EVRAS: on fait le point sur les fausses idées qui circulent
Ce dimanche à Bruxelles, des milliers de manifestant·e·s anti-Evras ont défilé dans les rues de la capitale. On fait le point, avec Margaux de Ré, députée bruxelloise, sur les fake news qui circulent sur ces fameuses animations Evras.
Selon les chiffres de la police locale, 1500 personnes étaient présentes dimanche 17 septembre, dans les rues de Bruxelles, pour manifester contre le décret Evras (pour « éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle ») qui a été voté au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles le 7 septembre dernier.
Historiquement, l’éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle a été développée dès les années 80 dans le but de prévenir les comportements sexuels à risque, soit apprendre à se protéger contre les infections sexuellement transmissibles (IST) et prévenir les grossesses non-désirées. Aujourd’hui, d’autres enjeux sont également pris en considération et permettent de jouer un rôle préventif à long terme sur la violence dans notre société : le sexisme, les violences sexuelles, les stéréotypes de genre, la notion de consentement, etc. Les animations Evras ont été rendues obligatoires dans toutes les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 2012 déjà. Donc pourquoi cette polémique surgit-elle maintenant? Margaux de Ré, parlementaire qui a défendu et voté le projet de loi, explique que plusieurs éléments sont à prendre en compte: “La nouvelle loi exige qu’il y ait 2 x 2 heures obligatoires pour les élèves, soit 2 heures d’animation obligatoires à deux moments du parcours scolaire : en 4e secondaire et en 6e primaire. Avant cela, le nombre d’heures était laissé à l’appropriation des professeurs et directions. L’autre changement, c’est que les animations seront labellisées par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Précédemment, on ne connaissait pas bien les contenus des associations qui venaient dans les écoles. Grâce à ce nouveau décret, la fédération Wallonie-Bruxelles a un droit de regard sur le contenu des animations. C’est donc davantage contrôlé. L’association participante devra montrer que son animation a été labellisée par la Fédération. Le troisième changement, c’est que le gouvernement a débloqué de gros budgets pour refinancer les plannings afin qu’ils puissent remplir leur mission au mieux. On n‘a jamais autant investi dans la prévention à l’école.”
Pourquoi des animations Evras en cours ?
Ce dispositif de santé publique a plusieurs objectifs : protéger les élèves des situations potentiellement dangereuses, les rassurer face à des situations ou des questions avec lesquelles ils ne se sentent pas à l’aise, et encore, apprendre à respecter les autres et à se faire respecter. « A chaque fois que l’on évoque les problématiques de racisme ou de violences faites aux femmes, on en revient toujours à l’éducation » ajoute la députée. « Le premier acteur, c’est l’école. Si on ne présente pas structurellement des obligations d’éduquer au consentement par exemple, on va tourner en rond. L’éducation est la petite sœur de toutes les autres politiques publiques en matière de violence. »
Les cinq fausses idées qui circulent sur l’Evras
On dit que… « Les animations seront données par n’importe qui »
Margaux de Ré « Les animations Evras sont données par des professionnel·les du secteur de la prévention en santé : assistant·es sociaux, psychologues, éducateur·rices, bref des personnes formé·es à informer sur ces sujets, y compris et surtout en s’adaptant à l’âge des jeunes. Ce sont des personnes qualifiées et formées sur des questions précises. En général, ce sont les directions qui vont solliciter tel ou tel planning selon les problématiques rencontrées à l’école. Chaque école va choisir les animations en fonction de leur réalité de terrain. Si l’école rencontre des soucis de harcèlement en ligne, par exemple, elle va se tourner vers une association spécialisée sur la question ».
Et au FAPEO (Fédération des Parents et des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel) de compléter : “Tous ces opérateurs sont soumis à la même exigence de formation minimale — laquelle comptera 6 jours minimum de formation initiale pour tout nouvel intervenant et 2 jours minimum en formation continuées à rencontrer tous les 3 ans —. Ainsi qu’à des procédures de contrôle : les autorités de tutelle sont tenues responsables du contrôle de la conformité des contenus des activités données par les organismes qu’elles régulent et financent, ainsi que du contrôle de l’obligation de formation.” De plus, la députée parlementaire explique aussi que les professeurs pourront être présents lors des animations pour contrôler le contenu, mais que les parents peuvent également se renseigner en amont auprès du planning sollicité. Ils auront aussi le droit de demander un débriefing a posteriori.
On dit que… “On va donner aux jeunes des idées auxquelles ils ne pensent pas et les hyper-sexualiser »
Margaux de Ré : « Le principe des animations Evras est de partir des questions que les jeunes se posent. Il ne s’agit donc pas d’aborder les sujets listés dans le guide Evras qui n’est qu’un outil pour les professionnel.|es. En début d’animation, les élèves sont en général amenés à fournir anonymement les questions qu’il·elle·s se posent en matière de vie relationnelle, affective et sexuelle. Il faut savoir que, dans la cour de récré ou via les réseaux sociaux, les enfants sont déjà confrontés à plusieurs de ces sujets. L’école va en quelque sorte agir comme un service après-vente de tout ce à quoi les jeunes sont confrontés sur les réseaux. Avec les animations Evras, on va pouvoir leur donner des informations plus fiables que ce qu’ils·elles trouvent sur internet notamment. »
On dit que… « les animations Evras vont inciter les enfants à se masturber ou à regarder du porno »
Margaux de Ré : « En aucun cas les animations Evras ne visent à encourager des comportements ou banaliser les choses. Elles servent justement à montrer quelles sont les limites à ne pas dépasser. On va notamment apprendre aux enfants à ne pas faire de câlins à une copine ou un copain qui n’en a pas envie. Les animateur·rice·s vont poser des balises et des frontières. »
On dit que… « L’école va se substituer à la famille »
Margaux de Ré : « On ne peut pas partir du principe que chaque enfant bénéficie d’un cocon familial safe. Il existe beaucoup d’inégalités en matière de contexte familial et l’école doit garantir l’apprentissage d’un socle commun. Sans compter que certaines situations dysfonctionnelles ont lieu au sein de la famille elle-même. Certain·e·s jeunes vivent des situations dangereuses dans leur cercle familial (violences, maltraitance…) et ces animations peuvent aider à les déceler. Selon une étude de SOS Viol, la majorité des agressions pédophiles chez les filles ont lieu au sein de la famille. L’Evras est aussi là pour répondre à cette problématique et pour donner aux enfants l’occasion de poser des questions en dehors du cercle familial. “
On dit que… « Les animations Evras vont influencer ce que pensent mes enfants »
Margaux de Ré : “L’idée n’est pas de fouiller dans les convictions personnelles des élèves. Les seules valeurs qui seront promues sont celles de l’école soit des valeurs d’égalité, de tolérance et de bienveillance, qui sont dans l’intérêt de tout un chacun.” Selon FAPEO, « Toutes les balises ont été prévues pour que l’Evras prenne systématiquement place dans un cadre garantissant le respect d’une neutralité absolue dans la manière d’aborder les thèmes, en tenant compte des convictions de chacun. En aucune manière, il ne pourrait être question d’imposer des valeurs qui entrent en conflit avec l’éducation que les parents veulent légitimement donner à leurs enfants. Les animations seront données par des professionnels reconnus, formés, s’engageant au respect de cette neutralité ; ils auront dû démontrer leur aptitude à donner ces animations et seront contrôlés.”
On dit que… « Des animations Evras vont avoir lieu dans les écoles auprès d’élèves dès 5 ans »
Margaux de Ré : « La loi oblige uniquement les élèves de 6e primaire et 4e secondaire, mais en maternelle, la direction peut faire la demande d’une intervention Evras. Ce n’est pas induit par un texte de loi. Imaginons qu’un jeune enfant perd sa maman, qui s’est donnée volontairement la mort : il risque d’en parler aux autres élèves dans la cour de récré et susciter inquiétudes et interrogations. Dans ces cas-là, l’école peut se sentir dépassée et demander à un acteur externe et spécialisé dans ces questions d’intervenir. »
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