Gaëlle, 28 ans, en a bavé côté cœur. Après avoir épluché Tinder et vécu mille et une nuits parfois torrides, parfois étranges, il semblerait qu’elle ait trouvé le bon. Avec Ben, elle explore toutes les facettes de la sexualité. Avec amour, mais surtout avec humour.
L’autre jour, j’ai reçu un SMS d’une amie à 18h00 : « Tu vas me trouver parano mais je crois qu’on me suit ». Le problème, c’est que je ne l’ai pas vu tout de suite. Les messages se sont enchaînés pendant plusieurs minutes. Elle me décrivait cet homme qui avait changé de direction et qui avait fini par monter dans son tram, à descendre au même arrêt qu’elle et à la suivre toujours à proximité en tentant de l’interpeller. Après une pause dans ses envois, elle avait fini par me dire qu’elle était rentrée chez elle, en panique après que l’homme en question ait tenté de forcer sa porte. Heureusement, son copain l’attendait et a pu faire faire fuir son harceleur.
Mais mon amie ne s’est pas remise de ce qu’elle a vécu.
Elle m’expliquait que sur le coup, elle n’avait pas forcément peur mais que c’est après que le stress s’est manifesté. C’est assez courant finalement, son cerveau l’a protégée avec une sécrétion forte d’adrénaline et quand celle-ci a baissé, elle a réalisé la violence de la situation.
Je pense que le pire, c’est qu’à un moment donné de leur vie, toutes les femmes subissent des situations comme celles-ci. Et parfois avec des issues bien plus dramatiques.
Le soir-même, quand j’ai pris connaissance de ses messages, je lui ai suggéré de porter plainte. Honnêtement, une part de moi se disait que ça ne servirait peut-être à rien mais que ça lui ferait du bien de se décharger et d’être dans une démarche active, au lieu de subir de plein fouet la situation. Le lendemain, on a donc été à la police, pleines d’interrogations. « Qui porte plainte pour harcèlement de rue ? », « va-t-on être prises au sérieux ? », « a-t-on raison d’être là ? ».
À notre grande surprise, le policier nous accueillies avec une bienveillance qui m’a laissée sans voix. J’étais déjà sur mes gardes, prête à défendre mon amie bec et ongles si quelqu’un osait faire la moindre remarque pour amoindrir ses émotions ou la situation. Mais ça n’a pas été nécessaire.
Cette personne a utilisé les bons mots, au bon moment, en prenant soin de l’état psychologique de mon amie, en étant rassurant, doux et clair sur les étapes à suivre. Ça a été une vraie claque pour moi et mes préjugés.
D’ailleurs, je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire. « Vous avez suivi une formation pour accueillir les victimes dans un cadre bienveillant ? » lui ai-je demandé. « Non madame, j’ai 4 filles et je n’aimerais pas qu’elles aient à vivre ça ». Nous faisions face, de toute évidence, à quelqu’un qui a bien compris la violence psychologique et les séquelles du harcèlement de rue.
Pendant plusieurs jours, mon amie n’a pas osé sortir de chez elle. Et le jour où elle s’est lancée, elle a fait une crise de panique dans le tram.
C’est sans doute la fille la plus badass que je connais, elle l’aurait retourné en moins de deux. Mais elle avait peur, elle ne se sentait pas en sécurité, même en pleine journée.
Et je pense que je n’ai pas besoin de vous convaincre si vous me lisez et que vous avez déjà ressenti cette boule au ventre en rentrant le soir seul·e chez vous.
En tout cas, retenez ces conseils du policier : il nous a conseillées de nous fier à notre intuition dès qu’on avait le moindre doute sur les intentions de quelqu’un. « C’est pour ça que vous payez des impôts ! », avait-il ajouté en rigolant. Il vaut mieux appeler immédiatement la police, en composant le 100, ou le numéro du dispatching de votre région si vous l’avez. Il avait l’air de dire qu’il n’y avait jamais trop d’appels et que c’était important de ne pas avoir peur de le faire. Il a aussi insisté sur l’utilité de la plainte.
En sortant de là, mon amie était libérée d’un poids et nous nous sentions plus armées si ce genre de situations venait à se reproduire. Et je pense que l’on sait tou·te·s que ça se reproduira.
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