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© Montage Flair

A COEUR OUVERT: « Je suis mère porteuse pour ma meilleure amie »

Pour beaucoup, avoir un enfant est la plus belle chose qui soit, mais que faire si dame Nature ne vous accorde pas ce bonheur? Dans un peu plus d’un mois, Laura, 35 ans, donnera naissance à un bébé pour son amie d’enfance, Anne*, 37 ans, qui ne peut pas avoir d’enfant.

« Pour moi, la maternité est de loin la plus belle chose qui soit. Mon mari, Stefan, et moi avons la chance d’avoir quatre magnifiques enfants: Jules-Eloïse a 8 ans et sa sœur Ellie-Mae en a presque 6. Leur petit frère Oskar-Léon a fêté son quatrième anniversaire cette année et Loïc-César, 2 ans, est le cadet de notre famille. Ils sont tout pour moi. Si mes enfants n’étaient pas là, je le vivrais comme le plus grand manque de ma vie.

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Malheureusement, je suis consciente que tout le monde n’a pas cette chance de devenir maman ou papa. Mon cœur de mère se brise à cette idée, et c’est pour cette raison que je me suis lancée dans cette aventure unique. Dans un peu plus d’un mois, en novembre 2024, je mettrai au monde un cinquième miracle pour quelqu’un qui ne pouvait qu’en rêver. Cette personne, c’est Anne, l’une des amies qui fait partie de ma vie depuis longtemps et que je connais depuis le début de mon adolescence. La marraine d’Anne est une amie proche de mes parents, et nous partions en vacances ensemble chaque année. Comme Anne et moi vivons ­aujourd’hui à une heure de route l’une de l’autre, nous ne nous voyons pas aussi souvent que nous le voudrions, mais nous sommes toujours restées en contact et nous savons très bien ce que nous représentons l’une pour l’autre. J’étais au courant lorsque Anne – qui est homosexuelle et ne vit pas en couple – a décidé de participer à un programme de fertilité pour devenir mère célibataire par choix. Au cours des dernières années, elle a subi onze traitements de fécondation in vitro dans l’espoir de devenir maman, mais en vain, aucune de ces tentatives n’a abouti à une grossesse.

Je partageais la douleur d’Anne et j’essayais de la soutenir autant que possible, mais même avec la meilleure volonté du monde, je ne pouvais pas imaginer à quel point la déception devait être grande. C’est devenu un peu plus clair en regardant un documentaire dans lequel on suit pendant trois ans des couples en désir d’enfant ainsi que des mères porteuses. J’avais une admiration incroyable pour ces femmes qui portent un enfant pour quelqu’un qui ne peut pas en avoir, mais je n’étais pas une de ces femmes. Du moins, c’est ce que je pensais, car peu à peu, ce sentiment s’est complètement inversé.

Éviter les pièges juridiques

Depuis deux ans, Stefan, mon frère Michaël et moi gérons une brasserie. Mon mari travaille en coulisses et je suis responsable de la cuisine. Au démarrage de notre entreprise, Stefan et moi cherchions une jeune fille au pair afin de pouvoir jongler entre notre vie professionnelle et privée, mais cette recherche s’est avérée plus difficile que prévu. En attendant de trouver une solution, Anne est venue à notre secours, nous aidant autant qu’elle le pouvait. Au moins trois jours par semaine, elle venait chez nous et s’occupait de nos quatre enfants avec le plus grand soin et beaucoup d’amour. Elle s’épanouissait complètement dans ce rôle. En la regardant, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle est une mère née. ”Stefan et toi, vous pourriez m’en faire un”, m’a dit Anne en riant à deux reprises, ignorant complètement que cette phrase continuait de résonner dans ma tête.

Dans un mois, je mettrai au monde un cinquième miracle pour quelqu’un qui ne pouvait qu’en rêver.

Cette idée a été plantée comme une graine dans mon esprit et, au fil du temps, a fait son chemin. Je ne pensais plus qu’à cela. Il va de soi que Stefan et moi n’avons pas pris cette décision à la légère. Personne ne peut décider du jour au lendemain de devenir mère porteuse, mais pour être honnête, cela ne nous a pas pris des années non plus. Je sais très bien ce que je veux et ce cas n’était pas différent. L’été dernier, j’avais déjà pris la décision personnelle de porter un enfant pour Anne, mais c’était une décision que je ne pouvais évidemment pas prendre seule. Je devais également tenir compte de Stefan, mais lui aussi a pris la décision assez rapidement. Annoncer à Anne que je voulais porter un bébé pour elle a été un moment très particulier. “Tu es sérieuse? Vous voulez vraiment faire ça pour moi? Tu es sûre à 100 %?” Au début, elle n’y croyait pas. Elle était tellement surprise qu’elle a répété ce genre de question plusieurs fois, mais j’étais confiante et je savais que je voulais faire cela pour elle. Quelques semaines après cette grande annonce, nous sommes allés ensemble à la Maison de l’Adoption, à Anvers, pour obtenir des informations. Comme il n’existe pas de cadre juridique réglementaire, il y a de nombreux pièges juridiques auxquels nous devions faire attention. Nous avons commencé à chercher un avocat spécialisé en droit de la famille qui nous assistera et nous guidera tout au long de la procédure d’adoption une fois le bébé né.

Les pièces du puzzle

La procédure d’adoption peut durer jusqu’à deux ans. Entre-temps, une déclaration d’intention a déjà été rédigée et signée par toutes les parties concernées. Cela nous permettra d’agir dès la naissance. Qui a la décision finale si le bébé présente une anomalie ou qui sera privilégié si quelque chose se passe mal avant ou pendant l’accouchement? Il ne s’agit pas de questions évidentes, mais de sujets qui devaient être convenablement discutés et convenus à l’avance. Au préalable, j’ai informé quelques amies proches de mon projet de devenir mère porteuse, afin de pouvoir en parler avec quelqu’un. Je ne l’ai dit à mes parents et à mes beaux-parents que lorsque j’étais déjà enceinte, car je ne voulais pas qu’ils s’inquiètent à ce sujet.

Au printemps 2024, nous avons entamé les démarches pour ma grossesse. Je suis tombée enceinte dès la première tentative. Le bébé qui se trouve actuellement dans mon ventre est biologiquement celui de Stefan et moi. J’imagine que cela peut en choquer certains, mais nous avons choisi cette voie pour plusieurs raisons. D’une part, il n’y avait pas de temps à perdre et, d’autre part, la “gestation pour autrui non commerciale de haute technologie” pouvait présenter plusieurs obstacles potentiels. Il suffit de penser à tous les examens nécessaires, qu’il s’agisse d’examens psychologiques, médicaux ou obstétriques. Un tel processus prend rapidement un an et vous n’avez même pas la certitude d’obtenir le feu vert pour entamer la procédure. D’autre part, Anne n’a jamais réussi à tomber enceinte avec ses propres ovules. De plus, nous pensons tous les trois qu’un enfant a le droit de savoir qui sont ses parents biologiques, c’est pourquoi nous n’avons pas opté pour un donneur de sperme anonyme. Dans notre entourage immédiat, nous recevons surtout des réactions positives. Les personnes les plus susceptibles de réagir négativement le font principalement par inquiétude. “Cet enfant ne va-t-il pas se sentir exclu en sachant que Stefan et moi avons quatre enfants?” C’est une question logique, mais nous pensons différemment, car l’intention, dès le départ, était de jouer cartes sur table avec tout le monde. Il n’est absolument pas question de déformer la vérité. Cet enfant aura toutes les pièces du puzzle et pourra le reconstituer.

Le bébé est biologiquement le mien et celui de mon mari. Cela en choquera certains, mais c’est une décision mûrement réfléchie.

Ni regrets ni craintes

Nos enfants sont encore jeunes, mais ils comprennent plus ou moins la situation. Il y a quelques mois, j’ai montré l’échographie et j’ai demandé s’ils savaient ce que c’était. “C’est moi”, ont répondu les trois plus grands. Lorsque je leur ai dit que ce n’était pas le cas, Jules-Eloïse a compris qu’il s’agissait d’un nouveau bébé. Nous avons alors essayé d’expliquer, de manière adaptée à leur âge, que ce bébé ne resterait pas dans notre famille, mais irait chez Anne, car elle ne peut pas avoir d’enfants et ne pourrait autrement pas devenir maman. Mon mari et moi avons l’impression qu’ils le comprennent et nous le répétons régulièrement pour bien faire passer le message. Jusqu’à présent, ma grossesse se déroule comme prévu. Je n’ai pratiquement aucun problème de santé, à part l’instabilité pelvienne. Entre-temps, j’ai également eu deux séances avec une psychologue à l’hôpital. Elle m’accompagne tout au long de ce processus, mais je n’ai pas de problème pour l’instant. Je n’ai absolument aucun regret par rapport à cette situation, et je n’éprouve aucune peur à l’idée de céder ce bébé, car c’est ce qui était prévu.

Dès que j’aurai mis le bébé au monde, Anne prendra le relais. Elle mérite de vivre ce que c’est que d’être une maman dès le premier instant.

Ce bébé n’est pas pour nous. C’est avec cette idée en tête que nous avons commencé cette histoire particulière. Ce n’est pas comme si Stefan et moi étions complètement pris au dépourvu par cette grossesse et que nous ne voulions pas d’un cinquième enfant. Nous attendions cet enfant de façon très consciente avec l’intention de réaliser le souhait d’Anne d’avoir un enfant, afin qu’elle puisse enfin faire l’expérience de la maternité. Maintenant que je suis enceinte, elle essaie d’être aussi présente que possible. Elle m’accompagne à chaque échographie et chaque semaine qui passe est un pas de plus vers son petit garçon. L’accouchement approche de plus en plus et un scénario très clair a également été élaboré. Dans un monde idéal, j’aimerais accoucher à l’hôpital avec ma sage-femme, à moins qu’il n’y ait pas d’autre solution. Une fois que j’aurai mis le bébé au monde, Anne prendra le relais. Elle mérite de vivre l’expérience d’être maman et de tenir son nouveau-né dans ses bras dès le premier instant. Pour moi, le fait d’avoir son bébé près de soi tout de suite est l’un des plus beaux aspects de l’accouchement, et je veux aussi offrir cela à Anne. Elle a dû attendre assez longtemps avant d’être maman et cela lui donnera l’occasion de tisser des liens avec son bébé dès le premier instant.

Maman de quatre enfants, mère de cinq enfants

Le prochain chapitre reste à écrire, mais je suis convaincue que tout se mettra en place. J’attends avec impatience le moment où mes enfants rencontreront ce bébé. Je suis sûre que ce sera l’un des moments les plus spéciaux de notre vie. Je suis très curieuse de voir à quoi ressemblera le bébé et quel prénom Anne a choisi pour lui. Ce sera une grande surprise pour moi aussi, et elle a raison. J’avoue que j’aimerais secrètement qu’elle ait choisi un prénom composé, car cela établirait un lien subtil avec ma famille. Quel rôle ai-je envie de jouer dans la vie de ce petit garçon?

J’attends avec impatience le moment où mes enfants rencontreront ce bébé. Je suis convaincue que ce sera l’un des moments les plus spéciaux de notre vie.

La mère d’Anne m’a récemment ­demandé si je n’aimerais pas être la marraine du bébé. Une question que Anne a fini par me poser à son tour, mais j’ai immédiatement fait remarquer que ce n’était absolument pas une obligation pour moi. Pour moi, le plus important est que le bébé finisse dans un foyer chaleureux et aimant, et j’en ai l’assurance. C’est tout ce qui compte. Le fait de savoir que je le verrai encore est une pensée rassurante pour moi. Je ne veux ­surtout pas jouer un rôle trop ­important, et encore moins dicter à Anne comment se comporter en tant que mère. C’est son bébé, donc elle seule décide. Si nous avons l’occasion de partir en vacances ensemble l’été prochain, j’en serais ravie. C’est également ainsi que notre lien s’est forgé à l’époque et j’aimerais ­beaucoup poursuivre cette tradition dans les années à venir. Ce sera sans aucun doute particulier, mais si nous essayons tous de gérer cette situation plutôt ­inhabituelle de la manière la plus normale possible, cela deviendra sûrement habituel avec le temps. Je considère ma famille comme sa deuxième famille, avec des sœurs et des frères qui seront toujours là pour lui. Après la naissance de chaque ­enfant – y compris les deix enfants que j’ai malheureusement perdus ­pendant ma grossesse – je me suis fait tatouer, et ils sont assez visibles. J’immortaliserai aussi ce bébé, mais de façon assez subtile. Maman de quatre enfants, mère de cinq enfants, voilà qui je suis. »

*Anne n’aime pas être sous le feu des projecteurs. C’est pourquoi il a été décidé d’utiliser un pseudonyme.

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