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© Morgane Gielen

TÉMOIGNAGE: ““J’ai perdu mon frère quand j’avais 8 ans””

À 8 ans, Anton, 18 ans, a perdu son jeune frère Matteo, victime d’un handicap lourd. Il a ensuite dû affronter crises de panique et d’anxiété durant des années. Aujourd’hui, il vit pour 2.

Nous sommes façonné·e·s par notre parcours comme par notre passé. Ils composent ce bagage intime que l’on transporte avec soi, où que l’on aille. Et pour certain·e·s, il fait office de fardeau, terriblement lourd à porter dès le plus jeune âge. Comme pour Anton, 18 ans, qui a perdu son petit frère il y a 10 ans.

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« Je me souviens bien de la naissance de Matteo. J’étais si fier d’avoir un petit frère. Un sentiment qui a perduré, plus fort que tous les autres, même si les années qui ont suivi ont été très difficiles pour notre famille. Matteo est né avec de multiples handicaps et avait besoin de nombreux soins. Si son corps grandissait avec le temps, il a conservé jusqu’au bout l’âge mental d’un bébé. Il ne pouvait par exemple pas s’asseoir, manger ou parler de manière autonome. Nos parents ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour nous offrir une impression de sécurité et de normalité, mais malgré mon jeune âge, j’ai réalisé très tôt que notre famille n’était pas comme les autres. Je ne voyais pas mon frère et mes parents tous les jours. L’hôpital était notre 2e maison et c’était l’endroit où notre famille était le plus souvent au complet. J’ai toujours su que Matteo ne vivrait pas vieux, mais la mort est un concept très abstrait lorsqu’on est enfant.

Il est impossible d’imaginer ce que cela implique vraiment, jusqu’au moment où le pire arrive. Cela s’est passé très vite. Un jour, son cœur s’est arrêté et Matteo est mort, dans les bras de notre père. C’est très étrange de voir quelqu’un s’éteindre. Je n’ai jamais eu aussi peur qu’à l’époque. Je n’arrivais pas à comprendre que mon frère était parti. Je ne savais pas comment réagir et j’étais figé par l’angoisse. Lorsque le directeur des pompes funèbres a emporté son cercueil, je me suis effondré. Dans les semaines, les mois et et les années qui ont suivi, je n’arrivais pas à retrouver un équilibre et à me sentir bien, ni dans notre maison ni dans ma peau. J’ai commencé à avoir des crises de panique et une anxiété si intense, que je criais régulièrement à plein poumons. Je parvenais seulement à m’endormir une fois mon corps épuisé et mon esprit envahi par la fatigue.

Flux et reflux de douleur

Les crises d’angoisse me tenaient sous leur emprise. Ne sachant plus quoi faire et comment m’en sortir, je me suis rendu dans un camp pour les jeunes en deuil où j’ai pu être conseillé par un psychologue et apprendre à parler de mon frère et de sa mort. C’était un sujet sur lequel je m’ouvrais peu à mon entourage. Je ne voulais déranger personne ni risquer que les autres me voient différemment si je me confiais. J’ai vécu dans une spirale de douleur durant des années, mais avec le temps, j’ai réalisé que je devais avancer, pour mon propre bien. J’ai mis de côté mon apitoiement sur moi-même, car le monde n’est pas plus doux avec vous, sous prétexte que vous avez vécu de la souffrance. Je suis par contre devenu plus bienveillant envers moi et grâce à l’aide d’un professionnel et à l’introspection, j’ai pu apaiser un peu la peine liée au décès de mon frère. Mais c’est un processus de flux et reflux. Parfois la vague de chagrin est toute proche et à d’autres moments elle s’éloigne.

­Aujourd’hui, j’essaye aussi de vivre pour mon frère et de profiter de chaque expérience qui se présente à moi. Comme si Matteo se tenait sur mon épaule et regardait mon parcours. Je tente aussi de ne plus voir sa mort ­uniquement comme un évènement négatif, mais aussi porteuse de sens. Elle m’amène à vouloir créer des projets et des actions autour de la santé mentale. Mon frère est une source d’inspiration pour tout ce que je vis désormais. Et il n’y a pas de plus belle façon de lui rendre hommage. » « Lorsque le directeur des pompes funèbres a emporté son cercueil, je me suis effondré »

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