JULIEN DORÉ: ““J’aime me dire que ceux qui partent se sont juste absentés d’un endroit””
Julien Doré s’autorise tout, même un album de reprises (Imposteur), qui inclut sa version des crocodiles, indémodable comptine pour enfants. Peu importe où il nous embarque, on le suit, les oreilles et les yeux grands ouverts. La preuve, ses concerts chez nous sont quasiment sold out.
La dernière fois que nous nous sommes parlés, c’était pour annoncer les concerts que vous donnerez en 2025. Vous m’aviez dit à l’époque que vous ne prépariez pas de nouvel album. Et pourtant, vous voilà avec “Imposteur”.
« C’est vrai. Je n’avais pas du tout prévu de sortir d’album. Je travaille depuis un moment sur ce projet de reprises, mais je ne savais pas si j’allais aller au bout, si ce serait assez intéressant. Quand on s’est parlé la dernière fois, tout ce que je voulais, c’était créer un spectacle de fou, une mise en scène qui créerait la surprise. Et puis, tout en bossant sur cette tournée, je me suis retrouvé à enregistrer 1,2,3… 50 reprises. J’ai compris que ce projet serait intéressant parce qu’il ne s’agirait pas uniquement de faire des reprises, mais surtout de revenir sur mon parcours. Raconter comment, par le plus grand des hasards, j’ai passé un casting il y a 17 ans qui me permet aujourd’hui de jouer dans de grandes salles de concerts. »
Lire aussi: PIERRE GARNIER:“Je suis un vieux dans un corps de jeune”
Chaque chanson à une signification particulière?
« Oui. Elles sont liées à un souvenir de l’enfance, de l’adolescence, de l’âge adulte. Pas uniquement les miens, les vôtres aussi. On a tous un souvenir sur Les démons de minuit ou Toutes les femmes de ta vie des L5. La nostalgie, selon moi, c’est le souvenir. Pas le fait de se réfugier dans le passé, comme si c’était une grosse couette, parce qu’on a tellement peur du futur. Ça, ça peut être dangereux. »
Quel est le morceau qui vous ramène au souvenir le plus fort?
« Cuitas les bananas. Je me souviens d’avoir été acheter le single à l’Intermarché du coin quand j’étais gamin. Il est toujours dans mon studio dans le Sud. Et puis, Les yeux de la mama, qui est devenu un titre extrêmement intime puisqu’on y entend la voix de ma mère. »
Vous avez perdu votre maman il y a un peu plus de 2 ans. Ça vous réconforte de pouvoir encore entendre sa voix?
« Oui. Mettre sa voix dans l’introduction de ce morceau, ce n’était pas impudique de ma part, c’était ma façon de dire à tous les enfants: ‘Faites attention quand vous effacez machinalement les messages de votre mère sur votre téléphone’. Car, du jour au lendemain, vous pouvez vous réveiller et avoir oublié la voix de votre mère. Parce que le temps passe. Parce qu’elle s’est absentée. Là, j’ai gravé sa voix pour toujours. »
Là où d’autres artistes préfèrent se détacher du télé-crochet auquel ils ont participé, moi j’en parle avec fierté .
Quelle jolie formulation que de parler de l’absence de votre mère.
« Attention, j’ai tout à fait conscience qu’elle ne reviendra pas, mais c’est vrai que je trouve cette formule plus belle. Car, finalement, on a tous un point commun. Quoi qu’il arrive, nous avançons tous vers une fin, vers ce dernier rendez-vous. Donc, j’aime me dire que, ceux qui partent, se sont juste absentés d’un endroit. »
En chantant des reprises, vous faites aussi un clin d’œil à vos débuts dans Nouvelle Star. Que vous inspire cette époque?
« De la joie, des bons souvenirs. Je ne suis pas certain que j’en serais là où j’en suis si je n’avais pas fait Nouvelle Star. Je dois beaucoup à ceux qui ont regardé, qui ont voté 7 pour Julien. J’ai beaucoup de respect pour cette chance qui m’a été donnée et pour l’amour que je reçois depuis qu’on m’a fait gagner cette émission. C’est ma naissance médiatique. J’ai appris beaucoup de choses artistiquement parlant grâce à ce programme. Là où d’autres artistes préfèrent se détacher du télé-crochet auquel ils ont participé, moi j’en parle avec fierté et plaisir. »
Avec un bagage comme le vôtre, vous avez encore le sentiment d’être un imposteur?
« Ce syndrome de l’imposteur, il agit chez moi comme une piqûre de rappel, quelque chose de positif qui me permet de me remettre en question, d’avancer, de réfléchir à ce que je propose. L’imposture me booste, elle m’aide à créer. Car, je pense que si je proposais constamment la même chose, les gens s’en iraient. J’ai envie de me prouver, et de prouver aux gens, que je n’ai pas volé ma place. Si tout venait à s’arrêter, je voudrais pouvoir être fier de ce que j’ai proposé, d’avoir pu donner du plaisir aux gens qui m’écoutent, de m’être amusé, d’avoir présenté mon univers, mes couleurs. Pour le reste, c’est le public qui décide. Le résultat des choses ne nous appartient pas. »
Vous reprenez aussi une comptine pour enfants, “Ah les crocodiles”. Pour votre fils ou plutôt pour vous-même qui êtes encore un grand gamin?
« En devenant papa, je suis devenu plus responsable et, dans le même temps, j’ai encore plus envie de m’amuser comme un gamin, d’aller piocher des trucs dans l’enfance. J’avais aussi repris le générique de “Pat’Patrouille”, mais j’ai laissé tomber car je ne voulais pas non plus faire un album pour enfants. »
Alors que vous êtes d’un naturel plutôt discret par rapport à votre vie privée, vous avez accepté de parler de votre paternité dans le podcast “Bliss stories”. Pourquoi?
« Parce que je pense que c’est important, dans le monde dans lequel on vit, de transmettre un ressenti, une expérience. Peut-être que mon histoire pourra soulager un jeune papa. Je le vois chez mes amis. À quel point, une paternité approchante peut soulever plein de questions sur le rôle de papa en soi, mais aussi sur le rôle de papa à notre époque. C’était le moment pour moi de partager. »
Et puis, entendre ce genre de témoignage permet de découvrir l’homme derrière l’artiste.
« Oui. Après, je n’ai jamais cherché à sacraliser le rôle de l’artiste. Au contraire. Je montre mes goûts, mes envies et aussi cette chance que j’ai de faire ce que j’aime, c’est-à-dire de la musique. Que ce soit sur scène ou sur mes réseaux sociaux, je montre juste qui je suis. Je pense qu’il n’y a strictement aucune intelligence à jouer un autre rôle. J’ai passé l’âge. »
C’est le public qui décide. Le résultat des choses ne nous appartient pas.
Un mec simple… mais qui s’apprête à jouer devant des milliers de personnes.
« C’est fou. La tournée approche. Je travaille dessus depuis plus d’un an. J’ai hâte de retrouver mon public pour qu’on passe 2 heures ensemble. J’espère leur faire ressentir des choses. Je pense que si les salles se remplissent, c’est parce que les gens qui ont vu mon précédent spectacle savent qu’ils peuvent me faire confiance, qu’ils vivront quelque chose de particulier, d’étonnant. Maintenant, je me dois d’être à la hauteur de cette confiance qu’ils m’accordent. »
Parmi les choses les plus folles qui vous sont arrivées récemment, de quoi êtes-vous le plus fier: d’avoir entendu votre reprise des L5 dans “L’amour est dans le pré” ou que Taylor Swift ait liké l’une de vos stories sur Instagram?
« J’avoue que j’aime beaucoup L’amour est dans le pré. Hier soir encore, je regardais le replay. Donc, entendre ma voix alors que je regarde tranquillement l’émission dans mon canapé, c’est ce qui m’a le plus surpris. J’ai été plus choqué que par le fait que Taylor Swift like ma story (sourire). »
Ça vous surprend encore de vous entendre à la radio, à la télé, dans les magasins?
« Oui. Enfin, ça dépend. Par exemple, des morceaux comme “Nous” ou “Coco Câline”, qui ont été beaucoup diffusés, ça ne m’étonne plus tellement. Par contre, je me souviens très bien de la 1re fois que j’ai vu le clip de “Coco Câline” à la télé. J’étais dans une chambre d’hôtel, pendant ma tournée et j’ai réalisé que ce délire de panda devant des palmiers allait être vu par des millions de gens (rires). »
Imposteur, de Julien Doré (Sony Music) est disponible sur toutes les plateformes d’écoute. En concert le 21/3, 22/3 et 8/11 à Forest National (Bruxelles). Infos et rés.: ticketmaster.be.
Lire aussi:
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici