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BABYSTORY: « On pensait que la deuxième grossesse serait tout aussi facile »

La rédaction

Melissa, 31 ans, se confie sur le sentiment d’incompréhension et de tristesse quand le second enfant se fait attendre.

L’infertilité secondaire est souvent sous-estimée. Melissa, 31 ans, maman de Fenne, 9 ans, et de Luca, 4 ans, parle d’expérience. Le fait que l’aîné soit venu presque tout seul et que le cadet se soit fait attendre si longtemps a été très difficile à vivre. Elle revient sur son chagrin et ses frustrations.

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« J’ai toujours su que je voulais être maman. Dès l’âge de 20 ans, j’avais envie d’avoir un enfant. Lorsque j’ai arrêté de prendre la pilule contraceptive, au printemps 2014, tomber enceinte était une possibilité. À ma grande surprise, c’est arrivé presque tout de suite. J’étais déjà enceinte de plus de huit semaines quand mon médecin généraliste m’a annoncé la bonne nouvelle après une prise de sang. Le 6 novembre 2014, mon fils aîné est né, et son arrivée a confirmé que devenir maman était de loin la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. J’ai moi-même trois sœurs. Je sais à quel point c’est chouette, je rêvais donc d’avoir, moi aussi, une famille avec plusieurs enfants.

Comme notre fils aîné est arrivé tout de suite, on pensait, avec Alexander, que la deuxième grossesse serait tout aussi facile. Et pourtant…

J’ai toujours voulu avoir un deuxième enfant lorsque l’aîné entrerait en maternelle. Comme notre premier enfant est arrivé très vite, on pensait, avec Alexander, que la deuxième grossesse serait tout aussi facile, et pourtant... Lorsque nous avons décidé, fin 2016, que le moment était venu et que nous avons cessé d’utiliser des contraceptifs pour laisser la nature faire son œuvre, mon cycle ­menstruel naturel ne s’est pas remis en marche. Au bout de quatre mois, je n’avais toujours pas mes règles. Inquiète, j’ai pris rendez-vous chez mon médecin, qui m’a expliqué que je devais donner à mon corps au moins un an pour éliminer les hormones artificielles. Cette ­explication semblait logique, mais je n’étais pas convaincue. Pour mon fils aîné, j’étais tombée enceinte dans le mois suivant l’arrêt de la pilule. Je me suis armée de patience ­pendant quelques mois, puis j’ai fini par suivre mon instinct et prendre rendez-vous chez mon gynécologue. Je trouvais que nous avions suffisamment patienté et je m’inquiétais de ne pas retomber enceinte. Avec le temps, cette question m’a hantée presque jour et nuit.

Diagnostique difficile

Je n’avais toujours pas mes règles, mais je n’étais pas enceinte non plus. Tous les mois, je faisais plusieurs tests de grossesse, toujours négatifs. On avançait à l’aveugle car, en l’absence de règle, il est impossible de suivre son cycle menstruel et de déterminer sa fenêtre de fertilité. Le gynécologue m’a confirmé que puisque j’avais déjà eu un bébé en bonne santé, j’étais bel et bien fertile. Mais en faisant une échographie de mes ovaires, il a constaté que je souffrais du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Il s’agit d’une affection hormonale caractérisée par la présence de kystes sur les ovaires. Il en résulte une diminution de la fertilité, l’ovulation étant très irrégulière. Dans certains cas, il peut entraîner l’anovulation, rendant impossible toute perspective de grossesse. Le diagnostic a été un choc et j’ai alors imaginé plein de scénarios catastrophes. Je ne comprenais pas pourquoi ça nous tombait dessus et j’étais terrifiée à l’idée de ne plus jamais avoir ­d’enfant. Mon gynécologue m’a dit qu’une deuxième grossesse n’était pas impossible, mais que le SOPK compliquait les choses.

Comme nous essayions d’avoir un deuxième enfant de façon naturelle depuis plus d’un an, nous avons décidé de recourir à la procréation ­médicalement assistée (PMA). Avant de commencer, nous avons fait tester les spermatozoïdes d’Alexander. Une étape nécessaire, puisqu’il n’est pas le père biologique de mon fils. Si c’est son papa de facto, aux yeux de mon fils et de notre entourage, ils ne partagent pas de liens de sang. D’où l’importance de vérifier le sperme d’Alexander avant d’entamer d’autres démarches. Les analyses n’ayant révélé aucune anomalie, nous savions que le problème venait de moi. Même si j’étais envahie d’idées noires, j’essayais de me ­répéter les paroles encourageantes de mon gynécologue: “Tous les ­facteurs sont réunis pour que ça fonctionne.”

Alexander m’a vu sombrer dans la tristesse. Je pleurais presque sans arrêt et j’avais l’impression de tomber en dépression.

Flirter avec la dépression

J’ai commencé à prendre un médicament visant à envoyer un signal au cerveau pour qu’il produise des œstrogènes afin d’obtenir une ovulation. Entre-temps, j’ai dû subir plusieurs examens à l’hôpital pour vérifier si un follicule arrivait à maturité et pouvait être fécondé naturellement, mais malgré les médicaments, je n’ovulais pas. Après un an et demi, nous sommes passés à la simulation ovarienne par injections d’hormones. Ça a marché, puisque j’ai finalement ovulé, mais à chaque fois, l’ovocyte ne grandissait pas suffisamment et finissait par mourir, entraînant une nouvelle déception. De plus, durant cette période, une de mes sœurs m’a annoncé qu’elle avait quelque chose à me dire depuis un moment, mais qu’elle avait repoussé l’échéance à plusieurs reprises, par peur de ma réaction. Lorsqu’elle m’a avoué qu’elle attendait son troisième enfant, je l’ai serrée dans mes bras et l’ai félicitée. J’étais sincèrement heureuse pour ma sœur et sa famille, mais je mentirais en disant que cette nouvelle ne m’a pas brisé le cœur.

Mon désir d’avoir un deuxième enfant était aussi fort que celui d’en avoir un premier, mais certaines personnes avaient tendance à minimiser mon chagrin sous prétexte que mon désir d’enfant était soi-disant déjà comblé.

Pour la énième fois, je voyais les autres profiter d’un bonheur dont j’étais privée. Presque toute notre vie tournait autour de l’arrivée d’un deuxième enfant. Comme ça ne venait pas, je suis devenue de plus en plus émotive. Alexander m’a vu sombrer dans la tristesse au fil des mois. Je pleurais presque sans arrêt. Je n’arrivais plus à garder le cap et j’avais l’impression de tomber en dépression. Tout ce que je voulais, c’était de pouvoir serrer un deuxième enfant dans mes bras.

Minimiser le chagrin

Avoir un bébé devrait être un ­événement heureux, mais comme je ne tombais pas enceinte, toutes les émotions positives m’ont été enlevées. J’ai fini par tomber dans un gouffre si profond qu’Alexander disait parfois: “Quand je te vois si triste, je me dis que ça ne vaut peut-être plus le coup. Fenne a besoin d’une maman et d’un papa heureux. Il ne doit pas pâtir de notre désir d’enfant.” C’était difficile à encaisser, car j’avais parfois ­l’impression qu’Alexander ne voulait plus d’un deuxième enfant. Il disait ça pour me protéger, bien sûr, car jusqu’où peut-on aller pour réaliser son rêve sans s’oublier?

Dans cette tempête, Alexander a continué à me soutenir. Il était mon roc, mais cela impliquait un exercice d’équilibre très précaire. Mon désir d’avoir un deuxième enfant était aussi fort que celui d’en avoir un premier, mais certaines personnes avaient parfois tendance à minimiser mon chagrin sous prétexte que mon désir ­d’enfant était soi-disant déjà ­comblé. Au fil des années, mon entourage me disait par exemple: “Ce n’est quand même pas la fin du monde si ça ne marche pas”, “C’est bien pire pour ceux qui n’arrivent pas du tout à avoir d’enfant, non?”, ou encore “Mais tu as déjà un enfant!” Ces ­réactions douloureuses ont ­inconsciemment suscité chez moi un sentiment de culpabilité. C’était comme si je donnais l’impression que mon fils ne me suffisait pas. Je me suis demandé pourquoi je n’arrivais pas à être heureuse avec un seul enfant. Ces sentiments se renforçaient mutuellement, ­entraînant un effet domino. Tout notre entourage était au courant de notre désir d’avoir un deuxième enfant et j’ai toujours été très ouverte sur le sujet mais, au fil du temps, je me suis renfermée sur moi-même. À un moment, j’ai eu l’impression d’être sur une île déserte et de n’avoir que des contacts occasionnels avec le monde extérieur, mais ce lien s’est petit à petit estompé, renforçant mon sentiment d’isolement.

Je n’ai jamais envisagé une seconde de mettre de côté notre désir d’avoir un deuxième enfant, mais je me suis demandé comment j’allais pouvoir avancer si notre vœu n’était pas exaucé.

Continuer à avancer

Et si nous ne pouvions pas donner un frère ou une sœur à Fenne? Et si nous n’avions jamais de deuxième enfant et que nous restions à trois pour toujours? Je n’ai jamais envisagé une seconde de mettre de côté notre désir d’avoir un deuxième enfant, mais je me suis demandé comment j’allais pouvoir avancer si notre vœu n’était pas exaucé. L’idée de ne peut-être jamais avoir de deuxième enfant m’a dévastée. En grandissant, mon fils a de plus en plus pris conscience de la situation, ce qui n’est pas étonnant, puisque la question du deuxième enfant jetait constamment une ombre sur notre famille. De temps en temps, il nous demandait s’il serait grand frère un jour, alors nous avons continué à aller de l’avant...

Nous avions encore une option avant d’envisager la FIV: l’électrocoagulation de l’ovaire par laparoscopie. Il s’agit d’une sorte d’opération chirurgicale qui consiste à brûler tous les kystes dans les ovaires. Mon gynécologue m’a expliqué tous les avantages et les ­inconvénients. L’un des inconvénients est, par exemple, que des ­adhérences peuvent se former ­autour des trompes de Fallope et des ovaires, ce qui réduit ­considérablement les chances de grossesse, mais la possibilité d’une issue favorable a été un facteur décisif. Je voulais au moins essayer car, si l’opération réussissait, mon corps aurait une chance de développer temporairement son propre cycle. Permettant ainsi aux hormones stimulantes de faire bien mieux leur travail. Après l’opération, j’ai dû attendre que mon cycle menstruel s’enclenche de lui-même. Quand c’est arrivé, Alexander et moi avons tout mis en place pour ne plus perdre un mois de plus. Grâce aux tests d’ovulation, je savais quand était mon pic de fertilité, et donc, quand appeler mon mari pour qu’il s’exécute (rires). Pas très romantique, mais il faut savoir mettre son cerveau en pause. Cette technique a porté ses fruits, car après plus de deux ans et demi, le miracle s’est ­produit: je suis tombée enceinte d’un deuxième enfant. Lorsque je l’ai su, j’ai sauté au plafond.

Les choses ne se sont pas déroulées comme je les avais imaginées, mais en voyant mes fils ensemble aujourd’hui, le parcours du combattant pour avoir notre famille de quatre semble déjà nettement moins douloureux.

Tout est bien qui finit bien

J’étais aux anges, mais je me suis quand même posé des questions pendant ma grossesse. N’y avait-il pas trop d’écart entre les deux frères? Je me suis fait un sang d’encre, mais avec le recul, je me suis ­inquiétée inutilement. Luca est né le 2 octobre 2019. Dès sa naissance, tout s’est fait naturellement. Fenne était incroyablement gentil et était très fier d’avoir enfin un petit frère après toutes ces années. Malgré presque cinq ans d’écart, ce sont les meilleurs amis du monde. Les choses ne se sont pas déroulées comme nous les avions imaginées avec Alexander, mais en voyant nos fils ensemble aujourd’hui, le ­parcours du combattant pour avoir notre famille de quatre semble déjà ­nettement moins douloureux. ­L’arrivée de Luca a atténué le ­chagrin et la souffrance, même si elle ne les a pas effacés. Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais avec le recul, j’y vois même des avantages. À presque cinq ans, Fenne était beaucoup plus indépendant qu’à deux ans. De plus, grâce à Fenne, Luca a eu un excellent modèle et a appris plein de choses beaucoup plus vite.

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Tout est bien qui finit bien. Je suis très heureuse que notre patience ait été récompensée et que nous soyons une famille de quatre. J’aurais aimé avoir un troisième enfant, mais face au parcours d’obstacles qui nous attendait, j’ai renoncé pour de bon. Dans ma tête, ma famille est au complet. De temps en temps, mon cœur me lance des appels au loin. Ce n’est pas grave. Parfois, le cœur l’emporte sur la raison, mais, ici, c’est la raison qui l’a emporté sur le cœur.

Alexander et moi sommes ­extrêmement reconnaissants d’avoir eu nos deux enfants, et nous comprenons d’autant plus la détresse des hommes et des femmes confrontés à l’infertilité, que ce soit pour avoir un premier, un deuxième, un troisième ou un quatrième enfant. Pour toutes les personnes qui sont dans cette ­situation, j’espère que leur désir d’enfant se concrétisera d’une façon ou d’une autre. J’aimerais conclure sur un poème qui m’a apporté du réconfort pendant cette période ­difficile: “Même si vous devez parfois abandonner, n’ayez pas peur de continuer à vivre. Célébrez chaque journée. Luttez, priez, pleurez et tombez. Escaladez la montagne, surmontez les difficultés.” »

Texte de Marijke Clabots et Ana Michelot

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