Vous aussi vous préférez vous épanouir que de faire des comptes d’apothicaire et vous prendre la tête avec votre mec ou votre copine pour des sous? Le problème, c’est que quand on ne réfléchit pas à l’argent, on prend le risque d’en manquer. Et d’un jour se retrouver coincé·e dans un job qu’on déteste ou une relation qui ne nous convient plus…
Quand on se met en couple, on veut croire que l’amour durera toujours. Peu importe qui paie quoi. Mais on risque d’un jour se retrouver sans rien après une séparation ou pire, le décès de la personne que l’on aime. Ou d’être désemparé·e, à la fin de sa carrière, devant sa toute petite pension. En lisant Le couple et l’argent de Titiou Lecoq, nous avons réalisé à quel point, tout au long de notre vie, nous posons des choix souvent sans réfléchir à leurs implications financières. La journaliste française partage avec nous des clés pour prendre nos finances et notre destin en main.
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Pourquoi les femmes s’intéressent moins à l’argent?
Cet article est écrit en inclusif, mais objectivement, ce sont les femmes qui négligent le plus leurs options financières. Elles ont d’ailleurs moins de connaissances sur le sujet que les hommes (comme le montre une étude de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – de 2020). Et ceci a essentiellement 2 raisons: l’une historique et l’autre de construction de genre.
• Gérer son argent, un droit récent
D’abord, cela ne fait pas si longtemps que les femmes ont le droit de gérer leur argent. Elles ont un retard historique à rattraper: pour rappel, ce n’est qu’en 1976 que les femmes mariées ont eu le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur conjoint, en Belgique. Cela concerne la génération de nos mères, ou de nos grands-mères, pour les plus jeunes d’entre nous! Dans l’immense majorité, les femmes n’avaient donc pas de culture de l’argent et n’ont pas pu éduquer leurs filles à l’argent…
• La femme et le don de soi
La seconde raison que soulève Titiou Lecoq, c’est que l’intérêt pour l’argent ne fait pas partie des attributs de la femme « parfaite » définie par notre société. Elle n’a pas à se soucier d’argent. Elle est au-dessus de ça. Elle est gentille, prend soin des autres, donne, quitte à se sacrifier. La femme qui s’intéresse à l’argent est considérée comme monstrueuse. Pourtant l’argent est un outil essentiel à la vie (il permet de remplir son frigo), mais aussi à la liberté de choisir: le travail que l’on veut exercer, l’endroit où l’on veut vivre, la personne avec qui l’on veut vivre ou le fait de vivre seul…
Ce n’est qu’en 1976, que les femmes belges mariées ont eu le droit d’ouvrir un compte sans l’aval de leur conjoint.
• Résultat? L’homme est plus riche
La société est ainsi faite que l’homme est aujourd’hui encore avantagé. Dans le monde, les hommes détiennent 50 % de richesses de plus que les femmes, rapporte Oxfam. En Belgique, l’écart salarial entre hommes et femmes était de 5 % en 2021 d’après Statbel (l’office belge de statistique), ce qui place le pays à la 5e place au niveau européen, où l’écart salarial moyen s’élève à 12,7 %. Et même si chez nous, la différence peut sembler minime – même si elle ne l’est pas. Imaginons un salaire net de 2500 euros, sur 12 mois, on parle déjà de 1500 euros de différence. Sans compter l’investissement dans sa pension et l’éventuel 13e mois – les hommes bénéficient de bien d’autres avantages financiers. Titiou Lecoq le démontre en retraçant l’histoire d’une femme fictive dès son enfance. Car dès l’argent de poche, les garçons sont avantagés! La journaliste rapporte 2 études récentes, menées en France sur l’argent de poche pour le service bancaire Pixpay, en 2020: les filles en reçoivent moins et de façon moins régulière. Les parents « oublient » souvent de donner leur argent aux filles, mais considèrent que ce n’est pas grave, car ils leur achètent plus régulièrement des choses… Ce qui implique que quand une fille souhaite quelque chose, elle le demande à ses parents. Il y a un intermédiaire entre elle et ce qu’elle désire. Alors que le garçon apprend à gérer son budget pour obtenir ce qu’il veut.
Le couple et l’argent
Quand on ne s’intéresse pas à l’argent, bien souvent, on se met en danger. Et particulièrement quand on est en couple, car on peut facilement avantager l’un au détriment de l’autre, sans même s’en rendre compte. Et ce sera souvent la personne la moins riche qui sera désavantagée. Nous faisons volontairement le choix de prénoms épicènes dans l’exemple qui suit, inspiré par celui proposé par Titiou Lecoq (qui parlait, elle, d’un couple hétérosexuel), mais dans la réalité, la personne la plus pauvre est souvent une femme.
• La personne la plus riche investit, l’autre dépense
Imaginons que Lou et Stéphane tombent en amour. Lou passe de plus en plus de temps dans l’appart’ de Stéphane et finalement, le couple décide d’y vivre ensemble. Stéphane possède l’appart’ ou rembourse son emprunt à la banque alors pour participer aux frais, Lou paie la nourriture et les charges et participe parfois aux travaux. Quand de gros frais arrivent, comme Stéphane a plus d’argent, c’est Stéphane qui paie. La voiture lui appartient. Si un jour leur histoire se terminent, Stéphane aura investi dans un appartement et une voiture, Lou n’aura couvert que les dépenses courantes et se retrouvera… sans rien.
• Les dépenses valorisées et le reste
Il arrive aussi que Stéphane paie une grosse dépense pour le couple: des vacances ou un appareil électroménager… Cette dépense-là est différente de celles du quotidien, car elle est valorisée, bien plus que les courses que Lou fait tous les jours. Ouvrir son portefeuille pour ces grandes occasions donne à Stéphane un sentiment de satisfaction et à Lou un sentiment de gratitude, voire de redevabilité. Et qui sait si en payant les vacances, Stéphane n’a pas aussi un avantage quand il s’agit de choisir la destination?
L’argent est un outil essentiel à la vie, mais aussi à la liberté de choisir: le travail que l’on veut exercer, l’endroit où l’on veut vivre, la personne avec qui l’on veut vivre ou le fait de vivre seul...
• La personne la moins riche se sacrifie
Si le couple a des enfants, les inégalités se creusent encore. Pour pouvoir en prendre soin, on réalise qu’il est plus simple que l’un des 2 diminue son temps de travail. Et souvent, on choisit la personne qui gagne le moins pour le faire. Lou se retrouve donc avec un mi-temps ou un 4/5e. Lou gagne encore moins d’argent et cotise moins pour sa pension, qui baissera en conséquence. Lou diminue aussi ses possibilités de bénéficier d’une augmentation ou de s’élever dans la hiérarchie, mais c’est considéré comme un effort pour la famille et Lou estime avoir de la chance de pouvoir profiter de ce temps avec ses enfants. Pendant ce temps-là, Stéphane monte en grade et bénéficie d’augmentations. Si un jour leur histoire se termine (par une séparation ou un décès), Stéphane sera financièrement en sécurité et les choses seront beaucoup moins simples professionnellement pour Lou. Une autre erreur que Lou risque de faire, c’est d’ouvrir un compte épargne pour ses enfants et d’y verser l’argent qui lui reste certains mois… Si Lou se retrouve dans le besoin, il lui sera impossible d’y toucher et donc de l’utiliser pour prendre soin de ses enfants! Alors qu’en épargnant pour son propre compte, Lou se protège et pourra toujours recourir à cet argent pour soutenir ses enfants plus tard, si nécessaire.
• Quand parler de « travail » ménager?
Avec son temps partiel, Lou trouve naturel d’accomplir plus de tâches ménagères. Mais même sans temps partiel, comme Stéphane a un boulot très prenant et couvre les plus grosses dépenses, Lou peut naturellement se sentir dans l’obligation de faire davantage le ménage ou la cuisine. Dans son livre Titiou Lecoq donne un exemple frappant pour nous faire sentir quand une tâche devient un travail: imaginons que vous viviez dans votre appart’. Vous nettoyez les toilettes et c’est normal. Votre âme sœur emménage et vous continuez à nettoyer les toilettes. Mais un jour, vous en avez assez, car elle ne lève pas le petit doigt et ne vous remercie pas de prendre cette tâche en charge, comme si c’était un dû. Laver les toilettes est devenu un travail, car l’autre en bénéficie.
• La solution? Parler thunes!
Très souvent, on ne prend pas la peine de se poser, en couple, pour réfléchir à la façon dont on va gérer les finances. On préfère ne pas y penser pour ne pas avoir l’air mesquin. Pour ne pas se confronter voire se disputer. Et pourtant, c’est notre avenir qui est en jeu, rappelle Titiou Lecoq. Nous ne sommes pas « un couple », nous sommes 2 individus et il est normal de protéger chacun·e, en cas de séparation ou de décès de l’un des 2.
• Établir un budget
Discutez de votre rapport à l’argent au plus tôt quand vous vous installez ensemble, pour désamorcer les éventuels conflits et car il est toujours difficile de changer un système déjà établi. La meilleure solution est d’avoir chacun son compte et 2 comptes communs: un pour les dépenses courantes et un pour les grosses dépenses et/ou l’emprunt immobilier. Ce dernier permettra de montrer l’investissement de chacun. Gardez les preuves de vos paiements. Il est crucial de veiller à ce que la personne la moins riche investisse aussi dans ces grosses dépenses, quitte à moins dépenser en dépenses courantes. Réfléchissez à l’organisation qui vous conviendra le mieux. Vous pouvez mettre tout en commun et vous reverser à chacun·e un montant pour ses dépenses privées. Ou choisir de verser chacun·e un montant mensuel sur votre compte commun. Pour établir ce montant, établissez un budget de vos dépenses annuelles (n’oubliez pas les assurances) puis divisez-les par 12. Vous pouvez choisir de verser le même montant (une solution égalitaire) ou un montant proportionnel à vos finances (une solution équitable).Une solution égalitaire ou équitable?Pour rappel, l’égalité, c’est quand tout le monde est traité exactement de la même manière. L’équité, c’est quand on s’adapte à chacun·e. Exemple: 3 personnes veulent regarder au-dessus d’un mur. On leur donne une chaise à chacun. Le premier est grand et voit déjà au-dessus du mur. Il n’avait pas besoin de chaise. Le deuxième parvient à voir au-dessus du mur grâce à la chaise. Le troisième est trop petit pour voir, même sur la chaise. Offrir une chaise à chacun est égalitaire, mais pas équitable. Il aurait mieux valu donner juste une chaise au deuxième et un escabeau au troisième.
Très souvent, on ne prend pas la peine de se poser, en couple, pour réfléchir à la façon dont on va gérer les finances. Et pourtant, c’est notre avenir qui est en jeu.
• Intéressez-vous aux finances du couple
Une fois votre fonctionnement établi, continuez à vous intéresser aux finances de votre couple. Sachez qui gagne combien, qui a une épargne, une assurance vie, qui est votre courtier, votre compagnie d’assurance, votre fournisseur d’énergie. Et partagez vos identifiants. Si la situation de l’un·e d’entre vous change (perte d’emploi, changement de job…), tenez-en compte. Et si l’un·e de vous diminue son temps de travail pour les enfants ou gérer votre chez-vous, considérez-le comme un apport au couple, évaluable financièrement. Combien coûterait une nounou, une femme de ménage? Enfin, une fois par mois, penchez-vous sur votre comptabilité. Vérifiez vos dépenses, vos factures, et si les remboursements attendus ont bien été reçus. C’est fastidieux, mais important.
• Intéressez-vous à la finance
Aujourd’hui, on ne peut pas être sûr·e que l’on bénéficiera d’une pension plus tard ni du montant de celle-ci. Avec l’inflation, même si les taux d’épargne ont minusculement augmenté, on sait qu’épargner c’est perdre de l’argent. Et donc de la qualité de vie, du temps, de la liberté. Alors, défendez votre valeur sur le marché du travail. Osez demander le salaire juste, la promotion à laquelle vous avez droit. Intéressez-vous à l’argent, aux possibilités d’épargne-pension, d’investissements. Ce n’est pas « trop compliqué », il faut juste s’y mettre. On en reparle?
4 pistes pour aller plus loin
• 1 livre pour comprendre que tous les choix de notre vie influencent nos finances… et pourquoi les hommes sont avantagés.
Le couple et l’argent – Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes de Titiou Lecoq, éd. L’Iconoclaste.
• Écoutez aussi le podcast Rends l’argent, de la même autrice.
• 1 livre pratique pour défendre sa valeur et son pouvoir économique, apprendre à investir, avec des exemples et exercices pratiques.
Aux thunes, citoyennes! – Au travail et à la maison, prenez le pouvoir sur votre argent, de Insaff El Hassini et Héloïse Bolle, éd. Alisio.
• 1 livre pour repenser le monde du travail pour aider les couples à trouver un meilleur équilibre de vie.
S’émanciper à deux – Le couple, le travail et l’égalité d’Antoine de Gabrielli, éd. du Rocher.
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