Vous appréhendez les moments intimes? Votre corps vous embarrasse? Pour certaines personnes, l’amour et la honte s’entremêlent sous les draps, les empêchant de profiter de l’instant. Comment faire valser cette honte? Notre sexologue vous donne les clés!
Vous venez de passer une soirée avec votre « match » Tinder, et après quelques heures de discussion, le moment décisif est arrivé: iel vous propose de rentrer ensemble à la maison. Une pensée vous vient soudain à l’esprit: et si? Et s’il me trouvait moche? Et si elle me larguait parce que je jouis trop vite? Et si je n’étais pas bonne au lit? Et si, et si, et si. Et si la gêne était si présente qu’elle vous empêchait d’accéder au plaisir sexuel?
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Tou·te·s celleux qui regardent la série Big Mouth connaissent sans doute le « sorcier de la honte ». Une sorte de Voldemort mesquin qui insuffle la honte aux jeunes personnages dès qu’il s’agit de sexe. Petit à petit, les adolescents se trouvent noyés dans des torrents de gêne et se mettent à penser que personne ne les comprendra jamais. Un sentiment dont souffrent de nombreuses personnes. Hanane et Félix, par exemple, reçoivent souvent la visite du sorcier de la honte.
Hanane, 31 ans « Mon petit ami et moi sommes ensemble depuis presque 2 ans, et notre relation se passe bien, mais au lit, j’ai du mal à prendre du plaisir. Je sais qu’il m’aime et il me le dit, mais je suis constamment dans ma tête pendant les rapports sexuels. Je sais que cela ne se dit pas à l’ère du body positivisme, mais j’ai honte de mon ventre et de mes fesses. Je les trouve trop flasques, trop grosses, pleines de vergetures… Ce qui fait que j’ai du mal à me détendre pendant l’acte. Par exemple, je ne veux pas que mon homme voie mes fesses nues, ce qui nous empêche quelques positions. Et je refuse catégoriquement qu‘il me fasse des cunnilingus. En gros, il n’a pas le droit de me regarder de près en dessous du nombril. Tout se passe sous les draps ou dans l’obscurité. »
Félix, 27 ans « Quel que soit le plaisir que j’éprouve lors d’un date, je suis terrifié à l’idée de coucher avec quelqu’un pour la première fois. J’ai développé une anxiété de performance, ce qui fait que je ne parviens jamais à prendre mon pied avec une nouvelle personne. Mes partenaires ont tendance à penser que c’est de leur faute si je n’arrive pas à venir. Je dois souvent les rassurer, alors que c’est moi qui me sens gêné et mal. Des moments censés être agréables deviennent embarrassants. Il m’est déjà arrivé de ne pas rentrer chez moi avec quelqu’un qui me plaisait, juste parce que je voulais en finir avec cette situation. »
Jeux de l’esprit
Ina Van Ransbeeck, notre sexologue, explique comment ces pensées peuvent nous empêcher de profiter de l’amour: « L’excitation sexuelle peut se produire de deux manières: physique et mentale. Lorsqu’on pense au sexe, on sous-estime souvent l’importance du mental. En effet, pour avoir du plaisir au lit, il est important de se sentir bien mentalement et d’être capable de laisser tomber tous ses soucis pendant un moment. Plus nous réfléchissons, moins nous prenons de plaisir. Pendant l’amour, nous sommes confrontés à nous-mêmes et à notre corps, ce qui peut faire naître des sentiments d’insécurité. On s’expose complètement, au sens propre comme au figuré, et cela nous rend plus vulnérables, ce qui nous pousse parfois à trop réfléchir. Il peut s’agir de peurs et de doutes (‘Mon partenaire me trouvera-t-il attirante?’), mais il peut aussi y avoir d’autres raisons pour lesquelles nous pensons trop avec notre tête et pas assez avec notre corps: il peut s’agit de pensées liées au planning et aux enfants (‘Je dois me lever tôt demain’, ‘Les enfants dorment-ils?’…). Du coup, beaucoup adoptent un rôle au lit où ils s’observent eux-mêmes. C’est ce qu’on appelle le rôle de spectateur. Ainsi, d’une part, l’aspect mental est nécessaire (lorsqu’il s’agit de stimuli stimulants), mais d’autre part, il peut aussi être inhibiteur (lorsqu’il s’agit de pensées dérangeantes). »
Ina précise qu’il n’est pas nécessaire de chasser toutes les pensées pendant l’amour.
Il n’est pas nécessaire de mettre son cerveau en mode off lorsqu’il s’agit de fantasmes ou de sentiments aguichants. Mais ça l’est lorsqu’il s’agit de pensées distrayantes, car elles freinent notre excitation sexuelle.
Nous devons pouvoir nous concentrer avec tous nos sens sur ce qui se passe dans notre corps. Plus nous parvenons à concentrer notre attention sur notre corps, meilleure est la réponse corporelle. Lorsque nous sommes distraits, cette réponse peut diminuer ou disparaître. Dans la sexualité, il faut oser se laisser aller, surtout quand on veut atteindre l’orgasme. »
L’art du lâcher-prise
De nombreuses personnes se sentent nerveuses lorsqu’il s’agit de sexe. Certain·e·s sont même trop gêné·e·s pour se masturber, alors qu’il s’agit d’une façon très saine de s’explorer. Lorsque nous ressentons de la honte, l’énergie sexuelle ne peut pas circuler et l’excitation sexuelle est bloquée, ce qui fait de la relaxation une véritable corvée et rend l’orgasme plus difficile à atteindre. De plus, la honte peut créer des problèmes de communication. Elle vous pousse à construire des attentes élevées, ce qui peut entraver l’épanouissement de la relation. Certaines personnes évitent les rencontres parce qu’il·elle·s sont terrifié·e·s par ce qui pourrait se produire lorsqu’ils·elles deviendront sexuellement intimes avec quelqu’un. C’est le cas de Masha et Glen.
Marie, 30 ans « Je n’ai que des aventures d’un soir ou des relations de courte durée: des hommes avec lesquels je fais l’amour dans le noir, les rideaux fermés. J’ai des tétons assez gros et je n’ose pas exposer mes seins. C’est terrifiant pour moi. Mon premier amant m’a fait une remarque à ce sujet et je ne l’ai jamais oubliée. Dans ma tête, je suis convaincue que mon partenaire s’enfuira, dégoûté, dès qu’il me verra nue. Lorsque je suis habillée, je reçois de nombreux compliments sur mon apparence et ma silhouette. J’ai donc l’impression que les attentes sont très élevées et que mon partenaire ne pourra qu’être déçu lorsqu’il me verra enfin nue. Cela m’empêche de prendre du plaisir au lit, mais aussi de construire une relation. Je n’ose pas m’exposer physiquement et émotionnellement. »
Glen, 34 ans « Cela va sans doute vous paraître très étrange, mais je n’ose pas coucher avec quelqu’un ou faire l’amour quand il fait chaud. Je transpire beaucoup et très vite, et je me suis retrouvé trempé quelques fois en partageant mes draps. Je sais que c’est purement psychologique, car je n’avais pas ce problème auparavant, mais je m’en inquiète tant que je commence à transpirer avant même qu’il se soit passé quoi que ce soit. Je n’ai pas vécu de relation à long terme ces dernières années, parce que j’évite toute forme d’attachement. C’est un vrai souci psychologique. Je me sens très seul. »
Trop de jugements
Bien qu’il y ait de plus en plus d’espace pour l’expression de ses préférences sexuelles, un certain type de sexualité hétéronormée domine toujours dans la plupart des médias, ce qui peut nous faire ressentir de la honte lorsque nos préférences ne correspondent pas aux standards. Lorsque votre expérience diffère de ce que vous voyez dans les films et à la télévision, vous pouvez avoir l’impression d’être inadéquat ou « anormal ». Dans de nombreux domaines de la vie, nous voulons exceller et être considéré·e·s comme des êtres singuliers, mais lorsqu’il s’agit de sexualité, nous avons tendance à vouloir ne pas trop nous démarquer. Notre sexologue précise que, tant qu’il y a consensus, toute sexualité est normale. Il n’est donc pas acceptable de juger quelqu’un en fonction de ses préférences sexuelles ou de sa sexualité (ce qu’on appelle le kink shaming). Il est complètement dépassé de se moquer des personnes qui, par exemple, pratiquent le BDSM (Bondage, Domination, Soumission, Sado-Masochisme).
Mais même dans le cas où vous n’avez pas de fétichisme spécifique, vous pouvez vous sentir honteu·x·se en raison des attentes sociales. Ina Van Ransbeeck: « Les attentes sociales peuvent nous amener à nous imposer des exigences élevées (‘Je dois être capable de jouir’, ‘Nous devons faire l’amour maintenant, sinon ça fera une semaine qu’on ne l’a pas fait...’), ce qui crée une pression inutile. Les personnes qui rencontrent des problèmes d’excitation sont plus susceptibles d’avoir des pensées distrayantes parce qu’elles passent tout leur temps à anticiper le fait que ça pourrait ne pas fonctionner (‘Je ne vais plus mouiller’, ‘Ça va sans doute me faire mal’…). Lorsque nous avons des rapports sexuels – et surtout lorsque nous avons un orgasme – nous perdons le contrôle de ce qui se passe dans notre corps, ce qui peut déclencher un sentiment de peur.
Pour surmonter la honte, nous devons nous éloigner du concept de ‘normalité’ et accepter que chacun ait des préférences différentes et que chaque corps fonctionne différemment.
Vincent, 36 ans « Je me définis comme un homme hétérosexuel, mais j’ai vraiment envie de faire l’expérience du sexe anal et d’être pénétré avec un gode-ceinture. Je n’ai jamais osé en parler à une partenaire, pas même à ma petite amie actuelle. Dans les films, on a l’impression que c’est réservé aux monstres. J’ai honte de ma curiosité. J’ai peur que ma petite amie me quitte si elle apprend ce fantasme. »
Hélène, 33 ans « Je n’ai jamais eu d’orgasme avec un partenaire. J’ai fait semblant plusieurs fois, parce que je trouve gênant de ne pas y arriver. Ils ont parfois l’air si confiants (rires). À vrai dire, je suis jalouse lorsque j’entends les histoires de mes copines qui arrivent à se laisser aller complètement. À mes yeux, ce sont des déesses du sexe. C’est bien que l’on parle ouvertement de sexe de nos jours, mais c’est aussi très confrontant. Cela me donne l’impression d’être une ratée au lit. »
Florence, 24 ans « Il m’est parfois arrivé de pleurer après l’orgasme, ce qui est vraiment très embarrassant. Le garçon avec qui c’est arrivé la dernière fois en a ri et m’a dit qu’il avait trouvé ça très touchant, mais je ne l’ai plus jamais entendu ni revu après ça. Je suis sûre qu’il a trouvé ça bizarre. Ça a tendance à me bloquer maintenant, car je suis terrifiée à l’idée que cela se reproduise. »
Géraldine, 26 ans « Je dois me masturber tous les jours, sinon je suis de mauvaise humeur. Je n’ai jamais vécu en couple, donc pour l’instant, j’ai toujours pu garder cette habitude pour moi. Je le fais toujours en cachette, j’aurais honte à mort si ma petite amie le découvrait un jour. Elle penserait probablement que je suis obsédée ou que je n’ai pas assez envie d’elle. »
Éviter la honte
Les sentiments liés à la sexualité et à l’intimité peuvent être très confrontants et provoquer un sentiment de solitude profond. Les adolescents de la série Big Mouth parviennent finalement à vaincre le sorcier de la honte en parlant ouvertement de leurs peurs et de leurs inquiétudes. Ce n’est qu’une série, mais elle contient un fond de vérité, selon notre sexologue. Elle nous donne des conseils sur la manière de gérer la honte lorsqu’elle est liée à la sexualité:
S’accepter
« La première étape consiste à se sentir à l’aise avec soi-même. Parfois, la honte est si grande que vous n’essayez même plus de l’affronter, ce qui ne fait que renforcer ce sentiment. Apprenez à vous aimer et à aimer votre corps. Lorsque l’intimité avec soi fait défaut, l’intimité avec autrui devient très difficile. On ne peut aimer l’autre que si l’on a appris à s’aimer soi-même. Faites suffisamment d’exercice, mangez sainement, essayez de ne pas vous comparer aux autres et ne soyez pas trop dur·e avec vous-même. La masturbation est un moyen idéal pour découvrir ce que l’on aime ou ce que l’on n’aime pas. »
Parlez-en
Partagez vos inquiétudes avec votre partenaire ou une personne de confiance: ne fuyez pas les situations désagréables, mais engagez la conversation. Notre sexologue prévient que cela reste difficile pour de nombreuses personnes. « On part souvent du principe que le sexe est quelque chose qui doit se produire spontanément, qui ne nécessite pas d’entraînement ou d’explication, sous peine de perdre son caractère excitant. Pourtant, une communication ouverte est le plus important en matière de sexe (et de relations en général). En dialoguant, vous découvrirez ce que l’autre aime, ce qui l’excite... et vous parviendrez ainsi à mieux vous amuser au lit. Après tout, lorsque l’on se sent bien, il est beaucoup plus facile de ne pas se laisser distraire par d’autres pensées. De même, si vous souffrez d’insécurité pendant les rapports sexuels, partager ces émotions avec votre partenaire pourra vous soulager. Cela permettra aussi à votre partenaire de mieux vous comprendre. Il n’y a rien de mal à dire que l’on ne se sent pas sûr de soi, bien au contraire. La confirmation d’un partenaire vous rend plus confiant et plus sûr de vous au lit”. »
Cherchez de l’aide
« Si la honte est vraiment trop profonde, envisagez de faire appel à un professionnel. Il pourra vous aider à la surmonter. »
Restez réaliste
« Faites l’amour sans attentes et adaptez certaines exigences sociales. Par exemple, on pense encore qu’une relation sexuelle n’est réussie que lorsque les deux partenaires ont joui. Rien n’est plus faux, le sexe est un concept très large. De plus, ce que nous voyons dans les films porno ou à la télévision n’est souvent pas une représentation réaliste. Il faut abandonner l’idée que le sexe n’est que génial et que seuls les corps lisses et toniques sont dignes d’intérêt. Le sexe peut aussi être maladroit, suintant et inconfortable. Ou ordinaire. Il vaut mieux se concentrer sur le moment présent (et en profiter pleinement) que de penser à son corps imparfait ou à l’orgasme qui pourrait ne pas se produire. »
Organisez des rendez-vous avec vous-même
« Créez une atmosphère agréable et chaleureuse dans laquelle vous vous sentez bien. Portez des vêtements qui vous mettent en confiance, rendez la pièce la plus agréable possible, par exemple en allumant des bougies et une sélectionnant un playlist appropriée. Et enfin, réalisez que votre partenaire de lit est lui aussi humain et qu’il a des défauts et des insécurités. Personne n’est parfait et il n’y a pas lieu d’en avoir honte. »
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