Pendant des années, Shannon, 30 ans, s’est sentie perdue et a développé des troubles alimentaires. Aujourd’hui, elle a le sentiment d’avoir entamé une nouvelle vie.
« Pour mon entourage, j’ai toujours été la fille timide qui souriait toujours, mais en grandissant, mon sourire est devenu une sorte de masque derrière lequel je me cachais anxieusement. La recherche de qui je suis a commencé pendant mon enfance. J’ai été élevée de façon assez stricte et je faisais tout pour plaire à mes parents autant que possible. Je suis donc devenue une sorte de caméléon qui s’adapte aux autres et qui se regarde rarement. J’ai eu beaucoup de mal à savoir ce que je voulais, et encore plus qui j’étais. Je me sentais extrêmement perdue dans ce monde et, durant des années, j’ai eu l’impression, à chaque seconde, de ne pas savoir ce que je faisais sur cette planète. Plus je grandissais, plus ce sentiment se faisait sentir. J’étais convaincue que la vie n’était pas faite pour moi et je devenais de plus en plus dure avec moi-même. C’est comme ça que j’ai développé un trouble alimentaire vers 13 ans.
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Je ne savais plus qui j’étais. Mon trouble alimentaire était devenu mon identité.
Garder le contrôle
D’un côté, je voulais être aussi invisible que possible, mais en même temps, je voulais que l’on me voit. C’est pourquoi à partir d’un certain âge, je n’ai porté que des vêtements noirs. Un style vestimentaire simple derrière lequel je pouvais me cacher. Le noir m’apportait à la fois une image neutre, mais aussi l’image d’une personne plus forte, alors qu’en réalité, je menais un combat sans fin contre moi-même. À l’époque, mon trouble alimentaire était à peu près la seule chose qui me permettait de me contrôler. Je niais catégoriquement mon anorexie, mais elle avait une emprise sur moi et prenait de plus en plus de place dans ma vie. Il restait de moins en moins de Shannon. Nous vivons dans une société où nous attendons mille et une choses les uns des autres. Vous devez entrer dans tellement de cases qu’il est presque impossible de découvrir qui vous êtes. Et si vous n’entrez pas ou pas complètement dans ces cases, qui êtes-vous? Parfois, j’avais l’impression d’être dans un labyrinthe dont je ne trouvais pas la sortie. Non seulement, j’avais perdu du poids de manière visible, mais ma personnalité également avait changé. Le besoin de contrôle est devenu plus fort que jamais et dans ma tête, il n’y avait de place pour rien d’autre. Je me suis tellement égarée que j’ai développé de nombreuses peurs et insécurités et que mon monde s’est rétréci. Je n’avais plus aucune idée de qui j’étais sans l’anorexie. C’est comme si mon trouble alimentaire était devenu mon identité.
Nouveau chapitre
Jusqu’à il y a 3 ans, c’était malheureusement ma réalité, mais grâce à diverses admissions et thérapies, le vent a commencé à tourner. L’écriture et le bénévolat dans un refuge sont devenus des soupapes de décompression, me permettant de me connecter pour la première fois à moi-même et me donnant l’espace nécessaire pour m’épanouir. Ce fut un chemin d’essais et d’erreurs, mais après des années de survie, je me sens vivante et non plus survivante. J’ose enfin me montrer telle que je suis et je ne suis définitivement plus la fille timide que j’étais. J’aime même perdre le contrôle et je suis devenue une personne très chaotique, ce que je n’aurais jamais pu imaginer avant. J’ai l’impression d’avoir entamé une nouvelle vie, un nouveau chapitre dans lequel je peux enfin être moi-même et, surtout, avoir le droit d’être moi-même. Je suis la personne que je devais être depuis toujours, je suis de plus en plus moi et c’est un soulagement qui apporte un intense sentiment de liberté. À tous ceux qui sont sur une mauvaise voie ou qui semblent s’être égarés: n’ayez pas peur de vous chercher. Partez en exploration et ne vous laissez pas abattre. Osez vous tourner vraiment vers l’intérieur. Osez écouter vos sentiments et entrez dans le monde en toute honnêteté et vulnérabilité. C’est là, je crois, que vous trouverez la connexion, non seulement avec vous-même, mais aussi avec les autres. »
Texte de Marijke Clabots et Amandine de Harlez
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