BABYSTORY: ““Mon bébé est né grand prématuré””
Caroline Fontenoy, maman de deux petites filles, accouche de son troisième bébé: un livre d’utilité publique, dans lequel elle raconte son expérience de la prématurité.
Au départ, Caroline Fontenoy n’avait pas pour ambition de faire paraître ce qu’elle écrivait. Ses mots étaient adressés à Lou, sa fille, pour ne jamais oublier ce qu’elles avaient vécu en néonatologie. Deux ans plus tard, la présentatrice du RTL Info de 19h est invitée à témoigner lors d’un gala de charité organisé par Fetus For Life, une asbl qui œuvre au profit des mamans vivant des grossesses difficiles.
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Devant cette salle pleine à craquer, elle constate que son récit interpelle. Lorsqu’elle tombe enceinte de sa deuxième fille, Zélia, et qu’elle croit que l’histoire va se répéter, elle se jure de raconter un jour ce qui lui est arrivé. Quatre ans plus tard, Caroline se sent prête.
Accouchement prématuré à sept mois de grossesse
“C’est une infection, dont on n’a jamais vraiment déterminé l’origine, qui n’a pas été prise en charge à temps, qui a provoqué des contractions que je n’ai pas identifiées comme telles. C’était ma première grossesse, je ne savais pas. Je suis quelqu’un qui prend beaucoup sur moi. On me disait que tout allait bien, de ne pas stresser. Sauf, qu’en fait, ce qui se passait n’était pas normal.”
À sept mois de grossesse, j’aurais aimé qu’on m’oblige à lever le pied, et peut-être que l’histoire n’aurait pas été la même.
Les enjeux de la prématurité
“J’aurais aimé connaître les enjeux de la prématurité. Je les ai découverts quand il était déjà trop tard. Je ne savais pas qu’un bébé né trop tôt pouvait avoir des séquelles neurologiques, motrices. Si j’avais su tout ça, je pense que je me serais ménagée un peu plus. J’aurais levé le pied, j’aurais été plus attentive à certains signaux d’alerte. J’ai débarqué dans l’inconnu avec, peut-être, des idées préconçues sur la grossesse et la maternité. À sept mois de grossesse, j’aurais aimé qu’on m’oblige à lever le pied et peut-être que l’histoire n’aurait pas été la même. Je n’ai jamais mesuré à quel point être enceinte était un tel marathon. C’est une usine qui fonctionne 7j/7, 24h/24, en plus de tout ce qu’on a à faire à côté. Je trouve qu’on en demande parfois un peu beaucoup aux femmes. Il y a des femmes qui vivent des grossesses faciles, qui font du sport jusqu’au bout, et tant mieux! En revanche, pour celles pour qui c’est plus compliqué, je pense qu’il est important de s’écouter et de pouvoir s’arrêter.”
J’ai souffert du syndrome du ventre vide
La séparation
“Encore aujourd’hui, quand j’en parle, ça crée de l’émotion. Je revois ce moment, les couloirs de l’hôpital où on doit laisser Lou pour la première fois après des au revoir interminables. Avec Jérôme, mon mari, on ne parvenait même pas à se parler. C’était horrible de rentrer chez soi, de voir sa chambre vide. De se dire qu’on avait laissé notre enfant, certes, à des professionnels de la santé qui s’en occupaient excessivement bien, mais qu’on aurait dû être, nous, à ses côtés. Mais, j’étais amochée physiquement. Après l’infection, la césarienne, je sentais que j’avais besoin de me reposer un tout petit peu à la maison. Car la néonatologie intensive est un service d’urgence où tout est fait pour le petit patient et où les conditions d’accueil des parents sont assez spartiates. J’ai vite compris que si je voulais arriver au bout de ce marathon qui allait durer deux mois à l’hôpital, il fallait que je me repose chez moi. C’est ce que j’ai fait jusqu’où au jour où Lou a été capable de téter. Là, j’ai dormi avec elle et je n’ai plus bougé.”
Allaiter un bébé prématuré
“J’avais très envie d’allaiter Lou. J’ai tiré mon lait pendant des semaines en attendant qu’elle ait la force de téter. C’était très compliqué. Ça l’est déjà pour beaucoup de femmes qui accouchent d’un bébé à terme, mais alors, avec un préma, c’est la guerre! Ma détermination a pris le dessus. Comme ses intestins ne fonctionnaient pas encore, je me suis battue pour lui donner ce petit coup de pouce et j’y suis arrivée. Par contre, j’ai vraiment envie de dire aux femmes d’arrêter de culpabiliser par rapport à l’allaitement. Les enfants se portent très bien aussi avec du lait en poudre.”
Je savais qu’avoir un deuxième enfant, qu’avoir la possibilité de mener une grossesse à terme, cicatriserait beaucoup de plaies.
Le syndrome du ventre vide
“J’avais pris peu de kilos, mon ventre commençait à peine à se voir et, quinze jours plus tard, il était à nouveau tout plat. Comme si cette grossesse n’avait pas existé... Et ça, psychologiquement, c’était très dur. Surtout que j’aimais être enceinte, que jusque-là, tout allait bien. J’ai dû faire le deuil de ces deux mois de grossesse qui m’ont manqué. J’étais infiniment triste. Ça restera un regret éternel, mais qui me fait moins mal aujourd’hui, qui ne me fait plus pleurer. Je savais qu’avoir un deuxième enfant, qu’avoir la possibilité de mener une grossesse à terme, cicatriserait beaucoup de plaies. Même si ce n’est pas ça qui a conditionné l’arrivée de Zélia, car nous avions toujours voulu deux enfants. Le temps aide aussi. Voir Lou grandir, passer tous ses tests médicaux.”
L’évolution d’un enfant prématuré
“Peut-être, qu’inconsciemment, je suis particulièrement attentive à l’évolution de Lou. Je me demande souvent si elle aurait été telle qu’elle est aujourd’hui si elle était née à terme? Si elle est hypersensible parce qu’elle a dû se battre dès sa naissance? J’essaie de chasser ses idées, mais, oui, ce que nous avons vécu reste un petit traumatisme. Il y a aussi des dates butoir que j’appréhende. Statistiquement, par exemple, les prématurés, lorsqu’ils entrent en première primaire, ont plus de risque de souffrir de dyslexie, de dyscalculie, de problèmes d’apprentissage, … Ce n’est pas une vérité absolue, mais je sais que j’y serai attentive. Ce sont des petites piqûres de rappel.”
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Une deuxième grossesse après la prématurité
“Je suis une optimiste à tout crin. Je n’ai pas eu peur que l’histoire se répète avec Zélia, même si j’ai quand même dû faire quelques allers-retours à l’hôpital. J’avais des contractions. On m’a injecté un produit pour les calmer, ce qui a très bien fonctionné, et j’ai dû être alitée. On a découvert ensuite que j’avais contracté le CMV (le cytomegalovirus, ndlr). C’était la cerise sur le gâteau! Heureusement, j’avais dépassé les trois premiers mois. Si l’on contracte le CMV durant le premier trimestre, l’enfant peut avoir de lourds handicaps et les médecins conseillent d’ailleurs généralement d’interrompre la grossesse. Après six mois, les risques que le virus soit transmis au fœtus sont moindres. On a fait des échographies plus régulières pour vérifier l’évolution du cerveau de Zélia, qui, heureusement, va très bien. Avec elle, j’ai pu profiter des joies de la maternité ‘normale’. On m’a posé dans les bras un gros bébé de 3,750 kilos. J’étais déterminée à arriver jusqu’au bout. Je pense que mon bébé l’a bien compris, puisqu’elle est restée au chaud. Pour Lou, par contre, cette deuxième grossesse a été plus difficile à vivre. Je ne pouvais plus la porter ou aller la chercher à la crèche, comme j’étais alitée. Elle n’a plus voulu dormir dans son petit lit, elle me rejetait. Heureusement, ça passe. Les enfants grandissent, ils comprennent. ”
Le couple et la prématurité
“Avec Jérôme, mon mari, on a toujours eu une complicité d’enfer. Ce n’est pas pour rien qu’il est le père de mes enfants! Cette épreuve a encore renforcé notre lien. On a réussi à rire de situations qui n’étaient pas drôles du tout. Le soir, on s’ouvrait une petite bière en se disant qu’on n’allait quand même pas se laisser aller! Jérôme est quelqu’un qui prend beaucoup sur lui, il ne laisse rien transparaître. Il est mon pilier, il est toujours là. Il m’a avoué, lorsque j’écrivais ce livre, qu’il avait eu très peur pour nous deux. Quand je suis tombée enceinte de Zélia, il était persuadé que je n’arriverais pas au bout. Il ne me l’a pas dit sur le moment même, mais il était très stressé, il se préparait à revivre tout ça. Il y a beaucoup d’hommes qui ne se remettent pas de cette épreuve de la prématurité, qui en sont très touchés. Il faut en parler aussi.”
Parler de sa naissance à un enfant prématuré
“J’avais demandé à sa pédiatre comment m’y prendre pour lui en parler. Naturellement, elle m’a un jour demandé de lui montrer des photos d’elle bébé. Je lui ai expliqué, dans des mots très simples, pourquoi elle était appareillée sur ces images. Elle me demande encore de temps en temps de lui reparler de sa naissance, et on ressort ce petit album photos. Je ne sais pas vraiment de quoi elle a conscience, mais je vois que son histoire la touche, que ça a changé quelque chose pour elle de connaître tout son cheminement. ”
La peur au ventre, de Caroline Fontenoy, éd. Kennes.
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