BABYSTORY: ““J’ai accouché sur le parking de l’hôpital““
Du désir d’enfant à la maternité, mettre un petit être au monde peut parfois s’apparenter à des montagnes russes. Emmanuelle a été prise de court et n’a pas pu rejoindre la salle de travail à temps: elle a accouché de son cinquième enfant sur le parking de l’hôpital. Rencontre avec cette maman pour parler de cette expérience hors du commun.
Emmanuelle a 42 ans, elle habite à Bruxelles et est gynécologue-obstétricienne. Elle est l’heureuse maman de 5 enfants (3 filles et 2 garçons) qu’elle a eus avec son mari qui partage sa vie depuis 2002.
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Maman dans l’âme
“J’ai toujours voulu être maman. Dans mes souvenirs d’enfance, j’ai beaucoup joué à la poupée. J’ai rencontré mon compagnon en 2002, j’étais alors en troisième année de médecine. On était amoureux on s’est vite projeté à deux en sachant qu’il faudrait attendre pour avoir des enfants. Mon mari a une maladie sanguine chronique, il a connu de gros soucis de santé avant que je le rencontre. Il a dû prendre un médicament qui s’avérait mauvais pour la production des spermatozoïdes. J’ai compris que ce ne serait pas simple d’avoir des enfants naturellement, j’étais à la fois stressée et confiante. Je savais que la PMA allait pouvoir nous aider. Après notre mariage en 2009, on a essayé de concevoir un enfant. On se disait ‘il ne faut qu’un spermatozoïde pour faire un bébé, soyons confiant’.”
Finalement ça n’a pas fonctionné et nous nous sommes lancés dans un parcours PMA avec une FIV. Celle-ci a marché tout de suite. On m’a implantée un embryon qui s’est divisé en deux et je me suis retrouvée enceinte de jumelles.
Un troisième et un quatrième enfants
“Je pensais que je devrais repasser par la case PMA pour avoir d’autres enfants. Au moment où on a envisagé de faire un troisième enfant, nos filles devaient avoir 15 mois, j’avais encore des embryons congelés et j’ai recontacté le centre pour programmer un transfert.”
Mais surprise. Mes règles n’arrivent pas, je décide alors de faire une prise de sang qui révèle que je suis enceinte. Un vrai miracle!
“Quand mon mari et moi nous sommes décidés à lancer un quatrième, ça n’a pas marché naturellement au bout d’un an. J’ai fait des transferts d’embryons congelés qui n’ont rien donné. Un peu découragés, nous avons reprogrammé un dernier transfert d’embryon. Trois jours avant la date, j’apprends que j’ai contracté la toxoplasmose. J’annule le transfert en urgence. Déçue, j’ai dû tout reporter de trois mois. À ce moment-là avec mon mari, on ne se protégeait pas. Dix jours après, j’ai de nouveau un retard de règle. Je suis enceinte. Super nouvelle mais plus stressante à cause de la toxoplasmose (on fait davantage de suivi, de tests, ponction amniotique, prises de médicament etc).”
Ses accouchements
“Pour mon premier accouchement, j’ai eu une césarienne programmée. En tant que gynécologue, j’espérais vivre un accouchement par voie basse. Quelques jours avant la naissance de mon troisième enfant, j’ai eu une péridurale, l’accouchement s’est bien déroulé. Pour ma quatrième, je pensais que ce serait la dernière, j’ai eu envie de me challenger et d’accoucher de manière physiologique. Par contre je ne connaissais pas mon seuil de tolérance à la douleur, je ne savais pas comment je réagirais face à la douleur. À 7 cm de dilatation, mon gynécologue a rompu la poche pour faire avancer le travail. “
Je suis partie en vrille, je me suis transformée en animal. C’était horrible, je hurlais, je n’étais plus dans mon corps. Je pleurais pour avoir la péridurale. Je n’avais pas anticipé la violence de ce moment, moi qui ai l’habitude d’accompagner des femmes dans ce moment, j’ai trouvé ça insupportable et violent. Au moment-même, je me suis dit ‘plus jamais ça’. J’ai vraiment eu une pensée d’admiration pour mes patientes qui accouchent sans péridurale!
“Après ce troisième accouchement, j’ai réalisé que j’ai récupéré beaucoup plus vite. Je ne pensais pas du tout à avoir un cinquième enfant. J’étais contente d’avoir vécu l’expérience car ça m’a ouvert les yeux et ça m’a permis de changer ma façon d’accompagner les femmes qui accouchent sans péridurale. “
Un cinquième enfant
“Pour mon dernier enfant, j’ai été très en forme durant la grossesse, j’ai même fait des accouchements alors que j’étais à 39 SA. Je voulais accoucher sans péridurale et bien préparer la naissance. Je voulais prendre les rennes et décider moi-même ce que je voulais pour cet accouchement. Le jour du terme, j’ai demandé un décollement membranaire. Je suis rentrée chez moi, je me suis occupée de mes enfants et j’ai été au lit. Je me suis réveillée à trois heures du matin avec une envie d’uriner. J’ai été aux toilettes, je me suis rendormie et je me suis à nouveau réveillée avec une énorme contraction très douloureuse. J’ai commencé à compter les contractions et j’ai décidé de réveiller mon mari car j’ai réalisé que j’en avais toutes les deux minutes et que j’avais vraiment très mal.“
On est parti vers l’hôpital, nous habitons à dix minutes en voiture. Je sentais mon col se dilater et le bébé descendre.
“Je n’ai pas montré à mon mari l’urgence du moment, je voulais éviter qu’il panique, je ne voulais pas accoucher dans la voiture, sur la route. Je voulais qu’on soit entouré. Je portais un jeans de grossesse ultra moulant et je me rappelle m’être dit ‘si je dois m’arrêter, je ne saurais même pas enlever ce pantalon.’ Je sentais que si ma poche se rompait, j’accoucherais dans l’instant. On est entrés dans un parking au pied de l’hôpital grâce à mon badge d’employée. Ma poche des eaux s’est rompue à ce moment-là. J’ai compris que je n’irais pas plus loin. Mon mari est resté très calme, il m’a dit ‘descends de la voiture, je vais me garer.’ Ce que j’ai refusé. J’ai appelé le bloc d’accouchement en expliquant la situation à une collègue. Mon mari est parti dans le couloir chercher la sage-femme et l’assistante gynécologue qui était de garde cette nuit-là.”
Accoucher debout
“J’étais seule, debout, une jambe dans la voiture sur le siège et une jambe en dehors. Je ne savais pas quoi faire. Sont alors arrivés la sage-femme, l’assistante et mon mari. La sage-femme m’a proposée de me coucher à l’arrière de la voiture, ce que j’ai refusé car j’étais incapable de bouger. Je suis restée debout, suspendue aux portières de la voiture.”
J’ai poussé deux fois et mon fils était là. L’assistante a attrapé mon bébé et me l’a présenté. Je me souviens avoir dit ‘pardon’ à mon fils.
“Mon mari a enlevé son pull et emballé mon fils. J’étais toujours debout avec mon jeans au niveau des chevilles et mes baskets aux pieds. L’équipe des urgences a débarqué avec le brancard, le médecin, l’infirmière… Ils sont arrivés un peu trop tard (rires). On m’a placée sur le brancard et on montée pour que je reçoive la fin de mes soins. Une heure plus tard, mon gynécologue est arrivé.”
Une belle expérience
“Après coup, dans la mesure où je voulais accoucher sans péridurale, je suis contente car les choses se sont enchaînées, je n’ai pas eu le temps de penser. Ce fut douloureux mais rapide. J’ai pu me concentrer et appliquer ce que j’avais appris pour récupérer de l’énergie entre les contractions en évitant l’anticipation. Le plus dur a été d’attendre que l’équipe arrive pour m’aider.”
Ce fut de loin mon plus bel accouchement. Bien que je sois gynécologue-obstétricienne, je ne voulais pas être seule.
“J’avais peur qu’il y ait des complications, je voulais qu’on me dise quoi faire. Dans ces moments-là, on n’est plus médecin, on est tout aussi vulnérable que n’importe quelle femme. Si j’ai gardé le jeans? Oui, et mes baskets aussi (rires). Ma maman a tout de même lavé le pantalon!”
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