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Comment LinkedIn est devenu le Tinder des timides

Kathleen Wuyard

Et si la meilleure manière de draguer était par CV interposés? Entre accomplissements personnels clairement listés et photos prises sans (trop de) filtres, LinkedIn ne rapproche plus aujourd’hui que les entreprises et leurs employés prospectifs: entre deux recherches d’emploi, les utilisateurs cherchent aussi l’amour au passage.


Personnellement, je me sers de mon LinkedIn comme de mon tapis de yoga pour m’entraîner à domicile: très sporadiquement, et de manière distraite. Toutes les quelques semaines, je me rappelle de son existence, et je lui paie une visite. Dans le cadre du yoga, j’ai tôt fait d’être mise au tapis, et sur LinkedIn, je poste l’un ou l’autre article dont je suis particulièrement fière, tout en checkant rapidement mes notifications, toujours trop nombreuses et anxiogènes (36 demandes d’ajouts à mon réseau, youpie, ça de plus que mes mails en retard à trier). La dernière fois, surprise: entre les journalistes et les communicants, un médecin d’un hôpital de la région. Plus ou moins mon âge, spécialiste, assez séduisant si on aime ce genre de beautés lisses, et surtout, vachement hétéroclite dans mon réseau de connexions: à moins qu’il ne soit à la recherche d’endorsements à tout va (mais je n’ai jamais fait appel à ses services) ou bien qu’il ne soit un fan (peu probable, eû égard au fait que je ne suis pas une célébrité), m’ajouter sur LinkedIn n’avait pour lui virtuellement aucun intérêt. Cet ajout vraisemblablement erroné serait entièrement sorti de mon esprit si je n’avais pas au fil des jours suivants reçu une notification quasi quotidienne m’informant que “Dr X”, comme il s’appellera pour les besoins de cet article, était venu consulter mon profil. Rappelons donc que le Docteur en question a une toute petite trentaine tout au plus, et est donc épargné par la fracture numérique, et par conséquent parfaitement au courant de la visibilité des visites de profil sur LinkedIn, chacune étant dûment notifié à la personne dont le profil est consulté. C’est là qu’une théorie alternative a germé dans mon esprit:

Et si j’étais en train de me faire draguer sur LinkedIn ?!


Passé un bref moment de flatterie et une vague d’irritation (non mais je suis casée et folle de mon mec, c’est quoi cette tentative à deux balles là), j’ai décidé, en bonne journaliste, d’investiguer la problématique. C’est à dire aborder le sujet autour de cocktails avec ma BFF, Jules, qui travaille dans le secteur académique et est donc a priori beaucoup plus active sur ce réseau de professionnels que moi. Sa réponse?

Mais ça arrive tout le temps ce genre de situations! J’ai plein de potes qui se sont fait draguer en douce comme ça sur LinkedIn.


À l’époque où j’avais rencontré mon mec, Tinder n’en était qu’à ses balbutiements (et ce n’était pas du tout aussi accepté qu’aujourd’hui de dire qu’on s’y était rencontré) et voilà que des années plus tard, je réalisais que les célibataires 2.0 avaient visiblement trouvé la parade en allant se draguer sur une plateforme garantie sans dick picks. Enfin, du moins, je n’en ai jamais vu sur LinkedIn.

L’idée peut paraître saugrenue, sauf qu’en réalité, la manoeuvre ne manque pas d’avantages. Déjà, contrairement à Tinder et al, les utilisateurs y présentent le visage qu’ils veulent montrer à un employer potentiel. Autrement dit, fidèle à la réalité, sans artifices inutiles qui rendent impossible à dire si c’est une casquette pour le style ou pour cacher une calvitie, et sans les filtres “artistiques” qui posent la question de savoir si on est face à quelqu’un de canon ou bien un laideron. Autre bonus, on évite directement les questions “gratuites”: on sait d’emblée quel est le métier de la personne, et même où elle a étudié. Mieux, on peut se trouver des points communs (“toi aussi tu as fait sciences po à l’ULB?”) ou bien même, pour celles dont c’est le trip, scanner les lovers potentiels par le biais de la profession qu’ils exercent. Il est aussi beaucoup plus facile d’entamer une conversation de manière plus ou moins anodine sur LinkedIn, sans avoir directement les stigmates associés aux applications de rencontre (“non mais je me suis juste inscrite pour rire, je ne suis pas désespérée de me caser”) ni les gens qui ne se sont créé un profil que pour baiser. Et si LinkedIn était en fait l’endroit parfait pour trouver le job ET le mec de ses rêves?

Réseauter (et plus si affinités)


Après tout, l’idée ne date pas d’hier: dans Sex and the City déjà, Charlotte décidait de mettre à profit ses excellentes tactiques de réseautage professionnel pour trouver l’homme parfait. En 2014, le Financial Times avait consacré un article à la recherche de l’amour sur LinkedIn, relatant notamment l’histoire de Kristin, une habitante de l’Arizona sur le point de déménager en Californie et désireuse de se constituer un réseau professionnel sur place. C’est ainsi qu’elle avait fait la connaissance d’Adam, actif comme elle dans le secteur créatif, et passé rapidement de contact pro à crush en ligne, leurs échanges ayant vite dévié du sujet des employeurs potentiels où Kristin pourrait postuler. 7 mois après son déménagement, Adam la demandait en mariage.

Bien que je ne conseillerais pas forcément aux gens d’activement chercher l’amour sur LinkedIn, la plateforme permet toutefois de se faire rapidement une bonne image de la personnalité des gens. Il faut garder l’esprit ouvert: on ne sait jamais qui on est susceptible de rencontrer.


Selon l’experte en apps de rencontre Molly Fedick (qui réprouve le fait de chercher l’amour sur LinkedIn), c’est tout à fait normal que des gens ne se contentent pas d’y chercher du travail: “LinkedIn offre une approche moins agressive qu’une demande d’amis sur Facebook ou Instagram. Si on se fait rejeter, il est toujours possible de prétendre qu’on ne voulait interagir que pour des raisons purement professionnelles”. Vocation: trouver l’amour. Et pourquoi pas un travail au passage.

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