6 questions posées à une sexologue sur l’orgasme féminin
Pourquoi tant de femmes n’arrivent-elles pas à l’orgasme lors des rapports sexuels (alors que bien souvent elles y arrivent seules)? 57 % des femmes sexuellement actives admettent avoir souvent des difficultés à jouir. Le plaisir féminin reste tabou et méconnu, tant des hommes que des femmes elles-mêmes. Sophie Liebermann, sexologue, nous apporte des éléments de réponse!
Peut-on dire en toute objectivité qu’une femme jouit moins rapidement/moins facilement qu’un homme?
“La réponse sexuelle de la femme est plus complexe que celle de l’homme, car elle est moins systématique. En ce qui concerne les hommes, les réactions sexuelles et physiques sont externes et plus visibles. L’orgasme féminin est aussi influencé par le psychisme, l’environnement et l’affect. Si une femme est fortement excitée et sur le chemin de l’orgasme, mais qu’à ce moment-là, son bébé pleure ou qu’on sonne à la porte ou que les parents rentrent à la maison, tout peut s’arrêter. Or, chez l’homme lorsqu’il atteint son stade de ‘non-retour’, (juste avant l’éjaculation), il ne peut pas faire marche arrière: ça doit sortir.”
Comment se fait-il que certains hommes manquent de connaissance ou d’intérêt vis-à-vis de l’orgasme féminin?
“Les hommes, mais aussi les femmes ont des lacunes dans la connaissance de leur corps. Les explications peuvent être multiples: peu d’éducation à la sexualité, croyances erronées, hyper-sexualisation de la société, culte de la performance, toxicité du porno et son accès facile et très jeune…
Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes se catégorisent ‘clitoridiennes’ ou ‘vaginales’ alors qu’il n’y a qu’un orgasme et de multiples façons d’y arriver. Il faut balayer les catégories qui nous enferment. Il n’y a pas de hiérarchie de l’orgasme.
Chaque femme, à son rythme, développe son apprentissage sexuel, d’où l’importance de la masturbation. Ce que je remarque, c’est que certains hommes ne comprennent pas la réponse sexuelle de leur partenaire et vice versa. Je pense qu’en montrant à l’autre comment on fonctionne, on peut toujours apprendre! Parfois cela vient bousculer certaines croyances, mais ça permet aussi d’enrichir son rapport à sa sexualité.”
L’homme joue un rôle dans l’orgasme de sa partenaire. Comment peut-il y mieux y contribuer?
“En instaurant une atmosphère sensuelle et érotique sécurisante. Il n’y a pas de sexualité sans sensualité. Mais il est important aussi que de son côté, la femme apprenne à connaître son corps via la masturbation. On n’en parle pas assez. Et il ne faut pas oublier que la fonction créé l’organe: le fait d’utiliser son clitoris va le stimuler.”
Comment expliquer que les femmes ont davantage tendance à simuler?
“Si certaines femmes simulent, c’est que le diktat de la jouissance est très présent (tout comme le diktat de l’érection). Je pense que si certaines simulent, c’est qu’il y a un questionnement, voire une angoisse par rapport à une ‘norme’. Il est parfois bon de pouvoir en parler afin de se recentrer sur ses propres choix et son plaisir.
En simulant, elle peut penser que l’autre va rester ou qu’elle va passer pour une ‘super maîtresse’, ce qui va booster son estime d’elle.
Ce qui est dommage, c’est qu’il est impossible de simuler tout en étant dans l’instant présent. Quand on simule, on est dans le contrôle et pas dans le lâcher-prise nécessaire à l’orgasme. C’est contre-productif.”
Comment déculpabiliser si on ne parvient pas à jouir?
“C’est important de prendre du recul. Il n’y a rien de plus paradoxal: le diktat de la jouissance entraîne la pression. Or, il ne peut y avoir de jouissance sans lâcher-prise. Toute culpabilité peut entraîner un cercle vicieux. Dans le cadre d’un accompagnement thérapeutique, on peut briser ce schéma. Et puis, l’orgasme n’est pas une fin en soi. Certaines femmes se disent très épanouies au lit sans avoir d’orgasme. Enfin, constater qu’on n’est pas la seule est déjà très libérateur!”
Quels conseils donneriez-vous pour aborder le sujet du plaisir féminin sans heurter son partenaire?
“Il faut ne pas être dans le reproche. Le partenaire a peut-être toute une construction qui va s’effondrer. Je recommande alors de tester l’apprentissage transversal. Le principe: pendant une semaine, vous lui montrez comment vous fonctionnez, vous le guidez, par des gestes ou par la parole. Vous prenez sa main et lui montrez comment vous vous caressez. Et la semaine d’après, c’est à lui de vous montrer. Mais il faut le faire de manière répétitive pour ancrer de nouveaux comportements chez l’un et l’autre.”
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