Du désir d’enfant à la maternité, mettre un petit être au monde peut parfois s’apparenter à des montagnes russes. Virginie a frôlé la mort juste après avoir donné naissance à son petit garçon Timeo.
Virginie, 43 ans, a failli perdre la vie lors de son accouchement. Placée en coma artificiel suite à une opération en urgence pour son placenta resté accroché, la jeune maman se réveille au bout de plusieurs semaines. À son réveil, elle apprend que son utérus a dû lui être retiré. Avec résilience et force, elle nous raconte son histoire, partage avec émotion son traumatisme, son séjour en soins intensifs et sa rencontre avec son fils.
Une famille recomposée
“Mon compagnon de 38 ans a quatre adolescents d’une précédente relation, dont deux qui ont déjà quitté la maison, car ils sont parents. Mon compagnon est donc déjà grand-père et moi je suis ‘belle grand-mère’. J’ai moi-même une fille de 12 ans. Avec Ludovic, nous sommes en couple depuis 2018. Je me suis séparée du papa de ma fille quand elle avait 3 ans et demi. À cette époque, nous avions déjà envie d’avoir un deuxième enfant, mais à cause de problèmes financiers, mon ex-conjoint m’a demandé de reporter le projet à plus tard. Des années après, quand j’ai rencontré Ludovic, il était hors de question pour nous d’avoir un nouvel enfant. Il en avait déjà quatre en garde alternée et j’avais déjà 43 ans… L’été dernier, on a changé d’avis, c’était ma dernière chance si je voulais avoir un enfant.“
Une grossesse sans encombre
“Je suis tombée enceinte très rapidement. J’étais étonnée… Pas de fausse couche, pas de nausées, une grossesse qui s’est déroulée sans problème… Je me disais que c’était trop beau, qu’il y aurait des complications à l’accouchement. Début juin, quelques jours avant le déclenchement (ma gynécologue avait prévu de me déclencher deux semaines plus tôt), ma belle-sœur m’a demandée si je stressais. Je me rappelle lui avoir répondu: ‘Pour mon garçon, je ne m’inquiète pas du tout, en revanche, j’ai peur de faire une hémorragie.’ Je ne sais pas du tout d’où cette pensée m’est venue. La mort est pour moi un sujet tabou.“
Quelques jours avant d’accoucher, j’ai demandé à mon compagnon: “Qui paiera mon enterrement?” Je ne peux pas expliquer…
Quand tout bascule
“J’ai des trous noirs. Grâce à mon conjoint, je sais ce qu’il s’est passé. Je n’ai aucun souvenir des contractions, de la péridurale… Je me souviens que le jour J, je me sentais sereine. On m’a donné un médicament pour déclencher les contractions. Je me rappelle qu’une sage-femme m’a proposé de parler à mon bébé pour l’inviter à venir… C’était un très beau moment. Je me souviens également que la gynécologue a utilisé une ventouse pour aider mon fils à sortir. Il a eu des petits problèmes de respiration à la naissance. J’ai accouché, tout allait bien, on m’a posé mon bébé sur moi. Quand a eu lieu le moment de la délivrance du placenta, je suis tombée dans les pommes. Je me rappelle ce moment confus, j’entendais ce qu’on me disait en bruit de fond, j’étais déjà en train de perdre connaissance…
Tout a été très rapide. Cinq minutes après avoir accouché, j’ai fait un malaise. Je perdais beaucoup de sang et l’équipe médicale n’arrivait pas à stabiliser l’hémorragie.
“On m’a emmenée en salle de césarienne pour rétracter mon utérus. L’hémorragie s’étant stabilisée, on m’a placée en chambre de réveil pour surveiller mon état. On devait me transférer dans un autre hôpital, mais les choses ont mal tourné. On m’a montée en bloc opératoire pour m’opérer en urgence, car un morceau de placenta restait accroché à l’utérus. Ayant perdu trop de sang, je ne produisais plus d’hémoglobine, les médecins ont dû me plonger dans un coma artificiel pendant l’opération. En trois heures de temps, j’ai perdu six litres de sang et j’ai fait un arrêt cardiaque. Alors que mon état était à nouveau stable, j’ai dû me refaire opérer en urgence quelques heures après.“
J’ai appris des jours plus tard que je n’avais plus d’utérus ni d’ovaires.
Un cauchemar
“Le trou noir. J’avais l’impression d’être dans un cauchemar, je voyais des images un peu ‘peace & love’ avec des fleurs… C’était terriblement angoissant. Je ne comprenais pas, j’avais l’impression qu’on m’avait attachée, je n’arrivais pas à me détacher. Tout était confus, fou, c’était un mélange entre le rêve et le réel. Je pensais être à la maison, j’appelais mon conjoint.“
C’est très traumatisant d’être attachée. On l’a fait car j’étais tellement confuse que j’essayais d’arracher les tuyaux qui me permettaient de respirer.
“On m’a sortie de mon coma. J’avais conscience que j’avais accouché. J’ai été intubée une semaine, mais j’ai fait une pneumonie, on a donc dû m’intuber à nouveau. Quand j’étais consciente, mon compagnon me montrait des photos et des vidéos de mon fils. Je réalisais que j’avais donné naissance, mais j’étais totalement déconnectée de mes émotions.“
La rencontre avec son fils
“Une infirmière m’a conduite en chaise roulante au service de néonat pour que je puisse voir mon fils pour la première fois. Timeo est rentré à la maison au bout de cinq semaines. Nous n’avions pas encore fait la reconnaissance de paternité, nous attendions la naissance pour y aller. Mon bébé est né avec mon nom. Nous ne sommes même pas cohabitants légaux, aux yeux de la loi, mon conjoint n’était pas le père légal de Timeo.“
Il a fallu attendre que je me réveille et que je signe les papiers attestant qu’il s’agit bien du papa pour que mon conjoint puisse l’emmener à la maison. Jamais on n’aurait pensé que je resterais aussi longtemps à l’hôpital, qu’il y aurait autant de complications…
Reprendre des forces
“Je suis restée cinq semaines aux soins intensifs. J’ai quitté les soins pour aller en maternité pour enfin me retrouver avec mon bébé comme j’aurais dû le faire au début. Je me sentais très fatiguée, mais si heureuse d’avoir mon fils à mes côtés.“
Le lendemain matin, alors qu’on me faisait ma toilette, j’ai fait une convulsion. On a à nouveau dû m’intuber et me plonger dans un coma artificiel durant un peu plus d’une semaine.
“Quand j’ai quitté les soins intensifs, on m’a proposé de remonter en chambre en neurologie pour contrôler ma tension qui était beaucoup trop élevée. Et puis la magie a opéré. Tous les jours, je progressais. Moi qui ne savais plus marcher ni boire de l’eau ou encore aller aux toilettes, j’ai été suivie par une nutritionniste, j’ai repris des forces, j’ai fait de la kiné, j’ai réussi à monter les escaliers. Une belle progression en dix jours!“
Le retour à la maison
“Aujourd’hui, ça fait deux semaines que je suis rentrée de l’hôpital et ne peux pas rester seule avec mon bébé, car mon état est encore trop fragile. Je suis toujours en revalidation, mon conjoint doit toujours être à mes côtés. Je me sens beaucoup mieux, mais il y a encore du chemin à faire.“
Je me sens comme une miraculée. Je me dis que j’ai failli mourir, ça me donne envie de profiter encore plus de la vie, de relativiser et de ne plus me tracasser pour des choses futiles.
“Avant mon accouchement, j’ai fait un burn out et j’étais au chômage. J’ai souvent culpabilisé de ne pas travailler, mais je réalise que ma priorité aujourd’hui, c’est ma santé et ma famille. Le travail viendra plus tard, quand je serai remise sur pied. Quand j’irai mieux, je compte débuter une nouvelle carrière dans le secteur du voyage et faire des animations de théâtre pour enfants.“
Vivre avec le traumatisme
“Je suis suivie par une psychologue dans un planning familial. Je peux vider mon sac. J’ai écrit une lettre de remerciements aux soins intensifs. Je les appelle mes ‘sauveurs’. Je suis très reconnaissante aussi envers ma gynécologue qui est venue me voir tous les jours quand j’étais aux soins intensifs. C’est elle qui m’a réanimée et opérée. Je vais aussi consulter une kinésiologue.
Je mets tout en place pour aller mieux, mais je prendrai le temps qu’il faudra. L’amour s’installe de jour en jour, je retrouve mes gestes de maman. Je culpabilise beaucoup, car c’est le papa qui a dû assumer durant les premières semaines de vie de Timeo.
“Je dois suivre un traitement hormonal, j’ai des symptômes de la ménopause, mais heureusement je ne les ressens pas trop aujourd’hui…. J’ai une cicatrice comme si j’avais subi une césarienne, je prends des médicaments pour ma tension. À 43 ans, je me retrouve ménopausée. Au niveau de ma féminité, ça a été un choc… Je réalise que si on ne m’avait pas retiré mon utérus, je ne serais plus là aujourd’hui. “
Balle magique
“J’aime me comparer à une balle magique. Dans la vie, il faut savoir rebondir et je pense avoir cette qualité. Je suis bien entourée, j’ai beaucoup de chance! Quand j’ai appris par la suite que beaucoup de personnes de mon entourage s’étaient fait du souci pour moi, ça m’a fait chaud au cœur. En temps normal, je n’ai pas beaucoup de connaissances et ça m’a vraiment fait plaisir. Et puis je suis tellement fière de ma fille Noémie qui, malgré le contexte, a réussi son CEB cette année!“
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