En Chine, l’intelligence artificielle permet (presque) de ramener les morts à la vie
En Chine, des entreprises proposent aux proches endeuillés de faire revivre virtuellement une personne disparue. Une entreprise qui a un coût et qui soulève également des questions, notamment en ce qui concerne l’éthique et le consentement.
Si le deuil n’en était plus vraiment un? S’il existait un moyen de faire persister la mémoire des défunts pour des années, voire des siècles. En Chine, de plus en plus de personnes ont recours à l’intelligence artificielle pour pérenniser et donner un semblant de vie à des proches disparus.
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“Je sais que tu souffres beaucoup, chaque jour, à cause de moi, et que tu te sens coupable et impuissant. Même si je ne pourrai plus jamais être à tes côtés, mon esprit est toujours dans ce monde et t’accompagne dans la vie.” Voilà les mots du défunt fils de Seakoo Wu, décédé à 22 ans d’un AVC. Ces paroles émanent du téléphone du père, mais n’ont jamais été prononcées par Xuanmo, rapporte l’AFP.
Quelques images et quelques milliers d’euros, et le tour est joué
En réalité, il s’agit d’un enregistrement généré par l’intelligence artificielle. D’ailleurs, cela s’entend à la voix légèrement robotique du jeune homme. Seakoo Wu voit plus loin encore et veut créer un double virtuel de son fils avec qui il pourra à nouveau interagir dans le multivers. Un clone qui aurait la façon de parler, la personnalité, et le même comportement que Xuanmo.
En Chine, de nombreuses entreprises ont fait du deuil un business lucratif. À partir de documents enregistrés du vivant des personnes décédées, tels que des photos, des enregistrements vocaux ou bien des vidéos, elles sont capables de leur redonner vie virtuellement. Chez Super Brain, l’une des sociétés proposant ce service, il faut débourser entre 10.000 et 20.000 yuans, soit entre 1.300 et 2.600 euros, pour créer un avatar du ou de la défunt·e, indique l’Agence France-Presse.
Pas que pour les morts
D’après Zhang Zewei, fondateur de l’entreprise Super Brain, ses clients·es sont non seulement des proches endeuillés, mais également des parents frustrés de ne pas passer plus de temps avec leurs enfants ou encore des amoureux·euses épleurés·es. Et ce n’est pas tout, puisque la société propose également des appels vidéo avec des employés dont le visage et la voix sont remplacés par ceux de la personne désirée.
Question éthique
On peut trouver ça glauque, ou, au contraire, trouver l’idée incroyable, mais une question demeure: quel est impact psychologique et éthique de ces doubles virtuels? “Une question essentielle ici, c’est de savoir (...) à quel point ces bots fantômes sont ‘fidèles’ à la personnalité qu’ils sont censés imiter. Que se passe-t-il s’ils font des choses qui ‘polluent’ la mémoire de la personne qu’ils doivent représenter?”, s’interroge Tal Morse, chercheur au Centre d’études sur la mort et la société à l’université britannique de Bath, interrogé par nos confrères.
Et le consentement, dans tout ça?
Il y a aussi la question du consentement. Dans le meilleur des cas, lorsqu’une personne décède, elle a préalablement décidé le déroulement de ses obsèques, notamment si elle sera incinérée ou enterrée. À l’avenir, sera-t-il également nécessaire de préciser si nous souhaitons ou non que nos proches créent des avatars de nous-même? Quant aux doubles de personnes encore vivantes, ont-elles donné leur assentiment pour que leur image soit exploitée pour satisfaire les envies et/ou besoins des clients qui font appel à ce genre de service?
L’intelligence artificielle est déjà, depuis de nombreuses années, au cœur des débats éthiques et de consentement. Très récemment, des personnalités telles que Scarlett Johansson ou encore Tom Hanks
ont vu leur image usurpée à des fins commerciales. Il y a quelques semaines, la mannequin américano-taïwanaise Shereen Wu a accusé le designer Michael Costello d’avoir modifié son visage pour lui donner l’aspect de celui d’une femme caucasienne. Et c’est sans compter tous les scandales liés au deep fake. Cette technique qui permet de superposer des images sur d’autres images, et donc de remplacer le visage d’une personne par une autre, est couramment utilisée dans le porno. L’influenceuse Léna Situations, la chanteuse Taylor Swift ou encore l’actrice Gal Gadot en ont déjà fait les frais.
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