trouve que c’est un ­privilège de pouvoir le faire. Dans les moments plus difficiles, je parviens peut-être plus ­facilement que d’autres à relativiser, parce que je me dis que j’ai beaucoup de chance de vivre cette expérience de parentalité, y compris avec les aspects difficiles. En fait, c’est vraiment cool que ce soit difficile (rires). Pour Steve, c’est un peu différent. Lorsque j’étais enceinte, il a dû se faire à l’idée qu’il y aurait finalement un bébé, et le fait qu’il y en ait eu 2 n’a pas rendu les choses plus faciles.

Même si je n’oublie pas le chemin parcouru, je pense que j’avais vraiment besoin de devenir maman avec elles.

Un pansement sur la plaie

La difficulté de la prise en charge de 2 enfants du même âge n’est pas toujours évidente pour Steve, même s’il est manifestement heureux et fier d’être papa. Il aime jouer avec elles et faire des sorties ensemble. Nos filles ­enrichissent notre vie. Grâce à elles, il y a toujours de la vie et tout a une dimension supplémentaire. Je suis extrêmement reconnaissante d’avoir pu accueillir nos filles. Pour moi, elles sont de véritables petits miracles. Je pense que ça s’est passé ainsi pour une raison. Si j’étais tombée enceinte avant, cela n’aurait pas été elles. Je pense que j’avais vraiment besoin de devenir maman avec elles. Bien sûr, je n’ai pas oublié le chemin parcouru, mais le fait d’avoir aujourd’hui 2 enfants miracles en bonne santé est un sérieux pansement sur la plaie. Tout le monde autour de nous est également très heureux de les avoir. Les liens avec les amis et la famille, qui étaient autrefois tendus, sont aujourd’hui plus forts que jamais. L’éléphant dans la pièce – lire: mon chagrin dû au ­désir d’enfant non exaucé – n’est désormais plus sur la table, ce qui signifie que certaines amitiés peuvent renaître. Nous nous sommes retrouvées en tant que mamans et j’en suis immensément reconnaissante. Mais je peux ­imaginer que, pour les personnes qui vivent ce que j’ai vécu, mon histoire peut être douloureuse à lire. Au fil des ans, mes amis et ma famille ont souvent essayé de me donner de l’espoir en me racontant des histoires comme celle-ci. Mais ce n’est pas cela qui m’a donné de l’espoir tout au long de mon parcours, loin de là. Si quelqu’un me disait cela, je me ­mettais même en colère. Les mots ou les conseils bien intentionnés blessent généralement sans le vouloir. La seule chose qui aide vraiment, ce sont les gens qui ­acceptent cette lourdeur et qui essaient de la porter ­autant que possible. Alors, pour tous ceux qui lisent ces lignes et qui se reconnaissent: je vous vois et je croise les doigts pour vous. »

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