FAUT QU’ON PARLE: pourquoi est-ce toujours la victime d’une arnaque qui se fait lyncher?
Qui n’a pas entendu parler de cette quinquagénère qui s’est faite arnaquer par un faux Brad Pitt? Diffusée ce week-end sur TF1, la chaine a depuis été contrainte de supprimer le replay de l’émission sur son site. En cause, une vague de haine à l’encontre de la victime.
Vous avez sûrement entendu parler de l’histoire qui a fait le tour du web en un rien de temps. Celle de Anne, une quinquagénaire divorcée habitant à l’île Maurice, qui a subi une arnaque de haut vol. En effet, ses arnaqueurs ont réussi à lui subtiliser pas moins de 830.000€. Si l’histoire peut faire sourire, tant elle semble absurde, elle est pourtant dramatique. Suite à cette histoire, Anne a tenté de mettre fin à ses jours plusieurs fois et se retrouve internée pour dépression sévère. Sur les réseaux, une vague de moqueries et de haine ont poussé la chaîne à retirer le reportage de son site. Mais pourquoi est-ce la victime qui subit la haine des téléspectateurs, plutôt que les arnaqueurs ?
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La victime mise en faute
En partageant son histoire, Anne pensait tirer la sonnette d’alarme sur les arnaques du genre qui se multiplient. En effet, avec le développement de l’intelligence artificielle, il est de plus en plus facile de se faire passer pour quelqu’un d’autre. Et si pour beaucoup, cette femme est qualifiée de naïve, elle n’en reste pas moins une victime.
C’est l’effet inverse qui s’est malheureusement produit suite au reportage. On a pu voir sur les réseaux émerger tout un tas de vidéos et de commentaires se moquant de la crédulité de Anne, sans jamais une seule fois mettre en cause les personnes derrière le scam. Pire encore, certain·e·s vont même jusqu’à l’insulter. La haine est telle que TF1 a préféré retirer l’émission de toutes ses plateformes. Ils se sont d’ailleurs exprimés : “Sept à Huit est une émission d’information qui traite avec neutralité de problèmes de société. Le reportage diffusé ce dimanche a suscité une vague de harcèlement à l’encontre d’un témoin. Pour la protection des victimes, nous avons décidé de le retirer de nos plateformes.”
Suite à toute cette histoire, plusieurs questions nous viennent: “Vit-on dans un monde où la naïveté est plus condamnable que de voler l’identité d’une personne pour s’emparer de la fortune d’une autre?” “A-t-on à ce point perdu notre humanité? Notre empathie?” “Comment peut-on se moquer d’une telle détresse?”
Dans une vidéo, Anne s’est exprimée après l’émission. Elle affirme que des passages ont été coupés au montage et se montre très fâchée contre la chaîne, qui la fait passer pour une personne qu’elle n’est pas. Elle admet s’être fait avoir, bien qu’elle ait douté de nombreuses fois : “Vous ne savez pas de quoi vous parlez! Lorsque vous entendez des paroles d’un homme que vous avez toujours voulu entendre et que vous n’avez jamais entendue de votre mari, oui, on tombe dedans”.
@thy.la.ne À la suite de la diffusion du reportage d’Anne sur son témoignage dans l’escroquerie de l’affaire Brad Pitt dans laquelle elle a perdu 840 000 €. Anne revient sur le harcèlement qu’elle subit à la suite de la diffusion du reportage sur la chaîne légende.#Anne #brad #bradpitt #7a8 ♬ son original – thy.la.ne
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Un cas similaire en Belgique
Pourtant, la technique n’est pas nouvelle. Déjà en 2013, en Belgique, RTL diffusait un reportage dans son émission “Images à l’appui“. On y voyait Nicole, qui racontait avoir été victime d’une arnaque qui lui avait coûté des milliers d’euros. En effet, avec des techniques moins élaborées, des personnes avaient usurpé l’identité d’Elio di Rupo, et avaient fait croire à la naissance d’une romance avec la femme. Le faux homme politique avait promis à Nicole qu’ils se marieraient, et l’histoire avait interpelé, déjà à l’époque.
C’est une amie de la victime qui a réussi à lui ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle ne perde toutes ses économies. Suite à cette histoire, l’homme politique (le vrai) l’avait rencontrée et lui avait adressé son soutien. Une petite consolation, pour la quinquagénère endettée.
Et nous alors ?
Alors oui, l’histoire peut faire sourire, mais peut-on compter combien de fois on n’a pas failli tomber dans le panneau d’un appel qui nous annonce qu’on a des factures impayées, un compte Paypal à rembourser (alors qu’on n’en a pas…) ou encore qu’on a gagné au Lotto sans y avoir joué (bon ok, j’exagère peut-être). J’ai plusieurs fois supprimé des mails en pensant qu’il s’agissait de spam. Je n’ose plus répondre aux numéros que je ne connais pas, je suis bien trop naïve aussi, et j’ai plusieurs fois dû appeler la banque de mon papa, parce qu’il pensait s’être fait arnaquer par téléphone.
Finalement, les gens à blâmer ne sont pas les victimes, qui se sentent déjà bien assez ridicules comme ça, mais plutôt les arnaqueurs, dont l’inventivité monte toujours d’un cran. Et si on commençait plutôt par féliciter Anne d’avoir oser prendre la parole, en sachant les répercussions que cela pourrait avoir. Souligner l’audace de s’exposer de cette manière, et de vouloir tout de même partager sa mauvaise expérience pour mettre en garde les potentielles futures victimes. Et si on misait un peu plus sur la bienveillance entre nous, plutôt que d’opter pour la moquerie, bien plus facile ?
Ça n’arrive pas qu’aux autres
C’est sûr qu’une fois que l’on connait l’arnaque, il nous semble évident qu’on ne tomberait pas dans le panneau. Mais lorsque l’arnaque est “nouvelle”, rien n’est moins sûr. Lorsque j’étais moi-même étudiante il y a quelques années et à la recherche d’un job, je suis tombée sur une annonce pour le job de rêve, super bien payé. J’envoie ma candidature, on me rappelle, et s’en suit un aller-retour d’appels, où je dois contacter le recruteur, sur un numéro payant. Vous voyez l’arnaque arriver, je suis méfiante mais j’y vais, on me promet que ce sera rapide. Ça ne l’est pas, il y a toujours des excuses pour me garder au téléphone. Je raccroche plusieurs fois, ils finissent pas me recontacter, après une dizaine de minutes au téléphone, je me rends compte de la supercherie et je coupe court. Je finis toutefois avec une belle note de 150€ de téléphone, et pourtant, je me considère comme “au courant” de ce type d’arnaques. La pauvre étudiante fauchée que je suis est révoltée, mais trop gênée pour en parler et admettre que je me suis faite avoir comme une débutante.
J’aurais aimé avoir le courage d’Anne afin d’avertir d’autres personnes de l’existence de cette arnaque. Alors oui, comme beaucoup, l’histoire de l’arnaque du faux Brad Pitt m’a d’abord fait sourire et m’a sidérée. Finalement, je remercie et je félicite Anne d’avoir eu le courage de prendre le parole pour dénoncer ce genre de pratiques.
Que faire en cas d’arnaque?
Si vous aussi, vous pensez être victime d’escroquerie, osez en parler, coupez les points au plus vite, et demandez de l’aide. Contactez directement votre banque si vous avez un doute. Ce n’est pas honteux de tomber dans le panneau. Ces arnaqueurs sont doués et savent comment créer un climat de confiance ou justement, de crainte. Conservez un maximum de documents et portez plainte. Ne vous sentez pas honteux ou honteuse, ça peut arriver à tout le monde !
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