Faut-il boycotter Roman Polanski? La question divise et la polémique attire le public
S’il avait voulu relancer la polémique, il n’aurait pas pu choisir de meilleur sujet pour son dernier film. Avec “J’accuse”, Roman Polanski raconte l’affaire d’Alfred Dreyfus, accusé à tort et jeté en pâture à l’opinion publique. Un parallèle voulu avec son ressenti? En France et en Belgique, les appels à boycotter le film (et le réalisateur) se multiplient.
Petit rappel des faits pour celles qui n’auraient pas suivi l’affaire et ne verraient en Roman Polanski que le réalisateur de ce film beau et triste avec Adrien Brody, le veuf de Sharon Tate ou le mari de Mathilde Seigner. En mars 1977, alors qu’il a 43 ans, Roman Polanski est accusé par Samantha Geimer, treize ans seulement, de l’avoir droguée et violée. Le réalisateur, âgé donc de 43 ans, se défend et assure que la relation sexuelle avec l’adolescente de 13 ans était consensuelle. D’abord condamnée à une peine de 90 jours de prison, le réalisateur est libéré pour bonne conduite après 42 jours, mais face aux critiques du public, le juge décide de le condamner à nouveau à une peine d’une durée indéterminée (officieusement, 48 jours seulement si Polanski accepte ensuite de quitter les Etats-Unis pour toujours) et l’acteur, sur les conseils de son avocat, quitte l’Amérique pour la France, dont il a la nationalité et qui ne pratique pas l’extradition de ses citoyens. En 1997, Samantha Geimer dévoile publiquement lui avoir pardonné (“pour moi, pas pour lui”) et a demandé depuis à plusieurs reprises l’arrêt des poursuites à son encontre. Sans succès puisqu’en 2009, Roman Polanski est arrêté à Zurich dans le cadre d’un traité d’entraide judiciaire pénale entre la Suisse et les États-Unis. Le réalisateur passe deux mois en prison en Suisse puis huit mois d’assignation à résidence. Actuellement, le réalisateur est toujours considéré comme un fugitif par Interpol et ne peut circuler librement que dans trois pays seulement: la France, la Suisse, et la Pologne. Voilà pour ce que l’on considère généralement comme “l’affaire Polanski”. Sauf que depuis 2010, les accusations se sont multipliées, et si Samantha Geimer affirme avoir pardonné au réalisateur, il n’en va pas de même de ses autres accusatrices.
Elles accusent
En 2010, l’actrice britannique Charlotte Lewis accuse Polanski de l’avoir forcée à avoir une relation sexuelle avec lui en 1983, alors qu’elle n’avait que 16 ans. En août 2017, une Américaine l’accuse de l’avoir agressée sexuellement en 1973, alors qu’elle n’avait elle aussi que 16 ans. En octobre 2017, l’actrice allemande Renate Langer dépose plainte (classée prescrite) pour viol, commis lorsqu’elle avait 15 ans. Dans la foulée, l’artiste américaine Marianne Barnard accuse quant à elle le réalisateur d’avoir abusé d’elle lorsqu’elle avait 10 ans. Et puis il y a quelques jours, encouragée par le témoignage percutant d’Adèle Haenel sur les violences sexuelles que lui aurait fait subir un réalisateur lorsqu’elle était enfant, Valentine Monnier écrit pour “Le Parisien” le viol dont elle aurait été victime en 1975, accusant Roman Polanski de lui avoir fait subir “toutes les vicissitudes” et affirmant avoir cru mourir à l’époque. Et c’est cette dernière accusation qui divise tant le milieu culturel actuellement.
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Nadine Trintignant, mère de la regrettée Marie, choisit en effet de réagir au témoignage de Valentine Monnier, et de prendre position publiquement en faveur du réalisateur de “J’accuse”. Invitée sur le plateau de BFMTV, elle ne cache pas son soutien, au contraire: “Je suis là pour défendre Roman Polanski ! C’est un immense metteur en scène qui a fait une quinzaine de chefs-d’œuvre. Je trouve très grave de l’embêter en ce moment où il y a une remontée de l’antisémitisme en Europe, le jour de la sortie de son film qui est sur Dreyfus” affirme-t-elle, allant jusqu’à jeter le doute sur le récit de Valentine Monnier.
J’ai plutôt tendance à le croire lui qu’une femme qui a mis 44 ans à réfléchir pour le dénoncer”
Tollé national, d’autant que la fille de Nadine Trintignant a elle-même été victime de la violence d’un homme, les coups portés par Bertrand Cantat lui ayant coûté la vie. En France, associations militantes et tweeters en tous genres appellent au boycott du film, et plus généralement, du réalisateur ô combien controversé. Lors de l’avant-première programmée de “J’accuse” au cinéma parisien le champo, une quarantaine d’activistes féministes ont bloqué l’entrée et empêché la projection. Chez nous, les collectifs engagés “Laisse Les Filles Tranquille” et “Paye Ton Tournage” ont quant à eux organisé des actions contre les deux UGC qui programment le film à Bruxelles ainsi que contre le cinéma indépendant Palace, placardant leurs devantures de photos de Polanski accompagnées de messages tels que “Pédocriminel impuni”, “Laisse les petites filles tranquilles” ou encore “J’abuse et vous financez”.
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Un succès? Pas vraiment: malgré la polémique, ou peut-être justement à cause de celle-ci, le film caracole en tête du box-office dans l’Hexagone et a attiré plus de 500 000 spectateurs lors de sa première semaine de sortie. Soit une affluence record pour le réalisateur, qui a affirmé voir un écho à son histoire dans l’affaire Dreyfus et s’estimer “persécuté”.
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