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Don de moelle
© Getty Images

À COEUR OUVERT: ““Faire don de ma moelle à ma mère nous a liées à tout jamais””

Sarah Moran Garcia
Sarah Moran Garcia Journaliste web

Lorsqu’il a été question pour Karen (nom d’emprunt) de faire don d’une partie de sa moelle pour sauver sa mère, atteinte d’une leucémie, elle n’a pas hésité une seconde.

Un jour de décembre 2021, dans un hôpital belge, on a diagnostiqué à la maman de Karen (nom d’emprunt) une leucémie. Ce diagnostic a toutefois mis du temps à arriver. Nous étions encore en pleine pandémie, et la première hypothèse des médecins a été le Covid-19. Quand ils ont découvert le mal qui la rongeait, la sexagénaire a été transférée vers un hôpital liégeois où elle a été reçue au sein du service d’hématologie. “Elle a été soignée pour l’infection qu’elle avait à ce moment-là, mais il fallait programmer une greffe, car elle n’avait pas assez de défenses immunitaires. Le risque d’une infection incurable était grand”, nous raconte Karen.

De là, les médecins se sont donné six mois pour trouver un donneur. Durant cette période, la mère de Karen a pu rentrer chez elle, mais a tout de même fait quelques séjours à l’hôpital. N’ayant pas trouvé de donneur ou de donneuse compatible, la mère de famille de 34 ans a finalement décidé d’être la personne qui donnerait sa moelle et sauverait la vie de sa maman. “C’était l’option de dernier recours, car la compatibilité était seulement de 50 %”, indique-t-elle. “J’étais d’accord, mais ma mère, elle, ne voulait pas que je prenne ce risque, elle avait peur pour sa fille unique. Pour elle, ce n’était pas dans l’ordre des choses qu’un enfant sauve son parent”, poursuit la Liégeoise. “On lui a laissé le choix, et elle a fini par accepter, car elle voulait voir grandir son petit-fils. Cette greffe lui a donné du temps en plus avec mon fils. C’est inestimable.”

Durant la convalescence, Karen et son compagnon ont expliqué à leur fils que sa grand-mère était malade, mais ils ne lui ont pas donné tous les détails du mal qui la rongeait. Il allait la voir de temps à autre à l’hôpital, lui parlait en visio. Puis plus rien pendant un moment. “Elle ne voulait pas qu’il la voit dans cet état”, précise la trentenaire. “Quand il l’a enfin revue, elle n’avait plus de cheveux et pesait trente kilos de moins, mais ce fut comme s’il l’avait quittée la veille”, s’émeut-elle.

Elle s’est éteinte le jour de la fête des Mères, ça ne s’invente pas.

Mamou parmi les étoiles

La greffe a eu lieu le 1er juillet 2022. On a ponctionné à Karen 2,3 litres de moelle osseuse. Elle n’a rien senti durant l’opération, et les jours qui ont suivi se sont écoulés sans peine. Sa maman, en revanche, a fait une maladie du greffon. “C’est courant après une greffe, il peut y avoir un rejet du corps étranger”, indique la mère de famille. Elle s’est à nouveau faite opérer et a pu rentrer chez elle en janvier 2023, avec des visites à l’hôpital programmées trois fois, puis deux fois par semaine.

Puis, en mai 2023, elle a fait une triple infection pulmonaire. “Elle n’allait pas bien, mais elle ne voulait pas retourner à l’hôpital, alors, elle a fait traîner les choses, avant d’accepter de s’y rendre”, regrette Karen. Sa mère s’est finalement éteinte aux soins intensifs le jour de la fête des Mères, le dimanche 14 mai 2023. “Ça ne s’invente pas”, commente la Liégeoise. Ce fut douloureux pour Karen, mais aussi pour sa grand-mère, la mère de sa mère, qui est toujours en vie et a dû faire ses adieux à la chair de sa chair.

Le fils de Karen est aujourd’hui âgé de quatre ans. La disparition de sa grand-mère, il y a un peu plus d’un an, a été pour lui son premier décès, le premier enterrement auquel il a assisté. Aujourd’hui encore, il pose des questions à ses parents sur sa grand-mère, “et quand il voit des étoiles dans un film Disney, il dit que c’est Mamou”.

Je ne regrette pas d’avoir choisi de donner ma moelle à ma mère. C’est un lien mère-fille très fort, on ne peut pas faire plus symbolique.

Une décision qui peut sauver des vies

“Son combat m’a marquée pour toujours, de même que cette expérience hors du commun que de rendre un peu de vie à celle qui m’a donné la mienne. Aujourd’hui, je veux lui rendre hommage et faire avancer les choses”, témoigne Karen. C’est pour cela qu’elle a décidé de partager avec nous cette partie douloureuse de sa vie. Mais c’est aussi pour inviter les personnes en bonne santé à s’inscrire sur les listes de donneur·euse·s, afin que plus de vies soient sauvées. “S’inscrire n’a aucun impact. Quand on est appelé, on n’est pas obligé d’accepter. Mais ça redonne de l’espoir aux familles”, insiste la Liégeoise, qui explique qu’après cet événement tragique, le parrain de son fils s’est inscrit en tant que donneur de moelle osseuse.

“Je ne regrette pas d’avoir choisi de donner ma moelle à ma mère. C’est un événement qui nous a liées à tout jamais. C’est un lien mère-fille très fort, on ne peut pas faire plus symbolique”, conclut Karen.

Si vous souhaitez vous inscrire en tant que donneur ou donneuse de cellules souches, rendez-vous ici.

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