Le mouvement body-positive semble avoir zappé nos culottes: de plus en plus de femmes célèbres la vulve parfaite, qui — scoop — n’existe que dans les fantasmes d’une société qui prône la jeunesse à tout prix. Une gynécologue nous donne son avis sur ces nouveaux critères de beauté qui sévissent sous la ceinture.
Il y a quelques jours, l’influenceuse Maeva Ghennam a créé la polémique en se vantant d’avoir eu recours à des solutions médicales pour rajeunir son vagin afin qu’il ressemble à celui… d’un enfant. Des propos qui ne passent pas. La jeune femme de 24 ans a eu recours à de la radiofréquence et de la mésothérapie sans injection. “Ça rajeunit le vagin, c’est trop bien. Je trouve que c’est super important d’avoir un beau vagin. J’ai vraiment de la chance. Je n’ai pas les lèvres qui dépassent”. Quand on sait que la jeune femme est suivie par plus de 3,2 millions d’abonnés sur Instagram, on imagine sans peine l’influence de ces propos sur des jeunes femmes, avides de nouveaux complexes. Alors finalement, ça existe la “vulve parfaite”? Qu’est-ce que ça change de faire une cure de jouvence à son minou? Pourquoi cette hype autour des opérations de la vulve?
On a voulu le savoir et on a posé nos questions sans tabou, à Marine Guisset, gynécologue.
De nombreux articles évoquent des « rajeunissement » du vagin et de la vulve, mais au final, qu’est-ce qu’un vagin ou une vulve jeune ? La forme de notre vulve évolue-t-elle véritablement au fil des années ?
« Commençons par le vagin : puisqu’il s’agit d’un muscle, il a tendance à s’atrophier avec l’âge. Une femme de 60 ans par exemple aura en principe une sexualité moins importante qu’à 30 ans : les fibres musculaires se détruisent progressivement et ramollissent plus facilement avec l’âge. C’est pire après un accouchement par voie basse où les fibres sont alors très distendues. Toutes les femmes qui ont accouché ont d’ailleurs une béance vaginale.
Ce qui évolue également, c’est la lubrification : plus on va vers la ménopause, plus la lubrification diminue. Cet aspect est quant à lui lié aux hormones.
Au niveau de la vulve, c’est exactement comme la peau du visage. Elle devient plus flasque avec l’âge. Les grandes lèvres et les petites lèvres deviennent moins ferme comme un vieillissement de peau classique.
On remarque une hypertrophie des petites lèvres après une grossesse : les petites lèvres prennent du volume dû à la progestérone. Et cette hypertrophie a tendance à perdurer après l’accouchement et parfois à vie. »
Mais c’est quoi finalement une vulve « parfaite » en termes de standards de beauté ? Quelles en seraient les mensurations et la forme?
« Ce qui détermine la ‘vulve parfaite’ actuellement, en termes de critères de beauté, c’est l’absence visuelle de petites lèvres. Ce sont ces petites lèvres qui font que les vulves sont toutes différentes : sans ces petites lèvres, nous aurions quasiment toutes le même sexe. Ce qu’il faut savoir, c’est que cette absence de petites lèvres concerne une très fine minorité. La plupart des femmes en ont des visibles.
Selon mon expérience personnelle de praticienne, je dirais que 3% des femmes ont des petites lèvres invisibles. Or, ces petites lèvres ont une réelle fonction, donc ne pas en avoir est un désavantage.
Elles referment l’orifice vaginal. Avant une grossesse, il est en principe bien fermé. Ensuite, les femmes qui ont accouché souffrent de béances vaginales et c’est là que les petites lèvres ont toutes leur importance. Sans elles, l’oxygène rentre dans le vagin et cet apport d’oxygène peut amener une prolifération de bactéries indésirables, ce qui peut entraîner mycose ou vaginites.
Ce qui détermine la perfection de la vulve, telle que la société la conçoit, c’est aussi sa couleur. La pigmentation est plus prononcée au fur et à mesure qu’on vieillit. C’est comme les alvéoles mammaires d’ailleurs. Après les accouchements, on remarque que les mères ont des alvéoles mammaires plus foncées. »
On voit finalement très peu de vulves quand on grandit en tant que femmes. D’où nous viennent alors ces critères ?
« On veut ce qui est rare tout simplement. Ça vaut pour tous les critères de beauté en général. De plus, la société recherche la jeunesse éternelle. On veut revenir à un corps de gamine et cette vulve sans petites lèvres incarne la jeunesse. Car c’est entre 16 et 18 ans, que les petites lèvres deviennent apparentes chez toutes les femmes. La société prône la beauté des corps infantiles. »
La forme de la vulve et du vagin peut-elle modifier notre plaisir et/ou celui de notre partenaire ?
« La forme d’une vulve ne change rien à votre plaisir ni à celui de votre partenaire. Par contre, si les petites lèvres sont hypertrophiées, ça peut devenir un problème lors de la pénétration. La distance entre l’orifice vaginale et le clitoris peut aussi influer légèrement le plaisir dans le sens ou plus la marge entre les deux est faible, plus il est facile de stimuler son clitoris pendant la pénétration et donc plus simple d’atteindre l’orgasme (qui est toujours clitoridien, même si vaginal).
Par contre, ce qui influe, c’est la tonicité de votre vagin, qui ne va pas influencer l’orgasme en tant que tel mais bien le plaisir ressenti par les deux partenaires. Plus un vagin est distendu, moins on ressent les sensations. Idem pour l’érection de l’homme : plus le sexe est tonique, plus vous ressentirez du plaisir. »
Toutes les vulves sont parfaites, c’est un message que nous prônons chez Flair. Mais quand faut-il s’inquiéter ? Comment savoir si on souffre effectivement d’une anomalie ?
« Si il y a une gêne dans la vie quotidienne. Il peut arriver que vos petites lèvres se faufilent en dehors de votre culotte et vous fasse mal si vous roulez à vélo par exemple. Ou si les petites lèvres rendent la pénétration difficile et que vous devez manuellement les enlever à chaque fois. »
Peut-on concrètement faire des choses pour que notre vulve et notre vagin restent jeunes le plus longtemps possible ?
« Pour la vulve, on ne peut pas faire grand-chose en terme de techniques non-invasives. Vous pouvez par contre tonifier votre vagin grâce à des cures de boules de Geisha par exemple. Des cures de 6 semaines tous les 4-5 mois, surtout si vous avez déjà eu un enfant. »
Que pensez des cosmétiques pour la vulve dont on entend de plus en plus parler ?
« C’est du bullshit selon moi. C’est comme les crèmes pour la peau, ça peut prévenir mais ça ne peut jamais empêcher le vieillissement. Et vu que c’est pour la vulve, les différences sont trop subtiles pour que ça soit visible. »
Constatez-vous une augmentation des demandes pour des lipoplasties ?
« En effet, pas une semaine ne passe sans que je reçoive des demandes à ce propos. La grande majorité du temps, les inquiétudes de mes patientes sont totalement injustifiées et infondées. Je fais de mon mieux pour les rassurer à ce propos et leur expliquer l’importance des petites lèvres. Il y a beaucoup de marketing à ce sujet et des chirurgiens plastiques se font beaucoup d’argent grâce à ces opérations. »
Quels sont les critères requis pour avoir accès au remboursement de la mutuelle ?
« Il faut qu’il y ait une gêne lors des rapports, lors de la marque, etc. Mais il n’y a pas de critères définis de taille par exemple. »
Comment se déroule l’opération ?
« Elle se fait sous anesthésie générale à l’hôpital de jour. Les effets post-op sont assez douloureux et ce pendant une dizaine de jours. Il y beaucoup d’hématomes et les relations sexuelles sont bien sûr déconseillées entre 6 à 8 semaines après l’opération. Concrètement, le chirurgien va tirer sur la petite lèvre le plus possible et couper la pointe de ce triangle le plus ras possible, avec un ciseau. »
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