Gaëlle, 28 ans, en a bavé côté cœur. Après avoir épluché Tinder et vécu mille et une nuits parfois torrides, parfois étranges, il semblerait qu’elle ait trouvé le bon. Avec Ben, elle explore toutes les facettes de la sexualité. Avec amour, mais surtout avec humour.
L’autre jour, je me suis retrouvée dans ma chambre d’ado chez mes parents, sans prévenir. C’était un vendredi soir comme tous les autres qu’on a connus cette dernière année, à se demander ce qu’on allait regarder à la télévision pour se distraire. Sauf que Ben était bizarre et que je l’ai senti tout de suite.
Depuis quelques semaines, pour ne pas dire plusieurs mois, je le trouve plutôt passif-agressif dans ses réactions. Il ne dort pas beaucoup, grince des dents et a mis une distance certaine entre nous. Il ne m’a pas fallu très longtemps pour m’en rendre compte. Mais Ben n’est pas doué pour les introspections et malgré mes questions fréquentes sur l’état de sa santé mentale et celle de notre couple, il ne parvenait pas à mettre des mots sur ses ressentis.
C’est ainsi que ce fameux vendredi soir, quand j’ai verbalisé la distance que je ressentais et qui s’installait insidieusement, je l’ai poussé un peu plus dans ses retranchements pour comprendre d’où venait son mal-être.
Une discussion qui a très vite tourné en dispute. Je ne parvenais plus à m’exprimer dans le calme, bouffée par mes propres émotions incontrôlables. « J’aimerais juste que tu te rendes compte qu’un couple demande de l’investissement, une certaine dynamique où chacun y met du sien et fait des compromis. Pour l’instant, je ne me sens pas dans une relation équilibrée. Tu vis ta vie tout seul, tu laisses du bordel partout et tu ne t’inquiètes pas de savoir si tout va bien de mon côté ».
S’en est suivi une immense liste de preuves qu’il ne rangeait rien et que j’étais passée du statut de petite amie à colloc / femme de ménage en quelques mois et que ce n’était pas du tout ok. C’est là que ces mots sont sortis, des mots qui piquent et qui font mal. Ben a articulé distinctement : « tu m’exaspères. Même ta voix, je ne la supporte plus ».
C’était d’une violence inouïe. Non seulement je réalisais que j’étais la cause de son humeur mais qu’en plus, on en était arrivé à un stade où il ne pouvait plus me voir en peinture.
J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant bien une heure avant de me reprendre et d’analyser la situation.
Ne serait-ce pas un effet secondaire du confinement ? Il a besoin d’air, ne supporte plus ma présence et est malheureux. Après un an confinés l’un sur l’autre, puis en télétravail continu, je pouvais l’entendre. Peut-être que moi aussi, j’avais besoin d’autre chose.
Ça faisait d’ailleurs partie des reproches que je lui listais juste avant. « Tu ne veux jamais rien faire ! Je te propose des balades, des petits voyages en Belgique, des breaks pour souffler et se retrouver et ce n’est jamais assez bien pour toi. Tu veux juste aller bosser, rentrer et te reposer seul alors que moi je suis dans cet appartement toute la journée depuis près de deux ans et demi. Tu y as pensé à ça ? Est-ce que tu as essayé de te mettre à ma place ? »
Le glas a sonné sur nos différents points de vue. J’avais besoin d’air avec lui, il avait besoin d’air sans moi.
C’est comme ça qu’à 22h, j’ai appelé ma maman en catastrophe pour qu’elle vienne me chercher. J’ai préparé une valise pour plusieurs jours, sans savoir quand et si je reviendrais. Le cœur brisé et plein de colère contre ce COVID qui émiette les couples un par un, la tête en vrac, perdue dans le brouillard. Et surtout les yeux plein de larmes, de me retrouver dans cette chambre d’ado dans laquelle j’ai vécu mes premiers chagrins d’amour.
Voilà qui me laissait un goût amer en bouche. Toutes mes certitudes venaient de s’effondrer et de nombreuses questions se posaient désormais. Tous les choix étaient possibles et ils étaient en grande partie dans mes mains. Et si je nous choisissais moi et mon bonheur, est-ce que Ben ferait partie du tableau ?
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