DÉFI CORS’AR : ces femmes atteintes du cancer se lancent un challenge hors du commun
Accompagné de nageurs professionnels, un groupe de femmes en traitement ou en rémission d’un cancer s’est lancé un défi sportif inédit : nager 380 km dans la mer Méditerranée en relais, d’Antibes à Calvi en Corse.
Le défi sportif « Défi Cors’Ar » est inédit puisqu’il propose à des nageurs experts de partager une expérience sportive avec des personnes atteintes du cancer, qui souhaitent se dépasser à travers ce challenge aquatique. Au total, l’équipe nagera 380 km dans la mer Méditerranée du 26 août au 6 septembre prochain.
L’idée de ce défi vient du nageur Loïc Métais qui a organisé plusieurs compétitions de nage et de triathlon en France. L’année dernière, il était à l’origine du défi solidaire « Yeno » qui consistait à relier à la nage l’île d’Yeu à l’île de Noirmoutier, dans le but de récolter des fonds pour les malades de Charcot. Cette année, le concept change puisque le défi Cors’Ar est bien un défi solidaire qui a pour but de récolter des fonds pour l’association SLA aide et soutien au profit des malades de Charcot et pour l’association Hope Team East au profit des malades du cancer. Mais il y a une nouveauté puisque des personnes atteintes du cancer vont également participer. « Au départ, Loïc est venu en parler à l’association et on nous a proposé de les accompagner dans le défi en paddle. Je me suis dit “Oui allez je vais le faire avec mon paddle”, et j’ai décidé de co-construire le projet avec lui. J’en ai parlé à 2-3 copines, je savais qu’elles seraient partantes et peu à peu on a évolué vers de la nage. On n’était pas trop sûrs, mais j’ai dit à Loïc : « Il faut qu’on avance et tu vas voir, on va finir par refuser du monde. Je connais les personnes d’Hope Team East et effectivement, on a refusé du monde ! On ne s’attendait pas à autant d’énergie », explique Karine Beddouk, participante au défi qui a accepté de nous confier les coulisses du projet, ainsi que son parcours personnel.
En quoi consiste le challenge ?
À l’aller, les nageurs experts vont se relayer pour relier Antibes, dans le sud de la France, à Calvi, en Corse. Loïc Métais, Frédéric Roméra , Giuliana Braga, ainsi qu’Axel Vander Elst vont se relayer sur des périodes d’ 1h30 à 2h afin d’effectuer ce premier morceau de la traversée en 50 à 70 heures. Au retour, ces derniers seront également en relais, mais avec des personnes atteintes du cancer, en traitement ou en rémission. Sylvia Mercadal, Pauline Courtois, Valérie Morancy, Karine Bedouk sont les nageuses qui seront accompagnées de Carine Sourgen, leur coach, elle aussi en rémission. Toutes sont issues de l’association Hope Team East basée à Seignosse dans les Landes. Créée afin d’accompagner les personnes atteintes de cancer, l’association propose du sport-santé et entraîne à réaliser des défis sportifs chaque année. Des objectifs qui permettent de se dépasser, tout étant adapté aux capacités de chacun·e. Ici, Défi Cors’Ar s’étale sur 10 jours au total, l’objectif fixé pour le retour étant de 5 jours de traversée. « Pour l’instant, je pense nager trois fois 30 min par 24h donc une fois le matin, une fois l’après-midi, une fois la nuit. Je sais que Valérie se fixe trois ou quatre fois 20 minutes. Ça reste des objectifs, mais on verra. L’autre jour au bout d’une demi-heure, je n’étais pas fatiguée donc peut-être que je ferais trois quarts d’heure. On se laisse une souplesse en fait. Chacune va dire: “voilà moi j’ai envie de faire ça” et en fonction de de l’avancée, les nageurs experts vont boucher les trous en nous relayant », affirme Karine Beddouk. Elle rappelle également que toute l’équipe, les nageurs comme les personnes qui les accompagnent sur le bateau qui les suivra tout le long de leur traversée (médecin, kinésithérapeute, équipage), sera tributaire de la météo et devra donc s’adapter aux conditions climatiques ce qui peut impliquer des changements de date ou de timing.
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Une aventure collective et empouvoirante
Afin de pouvoir participer au défi, le groupe de nageuses a dû réapprendre à nager pour pouvoir être à l’aise en eau libre. Pour Karine Beddouk, ce défi est l’occasion de se prouver à soi-même qu’on est capable de se dépasser et également de réaliser la force qui se cache en chacune. Elle déclare :
On est vraiment entraînées comme des sportives de haut niveau dans le sens où on a des préparations physiques générales en groupe et puis on a un coach attitré, on a des préparations en individuel, on a du coaching mental donc on est vraiment très accompagnées, et puis c’est vraiment une famille, parce que ce qui nous lie, c’est la maladie malheureusement, mais on en parle à peu près jamais.
La conversation est très rarement là-dessus, car on sait déjà que si on est là, c’est parce qu’on est toutes liées par cette maladie et l’incertitude qui la caractérise. Pour toujours on a cette incertitude, même si moi c’est plus quotidien puisque j’ai toujours des traitements, mais elles, c’est la rémission qui est là pour elles quatre. » Pour ces femmes, la nage est une manière de se reconnecter à soi et à la nature, mais aussi de se réapproprier leur corps, souvent marqué par la maladie. Ce défi est l’occasion de développer une sororité unique : « La force du groupe porte énormément. Chez Hope Team East, on a des entraînements en commun, on se porte les uns les autres énormément, même quand on fait des défis individuels. Mais là, on fait un défi ensemble; c’est une équipe... Toutes les personnes qui nous ont entraîné, toutes celles qui se sont impliquées dans le projet, on forme une équipe. » Bien qu’elles préparent encore le défi à quelques jours du départ, les nageuses se projettent déjà et envisagent un autre défi aquatique l’année prochaine.
« Je pense qu’on aura envie d’aller plus loin. On est trop heureuses dans l’élément aquatique, on est allées en mer l’autre jour pour nager. Il y a des photos de nous quand on remonte sur le bateau et vraiment, on a toutes la cinquantaine, pourtant on a des sourires de petites filles à l’aire de jeu, donc je pense que ça va rester un défi en mer »
, affirme Karine Beddouk. « Il y a un avantage avec l’eau, c’est la progression qui est quand même très linéaire. À chaque fois qu’on va s’entraîner, on progresse, on voit directement qu’on a évolué. En plus, c’est très agréable d’être dans l’eau, on ne pense à rien d’autre que la natation, c’est beaucoup de respiration donc ça fait presque une méditation finalement. On s’entraîne beaucoup sur le souffle et la sensation quand on est en pleine mer. Être dans l’immensité de l’eau, c’est une sensation incroyable. Cette masse d’eau qui vous porte, on se sent vraiment flotter. »
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Des guerrières face à la maladie
Si cette traversée est un défi sportif exceptionnel, il est également un challenge personnel pour les cinq nageuses. À travers « Défi Cors’Ar », elles continuent à vaincre la maladie qui a bouleversé leur quotidien. En effet, Karine Beddouk apprend qu’elle est atteinte d’un cancer colorectal à 51 ans et malheureusement, la maladie est à un stade déjà très avancé. Rapidement, toute sa vie est impactée et elle est contrainte d’arrêter de travailler. Aujourd’hui, bien qu’elle soit toujours en traitement en raison de la maladie chronique, Karine a décidé de réaliser ses rêves et de se consacrer chaque année à un défi sportif. “La maladie donne une envie de vivre décuplée. On dit souvent « grâce au cancer »... Et même moi qui ai ce poids des traitements, j’ai quand même un discours qui est ambigu, je ne peux pas rejeter cette maladie dans le sens où elle m’a ouvert des possibilités. D’être confrontée à la mort du jour au lendemain, ça m’a fait me demander: qu’est-ce que je peux faire de positif, c’est-à-dire que la maladie, c’est le négatif ok ça, je l’ai, juste comment je crée du positif ?” Karine Beddouk réalise alors un rêve : « Je me suis dit, il faut que je réalise un de mes rêves parce que si je meurs, au moins, j’aurai réalisé ce rêve avant de mourir. Mais le rêve, il fallait qu’ils ne soit pas trop grand, ni trop loin, parce que j’avais des chimiothérapies tous les 15 jours donc j’avais une semaine pour le réaliser. Je rêvais d’aller voir des aurores boréales, je l’ai fait. » Très vite, Karine Beddouk s’inscrit à l’association Hope Team East et découvre les défis sportifs. « C’est un travail quotidien d’aller toujours chercher « qu’est-ce que je peux faire de plus qui moi, m’épanouis ? » Il ne s’agit pas de faire de la performance pour de la performance, c’est vraiment un apport personnel. » La première année, pour des raisons de santé, elle ne peut pas se mettre dans l’eau. Elle qui rêvait de s’initier au surf, elle se tourne donc vers la montagne et décide de gravir un sommet. La deuxième année, elle revient sur l’eau et effectue une chorégraphie pilate sur stand up paddle, un exercice aussi esthétique que complexe. En 2022, elle se jette définitivement à l’eau avec le défi Cors’Ar, pour son plus grand bonheur : « Je suis née à La Réunion, mon père est d’origine méditerranéenne, ma mère normande, et puis j’ai grandi dans le pays basque, j’ai toujours eu une relation très forte à la mer, mais finalement, je ne savais pas trop la maîtriser, ni me laisser porter avec elle on va dire, donc j’avais envie d’apprivoiser la mer. Et là, il n’y a enfin plus de limite, je veux dire, je n’ai plus peur, j’y vais, je me lance et c’est génial. » L’année prochaine, Karine veut même relever un nouveau challenge en passant le Brevet de sauvetage aquatique.
Un défi solidaire au message plein d’espoir
Au-delà du côté sportif et personnel du défi, il y a un enjeu de solidarité. En effet, l’équipe du Défi Cors’Ar a lancé une collecte en ligne afin de pouvoir financer le projet, mais surtout pour récolter des fonds au profit de l’association « SLA aide et soutien », qui accompagne les malades de Charcot et pour laquelle les dons serviront à financer des poursuites oculaires aux personnes atteintes, pour leur permettre avec leurs yeux de pouvoir communiquer à travers un ordinateur. Mais aussi à l’association Hope Team East dédiée aux personnes atteintes de cancer, afin de financer l’accompagnement des adultes, mais aussi des enfants et des adolescents qui sont en rémission. « Tout ce qui va au-delà du budget est reversé aux associations. Là, on a dépassé la somme plancher donc on est sûrs de partir. Tout ce qu’on va récolter à partir de maintenant va aller aux associations et on y tient absolument », insiste Karine Beddouk. Plus qu’inspirante, cette initiative unique vise à porter un message d’espoir à destination de toutes les personnes malades.
On souhaite montrer que la vie ne s’arrête pas, qu’on peut faire plein de choses même en étant malade. Il n’y a même pas besoin d’attendre d’être en rémission.
Karine Beddouk conclut : “C’est incroyable si on peut inspirer d’autres personnes, parce que les chiffres, malheureusement ils sont là: 60% des personnes nées après 1960 auront un cancer. C’est quand même énorme et la maladie fait partie de la vie, il ne faut surtout pas s’arrêter, surtout ne pas se replier. On veut montrer que c’est à la portée de tou·te·s et que ça demande d’être aidé·e, mais qu’on peut tous y arriver à sa façon. »
Si vous souhaitez faire un don pour contribuer au Défi Cors’Ar, rendez-vous ici !
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