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© Thibault Grabherrf

VIRGINIE EFIRA SE CONFIE: ““Les erreurs font partie du métier de parent””

Double actualité pour Virginie Efira. Au ciné, l’actrice belge est à l’affiche de “Rien à perdre” et, sur Disney+, elle est l’une des héroïnes de “Tout va bien”.

Dans “Rien à perdre”, vous interprétez une mère célibataire qui se voit retirer la garde de son fils après un accident domestique. Qu’est-ce qui vous a plu dans cette histoire?

« Beaucoup de choses! Déjà, on se demande, comment cet incident (son fils se brûle en voulant se faire cuire des frites alors qu’elle est au ­travail, ndlr) peut amener un juge à décider de lui retirer la garde de son enfant. C’est un incident, qui n’aurait peut-être pas pu m’arriver, mais qui est compréhensible. Il y a quelque chose dans ce film qui nous amène à nous poser une question plus grande: qu’est-ce qu’un bon parent? Comment peut-on prouver que nous le sommes? »

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Vous avez trouvé la réponse?

« ​​​​​​​Non. Mais, est-ce qu’il y a vraiment une réponse? Est-ce que seul l’amour suffit? C’est en tout cas un pilier. Je ne me suis jamais retrouvée dans cette situation de devoir prouver que je suis une bonne mère. ​​​​​​​»

Pensez-vous que Sylvie, votre personnage, le soit?

« ​​​​​​​Oui. J’ai été très étonnée d’entendre, dans mon entourage, des gens qui me disaient qu’ils comprenaient les services sociaux. Mais ce que je crois, c’est que, quand le système dit à quelqu’un que c’est un monstre, peut-être qu’il le devient un peu. Plus on lui dit qu’elle n’est pas capable, moins elle devient capable. ​​​​​​​»

On ne cesse de lui répéter de se calmer, je la trouve très calme au vu de la situation…

« ​​​​​​​Mais oui, moi aussi! Je pense que c’est un personnage – enfin, c’est ce que j’ai inventé – qui dans sa jeunesse, avait une nervosité difficilement contrôlable, qui lui apportait beaucoup de problèmes. En devenant plus responsable, en ayant des enfants, je pense qu’elle a essayé de mettre sa véritable nature de côté pour faire corps avec ce que la société lui demande d’être. Mais, à un moment, ce n’est plus possible de rester calme face à une injustice profonde qui ne lui permet de répondre qu’avec indignation. ​​​​​​​»

Il y a toujours eu beaucoup d’interactions entre ma vie personnelle et mes films.

Vous imaginez souvent le passé de vos personnages?

« ​​​​​​​On garde tous des choses de notre passé en nous. J’ai bien compris que je n’étais plus une ado, mais à mon âge, il y a encore un peu de la femme de 20, 25, 30 ans. Donc, oui, je crois que ce qu’on trimballe de son passé, c’est quelque chose à jouer aussi, même si on l’a mis sous cloche. ​​​​​​​»

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Est-ce qu’il y a un peu de vous chez Sylvie?

« ​​​​​​​On met toujours un peu de nous dans les rôles qu’on interprète. Je dirais que j’ai souvent joué des personnages qui prennent beaucoup sur eux, qui ne sont pas vindicatifs. Mais ce sont aussi des personnages qui face à l’adversité, peuvent être en ébullition. Je crois que, comme Sylvie, devant un problème, je mets l’action en route un peu trop vite. ​​​​​​​»

Les erreurs font partie du métier de parent.

Vous saviez qu’une enquête était ouverte auprès des services sociaux à chaque signalement?

« ​​​​​​​Non, mais je trouve ça bien de signaler qu’un enfant s’est retrouvé dans une situation dans laquelle il n’aurait pas dû être et s’est blessé en plus. Je crois que c’est important que l’État mette en place des instruments pour faire en sorte qu’il y ait une protection. Je vais peut-être sembler un peu moraliste, mais je préfère qu’il y ait un abus de signalements. Parce qu’il y a plein d’endroits où des choses se passent et où l’on ne dit rien, on ne fait rien. Le tout bon et tout juste n’existe pas. Est-ce qu’il y a vraiment des parents qui sont nickel tout le temps? Il y a parfois des erreurs. J’ai l’impression que ça fait partie du métier de parent. ​​​​​​​»

Vous êtes aussi au casting de “Tout va bien”. Dans la série, vous jouez Claire Vasseur, dont la nièce est atteinte d’une leucémie. Qu’est-ce qui vous a poussée à rejoindre ce projet-ci?

« ​​​​​​​Au départ, ce n’est absolument pas le genre de série que je voulais faire. Une série, ça fait rêver un acteur quand il a la possibilité de déployer un personnage sur plusieurs épisodes. J’étais dans un truc beaucoup plus narcissique (rires). Et puis, j’ai rencontré Camille de Castelnau (la créatrice, ndlr) et j’ai beaucoup aimé son histoire. Elle parvient à raconter une tragédie avec beaucoup de modestie, de pudeur, sans tomber dans le misérabilisme. Elle est arrivée à dresser le portrait d’une famille, forcément dysfonctionnelle, avec drôlerie dans un contexte où, normalement, il n’y en a pas du tout. ​​​​​​​»

Vous donnez la réplique à Aliocha Schneider, votre beau-frère, qui joue votre frère dans la série. Comment était-ce?

« ​​​​​​​Notre lien de parenté favorisait la familiarité et l’empêchait en même temps. Aliocha connaît mon visage donc, dès que je butais sur un mot, que je décrochais un peu, je ne pouvais absolument pas compter sur lui et sur sa solidarité parce qu’il se mettait à rire. ​​​​​​​»

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Vous êtes devenue maman pour la deuxième fois. Raconter l’enfance à l’écran, c’est d’autant plus bouleversant aujourd’hui?

« ​​​​​​​Je pense que j’aurais été touchée de la même manière si je n’étais pas maman. L’enfance, l’éducation, ce sont des matières qui sont riches pour n’importe qui. Peut-être que j’ai nourri ces sujets de mes propres réflexions. Il y a toujours eu beaucoup d’interactions entre ma vie personnelle et mes films, comme si ça se mélangeait. Pour “Rien à perdre”, ­j’aurais aimé pouvoir me défaire de mon propre rapport à la maternité, mais je n’ai pas réussi. Peut-être que ce sont mes limites de comédienne. J’utilise des choses de moi, de ­l’intérieur. Parfois, ça peut juste être la manière dont je suis tactile avec un enfant. ​​​​​​​»

L’envie de reprendre les tournages est déjà là?

« ​​​​​​​Je fais des incursions en dehors de mon salon, avant d’y revenir (rires). Je me sens prête. Je sais que les tournages sont comme des aspi­rateurs de temps. J’ai eu l’expérience, par le passé, de voir que je pouvais tout combiner. Je profite de cette chance. Est-ce qu’un jour, si j’ai des plus petits rôles, on acceptera que je puisse avoir ma loge, où je peux installer mon enfant? Je ne sais pas. En tout cas, je n’ai pas de projet pour l’instant. Pas parce que j’ai décidé d’être maman et rien d’autre que ça, mais parce que j’aimerais trouver des bons projets. ​​​​​​​»

On ne se distingue que par ses choix.

Vous êtes plus pointilleuse dans vos choix de rôles que par le passé?

« ​​​​​​​On ne peut se distinguer que d’une seule manière, c’est par ses choix. Je veux faire des films que j’aurais envie de voir. Il y a plein de choses super, mais ce n’est pas moi. Je n’ai pas eu de propositions pour l’instant qui m’ont donné envie de repartir. Mais ça viendra j’en suis sûre. Je sais que j’ai la chance d’avoir le choix. Il y a une époque où mes choix étaient plus restreints et je faisais avec ce que j’avais en essayant de faire au mieux. Je lis tout ce que je reçois, je passe du temps avec le réalisateur, même si je ne participe pas au projet au final. ​​​​​​​»

Qu’est-ce qui fait qu’un film est plus intéressant pour vous qu’un autre?

« ​​​​​​​C’est cette complexité, cette précision dans l’écriture des personnages. Le fait de parler de vrais gens, de ne pas ajouter des stéréotypes dans le simple but de faire avancer l’histoire. J’aime les personnages plein de contradictions, qui existent, qui ont un milieu social, un environnement géographique. Et puis, surtout, ce qui est primordial, c’est d’avoir envie de raconter des choses ensemble. »

“Rien à perdre”, actuellement en salles et “Tout va bien”, disponible sur Disney+.

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