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FAUT QU’ON PARLE: depuis quand on risque 20 ans de prison quand on sauve 1000 vies?

Kathleen Wuyard

Elle s’appelle Pia Klemp, elle a 35 ans, et cette capitaine de bateau allemande risque aujourd’hui 20 ans de prison. Son “crime”? Avoir aidé à sauver plus d’un millier de migrants d’une mort certaine en Méditerranée. Contre la loi, certes, mais cela ne rend pas son procès plus juste pour autant.


En compagnie d’autres membres de l’ONG allemande « Jugend Rettet », Pia fait aujourd’hui l’objet d’une enquête en Italie, et est accusée de collusion avec des passeurs libyens ainsi que d’assistance à l’immigration illégale. Il faut dire que plutôt que de laisser des migrants se noyer à bord de leurs rafiots de fortune surpeuplés, Pia a choisi de prendre part à une dizaine d’opérations de sauvetages en mer. Une décision qui pourrait aujourd’hui lui valoir jusqu’à 20 ans de prison. Tant pis, après tout, elle n’avait qu’à respecter la loi, non? Non, surtout pas.

Route migratoire meurtrière


Pour info, depuis 2015, plus de 17.000 migrants sont morts ou ont été portés disparus en Méditerranée, dont 14587 rien qu’entre la Lybie et l’Italie, ce qui lui vaut le triste record de “route migratoire la plus meurtrière au monde” selon l’Organisation internationale pour les migrations. En 2018 seulement, plus de2.260 migrants ont trouvé la mort en Méditerranée. Noyés, comme leurs rêves d’un futur meilleur loin de pays en guerre ou ravagés par la pauvreté. Et ce, alors même que Pia et d’autres bénévoles patrouillent les mers pour venir en aide aux migrants en détresse. Seulement voilà, il y a trop de rafiots, pas assez d’ONG, et puis la menace des garde-côtes italiens qui voient cette coopération d’un très mauvais oeil. La preuve, puisque Pia Klemp est accusée de collaborer avec les passeurs. Ou comment accuser de traite d’être humains quelqu’un qui fait preuve d’humanité: le refrain est malheureusement connu en Belgique aussi.

En savoir plus: Faut qu’on parle: quand la solidarité devient un délit

Bien sûr, nul n’est supposé ignorer la loi, encore moins l’outrepasser, et ceux qui s’y refusent doivent être punis, mais il y a des limites tout de même. Le vandalisme est un délit, est-ce que ça veut dire du coup que si on aperçoit un animal, ou pire, un bébé oublié dans une voiture surchauffée, il faut le laisser mourir plutôt que de briser la vitre?

Imaginez un instant un monde où “La Liste de Schindler” ne raconte pas l’histoire poignante d’un héros, mais dénonce plutôt les crimes d’un hors-la-loi qui a eu l’audace de cacher des Juifs alors que c’était interdit. D’ailleurs, tant qu’à faire, tous les “Justes” qui leur sont venus en aide sont passés par la case prison en remerciement des risques qu’ils ont pris pour sauver la vie d’innocents. Incroyable, impossible, inimaginable? Peut-être, mais est-ce si loin finalement de la situation dans laquelle se trouve Pia Klemp aujourd’hui? C’est vrai que les circonstances ne sont pas les mêmes: l’Italie n’est pas aux prises du régime totalitaire nazi. C’est une démocratie, et c’est peut-être pour ça que la nouvelle est tellement pétrifiante: si cette capitaine qui a sauvé des milliers de vie est condamnée, c’est la justice, la vraie, qui boira la tasse. Parce que la justice, donc, ce n’est pas qu’une question de lois: c’est faire ce qui est juste. Empêcher la mort inutile d’innocents, par exemple.

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