FAUT QU’ON PARLE: le monologue malaisant de Carole Bouquet, en roue libre pour défendre Gérard Depardieu
Jeudi, Carole Bouquet était dans “Quotidien”, sur TMC. Invitée pour faire la promotion de la série “Escort Boys”, elle a d’abord tenu à défendre Gérard Depardieu, dont elle a partagé la vie durant dix ans. Les propos de l’actrice sont questionnants.
Ils et elles sont nombreux·euses à prendre la parole pour pointer du doigt le comportement de Gérard Depardieu. Si ce n’est sur les réseaux sociaux, où l’on ne compte plus les anonymes qui y vont de leurs commentaires pour défendre l’acteur, rares sont les personnalités à prendre la parole publiquement et à se ranger du côté de “l’ogre”. Pourtant, il y en a. Carole Bouquet en fait partie.
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Féministe inattaquable
Jeudi, l’actrice était l’invitée de Yann Barthès, dans “Quotidien”, pour faire la promotion de la série “Escort Boys”. Mais dès son entrée sur le plateau, le sujet a tourné autour du cas Depardieu. Elle paraissait visiblement agacée par les paroles de Jean-Michel Apathie, plusieurs minutes auparavant, au sujet de son ami. “J’ai un vrai problème avec ce qui est en train de se passer avec Gérard en ce moment”, a-t-elle débuté. Paraissant savoir que ses propos allaient choquer, elle a d’emblée affirmer être “inattaquable” car elle est “plus que féministe” et en connaît un rayon sur le sujet.
Je suis heureuse que les femmes puissent prendre la parole. Par contre, que ce tribunal médiatique continue, et que ça fait des mois que ça dure, et que c’est en train de tuer un homme, je ne peux pas le supporter.
, a-t-elle alors lancé. Elle a ensuite expliqué n’avoir “aucune tendresse possible pour quelqu’un qui se révélerait être un monstre”, mais que Gérard Depardieu n’en était pas un, fustigeant les propos de la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, laquelle a déclaré que l’acteur “faisait honte à la France”.
À juste titre, Carole Bouquet s’est alors questionnée sur l’impartialité des futurs juges, quand de nombreux médias et des personnalités prennent position et désavouent l’acteur français. Entre la vindicte publique et les institutions qui boycottent une à une Depardieu, alors même qu’aucun procès n’a encore eu lieu pour établir la vérité sur les accusations de viols portées à son encontre, la question se pose réellement. On lui doit bien ça, à Carole Bouquet. Mais la suite de son soliloque est davantage problématique.
Incapable de faire du mal
Elle a d’abord évoqué “Complément d’enquête – La chute de l’ogre”, qualifiant le reportage “d’absolument dégueulasse, abominable”. Dans celui-ci, on voit l’acteur tenir des propos tout à fait déplacés à l’égard de femmes, et notamment à l’égard d’une jeune fille. “Les femmes adorent faire du cheval, elles ont le clito qui frotte sur le pommeau de la selle. Elles jouissent énormément, c’est des grosses salopes”, l’entend-on dire, face à la caméra, sur ces images filmées lors d’une visite de l’acteur en Corée du Nord en compagnie de Yann Moix, en 2018.
Les images suivantes montrent alors une jeune fille mineure d’âge. Elles sont accompagnées des commentaires absolument abominables de Gérard Depardieu: “Si jamais elle galope, elle jouit. C’est bien ma fifille, continue! Tu vois, elle se gratte, là.” Certains parlent d’un montage, clamant que l’acteur n’aurait pas tenu ces propos en parlant de l’enfant. Yann Moix, qui était sur place, a affirmé au site TV Mag être “sûr à 99 % que Gérard a tenu ces propos sur une cavalière qui n’était pas la petite fille. Gérard est incapable de tenir des propos comme ça sur une enfant”. Et Carole Bouquet de renchérir, affirmant, elle aussi, qu’il s’agit d’un montage de la part de cette “émission de merde”.
Mais revenons-en à Carole Bouquet et à son intervention dans “Quotidien” pour défendre son ex-compagnon, qui m’a laissée pantoise. L’actrice de 66 ans a admis que “Gérard a tenu des propos grossiers” et qu’il était capable d’avoir “un humour extraordinaire, et quelques fois limite”, mais elle a surtout soutenu mordicus qu’il était “incapable de faire du mal à une femme”. Rappelons tout de même que trois femmes ont déjà déposé une plainte contre l’acteur pour viols ou agression sexuelle, et qu’une quinzaine d’autres témoignent de harcèlement sexuel de sa part.
“Ils sont en train de tuer un homme”
“Je le connais depuis 46 ans, j’ai vécu dix ans avec lui. Je sais qui est Gérard, avec ou sans alcool. Je connais les démons de Gérard, il est incapable de faire violence à une femme”, a-t-elle assuré.
Alors laissons la justice décider si, oui ou non, il a violé une femme. Moi, je suis certaine que la justice décidera que c’est faux. Et arrêtons cet emballement, cette délectation qu’ont les médias en ce moment autour de Gérard Depardieu. Parce que moi, j’en peux plus. Ils sont en train de tuer un homme.
, a-t-elle poursuivi avant de répéter, au cas où son discours nous l’aurait fait oublier, qu’elle était “plus que féministe”. Et d’ajouter tout de même qu’elle ne pourrait jamais défendre un homme qui se serait “comporté de cette manière”. Rappelons tout de même qu’être féministe – bien que je préfère parler d’humanisme -, c’est aussi croire la voix de la femme, croire ces près de vingt femmes qui accusent Gérard Depardieu de comportements ignobles.
Comme si cela était un argument, l’actrice a alors évoqué le cas d’Anouk Grinberg, qui a défendu Charlotte Arnould, première femme à avoir porté plainte contre l’acteur. D’abord en décrédibilisant ses propos concernant sa relation avec le réalisateur Bertrand Blier, puis en remémorant des repas à quatre (Anouck Grinberg, Bertrand Blier, Gérard Depardieu et elle-même) au cours desquels la comédienne ne se serait jamais “plaint d’aucun propos de Gérard”. Comme si le mutisme des victimes et témoins de propos sexistes et dégradants était la preuve que rien d’anormal ne s’était passé. Certes, il aurait fallu parler plus tôt, mais peut-être le milieu du cinéma était-il encore bien trop protégé et protecteur.
De “l’humour” sans importance
Face aux interrogations et aux mines déconfites sur le plateau de TMC, Carole Bouquet a réitéré ces propos, elle est sûre que les accusations de viols contre son ex-compagnon sont fausses. Elle minimise aussi la gravité des paroles de l’acteur français, parlant “d’humour” et de “conneries”. “Ça n’a pas d’importance”, a-t-elle commenté.
D’après l’actrice, certaines – et là, elle nomme à nouveau Anouk Grinberg – “peuvent réécrire l’histoire avec conviction”. Sans la nommer, elle parle d’une actrice qui était amoureuse d’un metteur en scène et qui, trente ans plus tard, aurait expliqué qu’elle avait été sous influence. Comme s’il était inimaginable d’être sous l’influence, dirais-je même l’emprise, de quelqu’un sans le vouloir, et parfois sans même que l’autre s’en rende compte, arguant “qu’on est tous sous influence”.
Merci
Face à un tel discours, les journalistes et chroniqueurs de Quotidien n’ont pas cédé, remettant poliment en question les propos de Carole Bouquet, l’interrogeant notamment sur le fait de croire les femmes qui dénoncent des comportements abjects, et sur le pouvoir de Gérard Depardieu. À eux, je tire mon chapeau. Je ne suis pas la dernière quand il s’agit de me lancer dans un argumentaire avec quelqu’un qui ne partage pas ma pensée et mes idéaux, mais face à une personne qui minimise la parole de victimes présumées d’actes aussi atroces que des viols et des agressions sexuelles, je ne suis pas certaine que j’aurais pu garder mon calme.
Merci également à Corentin Fila qui, dès son entrée sur le plateau, a déclaré qu’il se désolidarisait des propos de Carole Bouquet, avec qui il partage l’affiche de la série “Escort Boys”, dont il était venu faire la promotion.
“Tribunal médiatique” ou devoir d’informer
Certes, lorsque l’on lit la presse, le cas Depardieu semble déjà tranché. Mais la plupart des journalistes abordent simplement les faits. Le musée Grévin décide de retirer la statue de l’acteur, on en parle. Une journaliste espagnole porte plainte, on en parle. Aux yeux de certains, cela peut paraître être une cabale effrénée contre Gérard Depardieu, mais il s’agit là avant tout d’un droit et d’un devoir d’informer. On ne peut pas faire comme si cela n’existait pas.
On peut taxer la presse de devenir un “tribunal médiatique”, mais les évocations de telle ou telle affaire ne remplacent pas, ne doivent pas, et ne remplaceront jamais le jugement rendu par la justice. Depardieu est toujours considéré comme innocent tant que la justice n’aura pas rendu une décision. Comme le soulignait Marine Turchi, journaliste à Mediapart ayant enquêté sur l’affaire Adèle Haenel, interrogée par France Inter en 2019: “Nous [les journalistes] ne sommes ni policier ni magistrat, on produit des enquêtes journalistiques, des informations qui sont utiles au débat public et qui aident à la bonne marche de la justice. On défend le droit de savoir des citoyens sur tout ce qui est d’intérêt public.” N’en déplaise à Carole Bouquet qui demande que la presse “se taise”.
La séquence complète du passage de l’actrice dans “Quotidien” est à retrouver ici.
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