La capitaine des Red Flames, Tessa Wullaert, a appris à ignorer ses détracteur·rice·s et à s’accepter comme elle est.
Elle est bien dans ses baskets. Sur le terrain, en tant qu’attaquante de haut niveau, mais aussi en dehors où elle est souvent sous le feu des critiques. Entretien plein de bienveillance avec Tessa Wullaert, capitaine des Red Flames, alors en pleine Coupe du Monde de football féminin.
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Qui est Tessa Wullaert ?
Elle a commencé le football à 5 ans et est devenue joueuse professionnelle à 22 ans. Elle a intégré les meilleures équipes de Belgique et a joué aux Pays-Bas, en Allemagne et en Angleterre.
Son palmarès sportif est impressionnant: Tessa a remporté le premier « vrai » Soulier d’Or belge féminin, en tant que meilleure joueuse belge de football en 2016. Un prix qu’elle a depuis obtenu deux autres fois. Elle a joué deux fois la finale de la Champions League et gagné la FA Cup et la WSL Cup. Elle a également été championne d’Allemagne à deux reprises et a remporté la Coupe d’Allemagne trois fois.
Elle est capitaine des Red Flames depuis 2019 et a marqué 75 goals pour l’équipe féminine belge de football. Cela fait d’elle la meilleure butteuse de tous les temps et elle a d’ailleurs marqué autant de goals à l’international que Romelu Lukaku. Depuis l’année dernière, elle joue à Fortuna Sittard, aux Pays-Bas, car elle souhaitait se rapprocher de son compagnon, Mathias.
Je sais qu’il faut parfois mettre de l’eau dans son vin, mais je refuse de plier face aux critiques.
Tessa Wullaert, 30 ans est peut-être la plus grande star que le football féminin ait jamais connue. Depuis huit ans, elle est joueuse professionnelle dans un sport où beaucoup demeurent amateurs·rice·s, a remporté trois Souliers d’Or, disputé deux finales de la Coupe des Champions, une coupe FA en Angleterre, et présente des statistiques de jeu impressionnantes. Autant dire qu’elle a amené le football féminin belge à compter sur la scène internationale. Et pourtant, Tessa l’affirme: « Que l’on m’aime ou qu’on me déteste, ça me va. Pour moi, s’aimer soi-même, c’est arriver à être en paix avec qui l’on est. Non seulement concernant son apparence, mais aussi quant à la manière dont on vit sa vie. Je sais que je possède un caractère fort, qui n’est pas toujours apprécié, mais je m’en fiche. Pour moi, l’amour-propre, c’est ça. Pouvoir dire, je suis qui je suis et ça me va. Même s’il est parfois nécessaire de mettre de l’eau dans son vin, notamment dans ses relations amoureuses, comme je l’ai compris avec l’âge. Mais je refuse par contre de plier face aux critiques. »
D’où vous vient votre caractère bien trempé?
« Je le dois à mon père, qui est encore plus extrême que moi (rires). Mais aussi à tout ce que j’ai dû affronter au cours de ma carrière. Les gens adorent critiquer. Je refuse d’aller à l’étranger, je n’ai pas l’esprit d’équipe, je suis mesquine, car je ne me rends pas à la cérémonie du Soulier d’Or… J’ai déjà tout lu à mon sujet. Les gens oublient parfois que je suis peut-être dure sur le terrain, mais que, hors de celui-ci, je suis un être humain. Mes amis se demandent comment j’arrive à supporter tout ça. Je n’ai pas le choix. Et c’est aussi un principe inscrit dans notre caractère national, nous trouvons les outsiders sympathiques et les soutenons, mais dès qu’ils s’améliorent, les critiques fusent. J’ai parfois l’impression d’être plus appréciée à l’étranger qu’ici. Au fil des ans, j’ai développé une carapace. C’est dommage que cela doive se passer ainsi, mais je connais des filles qui n’y parviennent pas et arrivent alors sur le terrain remplies de doutes et leur jeu en pâtit. Je refuse que cela se produise. »
Comment parvenez-vous à mettre cela sur off?
« Je ne suis pas de nature à me soucier de l’opinion des autres. Il arrive que certains commentaires me restent en tête, mais alors je me défoule un bon coup, puis je demande l’avis de mon entourage. Par contre, j’ai vraiment l’esprit d’équipe. Je ferai toujours une passe et je tiens à ce que toute l’équipe s’en sorte bien, mais je veux également gagner et c’est pour ça que je suis dure avec moi-même, comme avec mes coéquipières. Toujours se donner à 120 % et être performante, c’est ce que j’attends de chacune. Et je le dirai donc en face à la personne si je pense que ce n’est pas le cas. Je sais que cela peut sembler agressif, mais c’est comme ça, je suis cash. »
Avez-vous toujours été ainsi?
« Cela s’est bien sûr encore développé sur le terrain, mais oui, c’est un trait de caractère qui est là depuis que je suis petite. La deuxième place ne m’a jamais suffi. J’ai toujours voulu être la meilleure, y compris à l’école. Et chaque fois qu’il est question de rivalité, mon esprit de compétition se réveille. Même s’il s’agit d’une partie de jeu de société ou de pétanque. C’est plus fort que moi. Et cette part de ma personnalité m’a conduite là où je suis aujourd’hui, alors pourquoi devrais-je mal le vivre? »
Vous avez aussi affirmé: « Je dis ce que je pense. Je me fais toujours passer en premier et je ne me sous-estimerai jamais. » Il arrive que l’amour-propre soit considéré comme une forme d’égoïsme. Qu’en pensez-vous?
« C’est vrai. Mais comme je l’ai dit, j’ai appris à faire des compromis, particulièrement dans ma relation. Les gens pensent souvent que je porte la culotte dans notre couple, mais c’est 50-50. Je sais que j’ai une belle vie et de la chance, mais je dois travailler dur pour ça et abandonner beaucoup pour elle. Je réalise de plus en plus que mon bonheur véritable ne réside pas dans le football. Mon amoureux, mon chien et mon entreprise, voilà ce qui me rend vraiment heureuse. »
N’est-ce pas d’une certaine façon étrange pour quelqu’un qui aime tant gagner?
« Peut-être, mais il m’est arrivé d’être vraiment malheureuse à l’étranger. J’avais de grandes ambitions lorsque j’ai commencé en tant que pro. Je voulais d’abord aller en Allemagne, puis en Angleterre, ensuite en Espagne et enfin en Chine, pour gagner de l’argent. Je suis partie en Angleterre, mais le Coronavirus est arrivé. J’étais coincée là-bas et je sentais vraiment à quel point j’aurais été plus heureuse ici. Je ne vivais pas 100 % mon séjour sur place, alors que c’était le but. J’ai donc décidé de prendre du recul et de revenir jouer en Belgique. Et vu que je me sentais mieux dans ma peau, j’en suis même devenue plus performante en équipe nationale. C’était à mes yeux la preuve qu’il était essentiel que je puisse avoir une belle vie en dehors du terrain. Certains pensaient que j’abandonnais ma carrière pour mon compagnon, mais plus que le choisir, je me suis surtout choisie moi-même. C’est ça le vrai amour-propre, non? »
Après deux ans en Belgique, vous jouez à nouveau aux Pays-Bas.
« En Belgique, presque aucune femme n’est professionnelle, tout le monde combine sa carrière sportive avec un autre emploi ou des études, et nous ne nous entraînons que le soir. La footballeuse passionnée en moi aspirait à plus de défis. Aux Pays-Bas, nous sommes toutes des pros, l’environnement est top et je suis à la maison deux jours par semaine. C’est un bon compromis. »
Comment ça ?
« Je ne sais rien faire à moitié. J’ai récemment passé un test de personnalité et cela l’a confirmé. J’ai vécu à 200 % pendant des années. À l’étranger, je misais tout sur le foot et puis je rentrais en Belgique trois à quatre jours par mois et je prévoyais mille choses en termes de vie sociale et de tâches à accomplir. Je ne connaissais pas les jours de repos. Je planifiais tout, mais ce n’était pas sain. »
Au fil des ans, j’ai développé une carapace. C’est dommage, mais si j’arrive sur le terrain remplie de doutes, mon jeu pourrait en pâtir.
Qu’est-ce qui vous a amenée à sentir que c’était trop?
« Je finissais par être souvent de mauvaise humeur. Et, quand j’avais du temps libre, je ne pensais qu’à ce que je devais encore accomplir. C’est pour cela qu’il est important que je m’accorde de vraies pauses. Tout est question de trouver un équilibre. »
Et puis il y a votre entreprise GRLPWR.
« Je l’ai fondée durant ma période à Anderlecht. J’avais du temps libre pendant la journée et toujours rêvé d’être entrepreneuse. Je travaille à ma vie après le football et cette entreprise s’inscrit dans cette idée. J’organise désormais des stages de foot et des camps pour les jeunes filles et j’ai sorti une gamme de produits. À mes yeux, GRLPWR représente le plus beau du sport: pas de concurrence, de compétition, d’épreuves et de besoin de performer, mais des enfants qui jouent ensemble et apprennent quelque chose tout en s’amusant. »
Êtes-vous un modèle pour ces jeunes filles ?
« Je trouve que c’est un terme compliqué. Cela implique d’être au-dessus d’elles d’une certaine manière et je ne le vois pas comme ça. Je veux plutôt être une facilitatrice et offrir à ces enfants une plateforme où elles peuvent s’entraîner ensemble, s’amuser et échanger des idées. Où elles apprendront qu’elles peuvent rester fortes et suivre leur propre route. Elles aiment ça et cela me rend heureuse. C’est du gagnant-gagnant. »
De quoi rêvez-vous aujourd’hui?
« De profiter de la vie. Conserver ma famille telle qu’elle est maintenant. Partir vivre à l’étranger. Avoir plus de chiens. Peut-être travailler dans un refuge pour chiens errants. Des rêves simples, en fait. »
Quand j’avais du temps libre, je ne pensais qu’à ce que je devais encore accomplir. Il est important que je m’accorde de vraies pauses.
Et pour le football?
« Tout ce qui viendra maintenant sera du bonus, je n’ai plus de grand rêve. Une Coupe du Monde serait formidable, mais j’ai déjà fait face à la déception de ne pas y être cette année. J’ai une vie variée et stimulante, je rencontre des gens, je fais des activités amusantes… Je ne peux pas imaginer que quoi que ce soit puisse me donner plus de satisfaction ou de plaisir professionnel que le football. J’aime toujours en faire et je reste douée dans mon domaine. Tant que ça durera ainsi, je continuerai. »
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