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Vie de célib Vanessa Japon
© D.R.

VIE DE CÉLIB: ““Au Japon, j’ai été choquée de recevoir une déclaration d’amour après deux dates””

La rédaction

Chez Flair, on est convaincues que le célibat rime avec bonheur, ­richesse et expériences! Chaque semaine, dans Vie de célib’, on vous emmène à la rencontre d’un·e célibataire fièr·e de l’être.

  • Nom: Vanessa
  • Âge: 36 ans.
  • Je vis à… Tokyo, au Japon.
  • Prête à se remettre en couple? « Je garde ça secret pour l’instant… »

Si l’on en croit les chiffres, les jeunes Japonais·es sont de moins en moins intéressé·e·s par les relations amoureuses. Ils et elles demeurent vierges et célibataires plus longtemps. Un·e Japonais·e qui, à 30 ans, vit toujours chez ses parents sans avoir jamais eu de relation n’est plus une exception.

La Française Vanessa Montalbano s’est installée à Tokyo à l’âge de 28 ans et partage ses découvertes culturelles et ses expériences amoureuses sur les réseaux sociaux. Huit ans plus tard, son livre “Tokyo Crush”, qui rassemble toutes ses expériences japonaises, est disponible sur les rayons des librairies.

Quel a été le plus grand choc culturel pour toi, en arrivant au Japon?

« Il y a beaucoup de différences, mais la première chose qui m’a frappée, c’est à quel point le Japon est encore très conservateur par rapport à l’Europe occidentale. Le patriarcat est encore très fort ici. Le mariage est très important et vous n’êtes pas censés vivre ensemble avant d’être mariés. Les relations sont complètement différentes de celles que l’on entretient chez nous. »

Comment t’est venue l’idée de partager tes découvertes en matière de culture et de relations amoureuses?

« Lorsque je suis arrivée ici, je ne connaissais personne et je ne parlais pas la langue. Après quelques cours de japonais, j’ai décidé de créer un profil Tinder dans l’espoir de pratiquer la langue et de faire connaissance avec des gens. Mais cela n’a pas été facile. »

En quoi, exactement?

« La langue japonaise est très riche, et au moins aussi fascinante qu’elle n’est compliquée à apprendre. Mais même lorsque j’ai commencé à la maîtriser un peu, il était difficile de déchiffrer des choses d’apparence très simple, comme un profil sur une application de rencontres. Durant les premiers jours sur Tinder, j’ai vite compris que l’on peut apprendre une langue, mais qu’il faut vivre une culture. J’ai dû faire beaucoup de recherches pour trouver mon chemin. »

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Quelle est la différence entre un profil sur une application de rencontres au Japon et Belgique ou en France?

« La façon dont les gens se décrivent. Au Japon, votre apparence peut être décrite en fonction d’un animal, d’un type d’épice ou d’une sauce. Lorsque j’ai lu pour la première fois que quelqu’un décrivait son visage comme étant “salé”, je n’avais aucune idée de ce que cela signifiait. Aujourd’hui, je sais qu’une personne au visage salé présente des caractéristiques japonaises telles que des yeux fins, des lèvres minces et une peau blanche. À l’inverse, une personne au visage “ketchup” est plus bronzée, a une mâchoire forte et un nez pointu. Par ailleurs, les gens indiquent toujours leur groupe sanguin dans leur biographie. Je n’ai pas compris pourquoi, au début. »

Eh bien, pourquoi font-ils ça, justement?

« Au 20e siècle, un journaliste a publié une théorie selon laquelle une relation a plus de chances de fonctionner si on se met en couple avec une personne du même groupe sanguin que soi. Cette théorie n’est pas basée sur des faits scientifiques et est complètement inventée, mais à ce jour, les Japonais et les Japonaises continuent d’y croire. »

S’il existe déjà tant de différences sur les apps, qu’en est-il du premier rendez-vous?

« Il existe de nombreuses règles sur la façon de se comporter et de s’habiller lors d’un premier rendez-vous. Tant pour les hommes que pour les femmes. Les hommes japonais, par exemple, sont censés être très galants. Ils vous ouvrent la porte, ne vous laissent jamais marcher sur le côté de la rue et se tiennent derrière vous dans un escalator pour que personne ne puisse voir sous votre jupe. Ça me fait rire quand mes amies disent que les hommes japonais ne sont pas galants par rapport aux hommes européens. Je pense qu’elles ont l’image des hommes européens de comédies romantiques. Or, en tant qu’occidentale, je sais que ce n’est pas la réalité (rires). »

Comme la société japonaise est encore très conservatrice, les tenues légères ne sont pas bien vues.

Et les femmes, comment doivent-elles se comporter lors d’un premier rendez-vous.?

« Tout d’abord, elles doivent avoir une belle apparence et d’être élégante. Il est important de soigner sa tenue et son maquillage, mais aussi, et peut-être même surtout, de ne pas montrer trop de peau. En effet, comme la société japonaise est encore très conservatrice, les tenues légères ne sont pas bien vues. En outre, il est courant que les femmes fassent semblant d’être plus naïves qu’elles ne le sont, voire qu’elles adoptent une voix plus aiguë pour paraître plus enfantines et innocentes. Ici, c’est considéré comme une forme de flirt et ça plaît beaucoup aux hommes. »

Depuis huit ans que tu vis là-bas, as-tu eu une relation?

« Oui, mais elle a été de courte durée. D’une part, parce que les relations interculturelles et internationales ne sont pas évidentes, et d’autre part, parce qu’il est très difficile d’apprendre à connaître réellement quelqu’un au Japon. »

Comment cela se fait-il ?

« Les Japonais ont deux visages: celui qu’ils partagent avec leurs amis proches et leur famille, et celui qu’ils partagent avec le monde extérieur. Il s’agit d’une coutume sociale qui permet de maintenir la paix et de toujours paraître poli envers les autres. Par exemple, si quelqu’un vous demande sur une application de rencontre quel est votre genre de mec ou de meuf, vous êtes censé donner une réponse suffisamment large pour n’exclure personne. C’est fait avec une bonne intention, mais du coup, il est difficile de réellement connaître quelqu’un et de savoir ce qu’il ou elle pense vraiment. »

Penses-tu que les relations au Japon sont de ce fait plus superficielles?

« En fait, non. Même s’il est plus difficile d’apprendre à connaître quelqu’un, il y a moins de doutes sur les intentions d’une personne. Dans la culture actuelle des rencontres en Europe occidentale, il est souvent difficile de parvenir à une relation. On s’embrasse, on a souvent déjà eu des relations sexuelles et on se comporte comme un couple, mais il faut beaucoup de temps pour mettre vraiment une étiquette dessus. C’est beaucoup moins courant ici, car les rencontres fonctionnent à l’inverse. Une relation ne peut commencer qu’après une déclaration d’amour. Avant d’être intimes l’un avec l’autre et d’apprendre à se connaître, vous êtes censé déclarer officiellement vos sentiments et demander à la personne concernée si elle veut être votre partenaire. Parfois, ce genre de déclaration a lieu seulement après deux rendez-vous. »

Cela t’est-t-il déjà arrivé?

« Oui, et j’ai été choquée. Après à peine deux rendez-vous, je pense qu’il est trop tôt pour parler de sentiments. Mais maintenant, je vois les choses sous un angle différent. En étant aussi honnêtes sur vos émotions et vos intentions, vous savez tous les deux où vous en êtes et vous vous donnez une chance de voir si ça peut marcher. C’est tout à fait romantique! Même si je dois admettre que cela enlève aussi un peu de spontanéité. Par exemple, on ne s’embrasse pas pour la première fois quand le moment se présente, mais une fois que l’on a officiellement reçu le feu vert. »

Te sens-tu parfois seule, à Tokyo, en tant que femme célibataire?

« Cela arrive parfois, bien sûr, mais entre-temps, je me suis construit un bon groupe d’amies qui compensent cette solitude. De plus, dans les métropoles japonaises, beaucoup de choses sont prévues pour que les célibataires ne se sentent pas seuls. »

Lors d’un rendez-vous galant, il faut espérer que l’intérêt soit réciproque, mais avec un hôte, vous le payez juste pour qu’il s’intéresse à vous.

Peux-tu donner des exemples?

« Tout d’abord, il est beaucoup plus accepté ici de faire des choses seul. Il existe des karaokés réservés à une seule personne et des restaurants dotés d’un bar spécial où l’on peut dîner seul. Sortir avec quelqu’un d’autre est considéré comme un luxe, ici. Il existe également des endroits où vous pouvez payer pour sortir avec quelqu’un qui n’a d’yeux que pour vous, c’est ce que l’on appelle des bars à hôtes. Lors de votre première visite, vous parlez à un hôte différent toutes les dix minutes pour voir si vous vous entendez bien avec l’un d’eux. Si c’est le cas, vous pouvez revenir la fois suivante pour prendre un verre et discuter avec cette personne. Cela coûte cher, mais je comprends pourquoi les gens le font. Après tout, lors d’un rendez-vous galant, il faut espérer que l’intérêt soit réciproque, mais avec un hôte, vous le payez juste pour qu’il s’intéresse à vous. Il vous complimente, vous pose des questions et vous fait vous sentir bien dans votre peau. Dans une société où les gens se sentent de plus en plus seuls, cela vaut beaucoup.

As-tu vécu une histoire d’amour embarrassante?

« Oui. Au Japon, il y a au moins un Love Hotel dans chaque ville. Il s’agit d’hôtels pour adultes où l’on peut réserver une chambre pour une nuit ou pour quelques heures. Beaucoup de gens y ont recours, car les jeunes vivent souvent avec leurs parents jusqu’à leur mariage et ils n’ont pas forcément envie ou la possibilité d’avoir des relations intimes sous leur toit. Même les personnes ayant des relations extraconjugales finissent souvent par s’y rendre. Pour elles, il existe même un savon spécial sans odeur pour que leur partenaire officiel ne s’en aperçoive pas. Bref, des endroits spéciaux. Mais ce qui est bien, c’est que les décors et les intérieurs sont toujours décadents. »

Depuis longtemps déjà, j’avais envie d’aller dans l’un de ces Love Hotels et j’en ai finalement eu l’occasion lorsqu’un rendez-vous s’est prolongé et que nous avons manqué le dernier train. Je lui ai demandé si nous pouvions aller dans ce genre d’hôtel et c’est ce que nous avons fait... mais il ne s’est rien passé. Voilà ce que je veux dire par le fait que les Japonais veulent être des gentlemen. Nous avons passé toute la nuit à jouer à des jeux de société et à chanter au karaoké dans notre propre, et rien de plus. C’était une sacrée expérience (rires). »

As-tu un conseil à donner aux autres célibataires ?

« Ne baissez jamais votre niveau d’exigence pour être aimé par quelqu’un. Vous savez ce que vous voulez et ce que vous valez. »

“Tokyo Crush”, de Vanessa Montalbano

“Tokyo Crush”, de Vanessa Montalbano

“Tokyo Crush”, de Vanessa Montalbano

€ 15  –  Éditions Les Arènes

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Texte: Annelies Hart. Traduction: Sarah Moran Garcia.

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