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TEMOIGNAGE: « Adolescente, je savais que je voulais faire du sexe mon métier »

Zoé Gascoin Rédactrice web

Merel, escort-girl de 32 ans, pense qu’elle a le meilleur métier du monde. S’il y a bien des préjugés sur une profession, c’est celle de travailleuse du sexe. Elle affirme qu’elle est née pour cela. Elle travaille comme escorte depuis un an et ne voudrait pas faire autre chose.

« Si certaines personnes étaient destinées à devenir enseignantes, par exemple, pour moi, j’étais destinée à devenir une travailleuse du sexe. Adolescente, je savais que je voulais faire ce métier un jour. Pour moi, les services offerts et fournis par les travailleurs du sexe étaient un stimulus sexuel que je devais un jour explorer de plus près. Vers 17 ou 18 ans, j’ai posé ma candidature auprès d’une agence d’escorte, mais, lorsque j’ai été invitée à un premier entretien de présentation, je n’ai pas osé franchir le pas.

Le travail du sexe était très éloigné de mon univers. J’ai grandi dans une famille progressiste de gauche, où l’on discutait d’à peu près tout, mais où l’on ne pensait pas non plus qu’il s’agissait d’une option de carrière (rires). J’ai fait ce que l’on attendait de moi et j’ai obtenu une maîtrise en Sociologie, mais l’attraction est restée forte au fil des ans. Ce n’est qu’à l’âge de 21 ans que je suis entrée dans le monde du sugardating, une sorte d’arrangement entre des hommes riches un peu plus âgés et des filles souvent beaucoup plus jeunes qui reçoivent un coup de pouce financier et/ou du matériel en échange d’une compagnie et/ou d’un rapport sexuel. J’ai commencé par ce type d’arrangement parce qu’il s’agit encore d’une zone d’ombre et que je ne m’étais pas encore avouée que je voulais vraiment faire ce travail. J’ai trouvé la situation, non seulement très déroutante, mais surtout extrêmement fatigante.

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Cela exigeait beaucoup de moi sur le plan mental, ne donnait pas grand-chose et, surtout, il y avait une inégalité de pouvoir. Cela m’a fait prendre conscience de ce que je voulais et de ce que je ne voulais pas dans mon métier de travailleuse du sexe. Peu de temps après, j’ai eu une relation sérieuse. Comme mon travail n’était pas négociable pour mon amant, j’ai immédiatement arrêté, mais le travail du sexe était et reste ma passion. Si vous refoulez quelque chose, cela finira par remonter à la surface.

J’y ai toujours pensé et, lorsque ma relation s’est terminée après presque 10 ans, ma première pensée a été: « Je peux enfin devenir escorte. »

300 € de l’heure

Même si j’ai l’impression que c’était écrit dans mes veines, ce n’était pas une décision évidente. Dans ma jeunesse, j’ai été victime d’un viol. Ce genre de chose a un impact, même si je ne pense pas que cela ait été déterminant pour moi. Peu à peu, j’ai remarqué que j’aimais avoir un certain contrôle dans le cadre sexuel. D’une part, cela me guérit et, d’autre part, cela m’excite. Mais, je me suis battue avec cela.

Comment était-il possible que je veuille exercer comme travailleuse du sexe si j’avais été violée?

Il serait probablement plus logique que je ne veuille plus jamais avoir de relations sexuelles, mais, d’après mon thérapeute, cela fonctionne différemment pour tout le monde. J’ai suivi un processus pour accepter ce choix de travail, mais, après la rupture, j’ai finalement cédé au désir qui était tapi en moi depuis si longtemps. À peine 2 semaines plus tard, mon annonce était en ligne. J’ai commencé sous les ailes d’une agence d’escorte. Elle m’a arrangé des rendez-vous avec des clients, mais je me suis vite rendue compte que je pouvais faire mieux moi-même, que je voulais avoir plus de contrôle et que je pouvais demander plus d’argent. Les travailleurs du sexe sont des entrepreneurs!

Je ne ressemble pas à un mannequin, mais j’ai de jolis traits et j’ai compris quelle était ma valeur marchande. Peu de temps après, j’ai commencé à travailler à mon compte et j’ai engagé un photographe pour avoir de belles photos professionnelles. Je voulais me profiler sur le marché, en visant une certaine clientèle, qui est prête à payer plus cher. Actuellement, je facture 300 € de l’heure, hors frais de déplacement. Si les clients réservent 2 heures, ils paient 500 € et, pour 3 heures, ils paient 700 €. Je travaille 3 jours par semaine comme travailleuse du sexe et je gagne en moyenne 8 à 10.000 € bruts par mois. J’ai une société et je déclare tous mes revenus, ce qui fait qu’environ la moitié de ces revenus est perdue, mais cela me laisse quand même un très bon revenu. Je n’ai pas choisi ce travail dans l’intention de gagner le plus de sous possible en un minimum de temps, mais la rémunération qui en découle est bien sûr agréable. Cela me procure une stabilité financière suffisante, ce qui me donne la liberté de m’occuper de mes autres passions.

Respect mutuel

Le travail du sexe est très vaste, mais en tant qu’escorte, vous avez le choix entre les rendez-vous extérieurs et intérieurs. Je ne reçois pas à mon domicile. Je vais, soit chez le client, soit à l’hôtel. Si je rencontre un nouveau client chez lui, je demande toujours à un chauffeur de m’accompagner. Il m’attend ensuite jusqu’à ce que je sois prête. Lorsque je rencontre un client à l’hôtel, je m’y rends seule, car c’est un environnement qui offre beaucoup de contrôle social. Cela n’arrive presque jamais, mais, si je ne me sens pas en sécurité, je m’adresse à la réception et je demande combien de personnes sont inscrites dans une chambre, de sorte que je ne sois pas surprise par la présence de plusieurs personnes.

La sécurité est très importante. Par exemple, je porte une montre connectée sur laquelle je peux activer un bouton d’urgence d’une simple pression. Cela n’a jamais été nécessaire car mes propres critères de sélection offrent toujours la plus grande sécurité. Il y a des escortes qui prennent des rendez-vous exclusivement par téléphone afin d’entendre d’abord la voix du client, mais il arrive qu’il y ait quand même des déceptions. Ce sont des situations que je veux éviter. Pour moi, il s’agit d’un travail pur et je préfère que cela reste aussi professionnel que possible.

Avant de rencontrer de nouveaux clients, j’attends d’eux qu’ils se présentent d’abord par WhatsApp, en indiquant leur nom complet et leur âge. S’ils ne sont pas capables d’écrire des phrases complètes et/ou de s’adresser à moi en tant qu’adultes, j’abandonne. Je m’attends à un respect mutuel et, de plus, en procédant de la sorte, j’exclus un certain type de personnes qui peuvent être plus « borderline ». Je suis cela de près, ce qui renforce mon sentiment de sécurité. Je ne souhaite pas que ça devienne un travail à temps plein pour l’instant et, les 3 jours où je travaille, je vois au maximum 3 clients différents. Entre-temps, je me suis constituée une belle clientèle, si bien que mon emploi du temps est généralement fixé 2 semaines à l’avance. Cela permet d’assurer une bonne relation entre ma vie privée et mon travail.

The girlfriend experience

Avant chaque rendez-vous, j’aime me maquiller, mais je ne laisse personne me dire quels vêtements porter. Il est important pour moi de me sentir bien dans ma peau, que ce soit en jupe courte ou en jeans. Lorsque j’arrive et que le paiement a été effectué, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que les clients passent le meilleur moment de leur vie. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas de limites. Je ne fais pas tout. Le BDSM (abréviation pour divers actes sexuels, y compris le bondage, la domination et la fessée, ndlr) ne m’attire pas. Je propose surtout l’expérience de la petite amie, parce qu’elle correspond le plus à ce que je suis en tant que personne.

C’est à moi de déterminer quel type de relation sexuelle je souhaite avoir et j’aime vraiment trouver quel fantasme réaliser.

Je ne le sais pas toujours à l’avance, à moins qu’il n’y ait une demande perverse spécifique, comme par exemple le fait d’uriner sur moi pendant l’acte. Si je réussis à faire ce genre de chose, je suis presque certaine de revoir le client un jour ou l’autre. Les fantasmes sont extrêmement variés. Par exemple, il y a ceux qui ont un fantasme particulier sur le Loup de Wall Street et qui trouvent immensément excitant de sniffer de la cocaïne sur mes seins. Soyons clairs: je ne le demande pas moi-même, mais je ne vais pas le refuser non plus s’ils veulent se sentir comme Leonardo DiCaprio pendant un moment (rires). D’autres, en revanche, sont avides de contact et veulent surtout être câlinés et/ou ont besoin d’une bonne conversation.

L’affirmation selon laquelle un travailleur du sexe est aussi un thérapeute est vraie. Je rencontre beaucoup de gens qui souffrent de solitude. Il peut s’agir d’hommes célibataires depuis longtemps, mais aussi de personnes qui ne sont pas (suffisamment) satisfaites de leur relation et/ou qui ont certains désirs sexuels avec lesquels elles ne sont pas encore en paix. Ce sont toutes des expériences solitaires et le fait de pouvoir les partager avec une personne extérieure peut être éclairant. Je ne prétends pas être une sainte, mais je me réjouis de pouvoir prendre soin des autres. Parfois, j’ai l’impression d’être une athlète de haut niveau en termes de don et de toucher. Il n’y a rien à faire, mais je pense qu’il est sain de se laisser aller. Votre sexualité n’est pas votre identité. Si vous aimez les pieds, cela ne veut pas dire que vous êtes fétichiste des pieds. C’est juste quelque chose qui vous plaît et vous n’avez que très peu de contrôle sur cela.

Pas de préjugés

Certains travailleurs du sexe ont des règles concernant le nombre de fois où le client éjacule, par exemple. J’essaie surtout d’imiter un jeu amoureux aussi naturel que possible. Si quelqu’un a joui rapidement, je ne vois généralement pas d’inconvénient à ce qu’il veuille tenter une nouvelle fois, à moins qu’il ne reste que 15 minutes. Lorsque je suis engagée pour 2 ou 3 heures, il est rare qu’un client bande tout ce temps. Les hommes ne peuvent pas faire ça, et mon corps non plus d’ailleurs (rires).

Mon corps est mon principal outil de travail, mais il est important que je sois moi-même équilibrée mentalement et physiquement. Je ne travaille pas à la chaîne. Je fais simplement très attention à mes clients et à moi-même. Le travail à la chaîne détériorerait mon service. Je ne serais alors pas en mesure d’accorder une attention particulière et de me souvenir de ce que fait chaque client. Avant chaque rendez-vous, je revois tout cela dans ma tête, afin de pouvoir réagir en conséquence et demander comment vont les (petits-) enfants. C’est très apprécié. Que se passe-t-il si j’ai en face de moi une personne très peu attirante? Croyez-le ou non: aucun travailleur du sexe ne se préoccupe de son apparence.

La sécurité et l’hygiène sont les seules choses que nous analysons. Si quelqu’un a 2 dents, c’est particulièrement moche pour lui, mais çe ne me dérange pas. Je n’ai pas besoin d’être attirée par cette personne. Bien sûr, c’est plus agréable si mon client est beau, mais cela ne me préoccupe pas vraiment. Il ne s’agit pas non plus de tomber amoureuse, bien au contraire. Grâce à mon travail, je n’ai pratiquement plus de préjugés. Objectivement, j’ai des clients séduisants qui sont mauvais au lit et j’en ai qui sont très loin dans le spectre de l’autisme, mais qui savent parfaitement ce qu’ils font entre les draps.

J’ai d’excellents rapports sexuels avec certains clients, mais faire l’amour avec quelqu’un que vous aimez inconditionnellement reste à un niveau supérieur et ne peut être comparé à rien. S’il y a un point commun entre mes clients, c’est qu’il s’agit généralement de personnes qui travaillent dur et qui gagnent bien leur vie. Ce n’est pas illogique, car il faut aussi pouvoir se le permettre. Mais, il s’agit tout aussi souvent de jeunes hommes qui ont économisé pour s’offrir un cadeau. Ce sont souvent les clients les plus sympathiques.

Plus de secrets

Mon petit ami actuel et mes meilleurs amis savent ce que je fais dans la vie, tout comme mon père et ma mère. J’étais terrifiée à l’idée de choquer mes parents, mais, malgré la peur de ce qu’ils pourraient penser, je préférais le jugement qui pouvait s’ensuivre que ma double-vie et le tissu de mensonges qui l’accompagnait. Je sentais au fond de moi que mes parents ne me renieraient pas ou ne me déshériteraient pas, même si, au début, cela semblait aller dans la mauvaise direction.

Lorsque j’ai dit à ma mère, au cours d’une promenade, que j’étais une travailleuse du sexe, j’ai pu lire le dégoût sur son visage.

Je lui ai explicitement demandé de me laisser finir, mais j’ai remarqué que tous les signaux d’alarme se sont déclenchés dans sa tête. Sa toute première réaction a été de dire « Qui le sait? », ce qui m’a énormément agacée, mais j’ai essayé de ne pas me laisser décourager par sa déception. La première réaction n’est pas la réaction finale, ai-je répété comme un mantra. Peu à peu, elle a posé des questions plus profondes, comme ce que ce travail m’apporte, et il y a eu des plaisanteries de temps en temps. Vers la fin de la conversation, elle m’a dit qu’elle était fière de la façon dont je l’abordais, ce qui est incroyablement réconfortant pour moi. Si je suis heureuse, elle l’est aussi. J’ai dû pleurer d’émotion et de soulagement. Entre-temps, ma mère vient même garder mon petit garçon lorsque je me rends chez un client.

Mon père a également été choqué, mais il a depuis fait la paix avec mon travail. Je suis incroyablement reconnaissante de ne plus avoir à porter un masque. Un énorme fardeau m’a été enlevé et, par conséquent, mon travail est devenu encore plus durable. Je ne sais pas combien de temps je resterai travailleuse du sexe. Pour moi, c’est comme un train que j’ai finalement dû prendre. Je n’ai pas eu d’autre choix que de m’asseoir dedans, mais je ne sais pas si je resterai jusqu’à la retraite. Je verrai bien avec le temps mais, en attendant, je profite du voyage. Adolescente, je lisais tous les articles sur les travailleurs du sexe. Avec mon histoire, j’espère pouvoir apporter quelque chose aux jeunes qui pourraient aussi vouloir se lancer dans ce métier et qui ont encore du mal à se l’approprier. Il n’est pas nécessaire que ce soit ce que vous pensez. Vous pouvez vraiment laisser votre marque. Tout va bien, il n’y a rien de mal à faire un travail comme le mien.

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