Parfois, on n’a pas spécialement envie d’avoir une relation sexuelle, mais on se force pour faire plaisir à l’autre. C’est ce que l’on appelle la “dette sexuelle”. Charlotte Nicolas, sexologue, thérapeute et assistante sociale dans un planning familiale, explique comment s’en libérer.
On ne le répétera jamais assez, mais toute relation doit être mue par le consentement, au lit comme en-dehors. Cette notion de consentement, très prégnante actuellement – et heureusement! -, questionne les relations amoureuses. Par exemple, avez-vous déjà entendu parler de la dette sexuelle?
Charlotte Nicolas, assistante sociale en planning familial, formatrice EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle), sexologue et thérapeute, définit la dette sexuelle comme “le fait de se sentir redevable sexuellement envers un·e partenaire”. Il s’agit d’une pression imposée à notre sexualité, aussi bien au sein des couples que lors de premiers rendez-vous amoureux. “C’est un phénomène qui va naître des scripts sexuels portés notamment par les médias”, explique la sexologue. “Au cinéma, par exemple, les rendez-vous galants se terminent souvent au lit. Comme si c’était la norme et que tout date devait aboutir à une relation sexuelle.”
Depuis notre plus jeune âge, on nous apprend à être poli et à faire des bisous, même quand on ne veut pas, pour se conformer aux règles de la société.
Consentement, oui, mais imposé à soi-même
La limite entre le viol et la dette sexuelle est très fine. Ce qui les différencie, c’est que le viol est forcé par l’agresseur·euse, tandis que dans le cas de la dette sexuelle, c’est la victime qui se force elle-même. “Dans ce genre de situation, on n’écoute pas ses propres limites. S’il n’est pas question de viol, on ne peut pas pour autant affirmer que le consentement est total”, insiste Charlotte Nicolas.
D’après ce qu’elle a constaté, les femmes sont plus touchées par la dette sexuelle que les hommes. “C’est lié à l’éducation”, estime-t-elle. “Depuis notre plus jeune âge, on nous apprend à être poli et à faire des bisous, même quand on ne veut pas, pour se conformer aux règles de la société. On ne s’en rend pas compte, mais cela va impacter nos relations futures.” Et aussi à une certaine redevabilité. “En date, par exemple, l’une des deux personnes va payer l’activité, les verres ou le repas, et l’autre va se dire que pour le·la remercier, une petite partie de jambe en l’air n’est pas cher payé.” Même si cette personne n’a pas spécialement envie de coucher avec son rencard.
Les couples, aussi, sont concernés
Cette dette sexuelle n’apparaît pas seulement lors de premiers rendez-vous. Au sein des couples, des personnes peuvent se mettre une certaine pression sexuelle pour faire ce qu’ils imaginent que les autres couples font: du sexe tous les jours, sans relâche. L’un ou l’autre des partenaires peut alors en arriver à se forcer pour satisfaire les besoins réels ou imaginaires de l’autre. Parce que oui, parfois, ces besoins sont inexistants, et cette incompréhension le fruit d’un manque de dialogue et de communication. “Je rencontre beaucoup de couples qui ont des relations sexuelles plus espacées, mais qui sont très heureux. Il faut arrêter de penser que ce que les médias nous montrent est la norme”, souligne Charlotte Nicolas.
Il est essentiel d’être capable d’exprimer ses envies, de partager ses ressentis, et, le cas échéant, de dire non.
Surtout que cette dette peut entraîner d’autres problèmes psychologiques, intimes et physiques. De confiance en soi, tout d’abord, avec un questionnement sur sa libido, par exemple, voire un dégoût de soi-même. Mais aussi au lit, en causant du vaginisme ou une dyspareunie qui rendra les rapports sexuels désagréables, sinon douloureux pour la femme.
Se libérer de la dette sexuelle
Pour se libérer de la dette sexuelle qui pèse sur vous, il n’y a pas mille solutions. Comme pour beaucoup de choses dans les relations amoureuses et sexuelles, l’essentiel est de pouvoir en parler avec son·sa partenaire. Il faut aussi bien se connaître. “Beaucoup des personnes que je reçois en consultation disent qu’elles ne savent pas exprimer ce qu’elles veulent ou non, et certaines ne savent tout simplement pas ce qu’elles veulent. Or, il est essentiel d’être capable d’exprimer ses envies, de partager ses ressentis, et, le cas échéant, de dire non”, explique la sexologue et thérapeute. Elle conseille, en outre, de jouer la carte du romantisme. Pas seulement au lit, mais tout au long de la journée, avec des mots doux et de jolies attentions qui raviveront la flamme.
Il est nécessaire d’informer les jeunes sur leurs droits pour qu’ils puissent consentir librement.
L’EVRAS, une éducation primordiale
Mais comme toute chose, Charlotte Nicolas est partisane de l’expression: “Il vaut mieux prévenir que guérir.” En tant que formatrice EVRAS, elle considère comme extrêmement important, sinon absolument primordial, d’éduquer correctement les enfants et adultes en devenir. Et ce, dès le plus jeune âge. Leur faire comprendre ce qui est agréable ou ne l’est pas, et leur apprendre à dire non quand ce qui se produit ou qu’on leur demande ne leur plaît pas. Pour cela, la thérapeute utilise la métaphore de la bogue de châtaigne: “Ça pique et ce n’est pas agréable à prendre en main. Comme c’est désagréable, je laisse tomber la bogue de châtaigne, je ne me force pas à la tenir. Quand je suis dans une situation qui n’est pas agréable, qui ne me plaît pas, vers qui dois-je me tourner?” L’exemple évoqué plus haut des bisous presque imposés aux enfants par notre vieille société est un bon exemple de ce consentement qui doit être respecté, que l’on soit adulte, adolescent ou enfant.
“Ça me peine d’entendre des jeunes qui craignent que leur petit ami ou leur petite amie aille voir ailleurs si, ils ou elles, ne font pas l’amour assez tôt”, regrette l’assistante sociale. “Il est nécessaire d’informer les jeunes sur leurs droits pour qu’ils puissent consentir librement”, conclut Charlotte Nicolas.
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