Durant une semaine, notre journaliste Sarah a relevé le défi zéro gaspillage de l’application Too Good to Go, qui permet à des restaurants et des magasins de vendre leurs invendus du jour, et à des particuliers de réaliser de belles économies. Voici ce qu’elle en a pensé.
Début janvier, on m’a lancé un défi, celui de me nourrir, durant une semaine, d’invendus qui auraient dû finir à la poubelle. Parlez-moi de nourriture et d’écologie, et je suis votre femme. C’est donc sans la moindre hésitation que j’ai accepté le challenge.
Pour ce faire, j’avais un allié de poids: Too Good to Go. Cette application permet à des magasins et à des restaurants de vendre les aliments qu’ils n’ont pas réussi à écouler et qui arrivent à expiration. Cela évite donc les déchets alimentaires et le gaspillage, permet au passage aux enseignes de faire des économies, mais aussi aux consommateur·rice·s de faire de bonnes affaires.
Je connaissais l’application, mais je ne l’avais jamais utilisée, tout simplement parce que je n’y avais jamais pensé. Elle est facile d’utilisation, bien que, dans un premier temps, je l’ai trouvée assez brouillon. J’ai toutefois fini par m’y habituer, j’ai sélectionné mon lieu de résidence, délimité un périmètre et sélectionné quelques adresses favorites.
Des vraies bonnes affaires, et de belles (re)découvertes
Durant cette semaine Too Good to Go, j’ai aussi bien testé des restaurants, que des magasins et des boulangeries-pâtisseries. J’ai découvert des choses incroyables – la palme revenant sans conteste à la tarte tajine vegan des Tartes de Françoise -, et d’autres beaucoup moins. Dans l’ensemble, je dirais que les paniers à sauver sont souvent plus intéressants dans les restaurants. J’ai, par exemple, pu découvrir un établissement liégeois ouvert il y a peu et qui ne sert que des risottos, ou les plats de chez EXKi, une enseigne qui ne m’a jamais attirée, tant j’ai toujours trouvé que les prix étaient élevés compte tenu de la taille des portions. J’ai été vraiment contente de ce que j’ai pu trouver dans les paniers surprises.
Souvent, je ne mangeais pas ces plats le jour même, mais le lendemain à midi, voir le surlendemain. Cela me permettait de varier les plaisirs et d’éviter de me prendre la tête concernant mon menu pour le lunch. J’en parlerai plus tard, mais tant que les plats n’ont pas un aspect, un goût ou une odeur étrange, vous pouvez les manger sans problème.
Un peu moins convaincues par les magasins
Du côté des magasins, j’ai vraiment reçu de tout, avec quelques bonnes surprises, mais tout de même certains aliments qui me sont restés sur les bras sans que je sache quoi en faire, et que je doive les jeter. C’est le cas des paniers qui contenaient de la viande. J’ai, par exemple, reçu des tranches de blanc de dinde dont la date limite de consommation était celle du jour de récupération du colis (logique).
Comme c’est très souvent le cas, il faut aller chercher son panier surprise le soir, avant la fermeture du magasin – bien qu’il y ait des créneaux le matin pour les produits de boulangerie de la veille -. En l’occurrence, j’avais déjà prévu mon repas du soir, et le lendemain, un imprévu a fait que je n’étais pas chez moi. Le paquet est resté au frigo jusqu’au surlendemain, et j’ai préféré ne pas prendre de risque étant donné qu’il s’agit de viande, et parce que la couleur des tranches ne m’inspirait pas. Ce fut également le cas avec deux pots de poulet curry, que j’ai ouverts chacun des jours différents, mais que je n’ai pas pu terminer, car, dès le lendemain, ils avaient une odeur d’aliment qui a tourné.
Observer, sentir et goûter
Comme le rappelle très bien l’application, “avant de jeter, observez, sentez et goûtez”. Certains produits peuvent être aisément consommés après leur date de péremption, c’est notamment le cas des yaourts. Pour d’autres, en revanche, il vaut mieux ne pas jouer avec le feu. C’est le cas de la viande. D’ailleurs, dans le dernier panier surprise que j’ai acheté, il y avait deux steaks de porc et veau qui n’étaient bons que jusqu’au jour-même. Plutôt que de les jeter, je les ai immédiatement placés au congélateur une fois rentrée chez moi. J’en ai fait de même pour deux petites quiches préparées et un paquet de six grosses boulettes. Bien que je les préfère très largement faites maison, je sais déjà que j’utiliserai ces dernières dans un plat de boulets liégeois.
Qu’ai-je pensé de cette semaine?
Dans l’ensemble, beaucoup de positif. Le concept Too Good to Go permet de faire de belles économies, chose non négligeable par temps de crise. Prenez le panier surprise des Tartes de Françoise. Normalement, la tarte tajine vegan est vendue 22 euros. Grâce à l’application, elle n’en a plus coûté que 9,50 euros. Pour ce qui est de EXKi, les paniers étaient à 5 euros au lieu de 15. Dans les magasins, c’était en moyenne 4 euros à la place de 12. Au bout d’une semaine, avec dix paniers sauvés, l’économie a tout de même été de 101 euros.
Des économies, pas seulement dans le portefeuille
Sur mon profil, j’ai aussi pu voir ce que cela représentait en termes d’émissions de CO2. Selon Too Good to Go, sauver dix paniers surprises a permis d’économiser 25 kilos de dioxyde de carbone, soit 56 kWh d’électricité, 4.420 charges complètes d’un smartphone, 220 tasses de café chaud et 1h19 de temps de douche chaude.
Il est certain qu’en évitant le gaspillage alimentaire, on fait du bien à la planète. Il s’agit toutefois de rester prudent par rapport aux chiffres annoncés par l’application. Il s’agit, en effet, d’une moyenne, puisque Too Good to Go compte 2,5 kilos de CO2 par panier sauvé, peu importe la provenance des aliments ou qu’ils soient issus de l’exploitation végétale ou animale. Or, on le sait, sur un même territoire, la production de viande est plus polluante que celle des légumes. Et c’est sans compter les produits importés de pays lointains que l’on peut retrouver dans certains paniers.
Une bonne idée, mais
L’application est vraiment super, mais je me demande tout de même dans quelle mesure ces paniers surprises ne seraient pas plus utiles à d’autres personnes. Les fois où j’ai croisé d’autres client·e·s Too Good to Go, il s’agissait de personnes qui avaient au moins mon âge et qui semblaient – j’insiste sur le verbe “sembler” – ne pas souffrir de difficultés financières particulières. Une seule fois, j’ai croisé une étudiante. Je me dis que c’est surtout à elle et à tous les étudiants qui ont parfois du mal à joindre les deux bouts, entre leurs études et le loyer de leur kot, et ce, malgré un petit job, que l’application doit s’adresser en priorité. Or, de ce que j’en ai vu, ils sont loin de représenter la majorité des utilisateur·rice·s.
Et les associations, dans tout ça?
Vendre des produits dont la date de péremption est dépassée, c’est négliger les nombreux sans-abris qui ne demanderaient que cela, de récupérer des invendus. En 2019, déjà, l’ASBL La petite maison du peuple, à Colfontaine, tirait la sonnette d’alarme. Avec l’arrivée de Too Good to Go, un magasin qui donnait ses invendus à l’association avait arrêté de le faire pour les vendre aux particuliers sur l’app’ anti-gaspi. Un cas qui n’est pas isolé, et un problème malheureusement encore très prégnant, si l’on en croit un article de l’Echo, publié en décembre 2023.
Sur son site, l’entreprise explique qu’il est possible de faire un don de colis alimentaires à des associations, directement sur l’application, cependant, cela ne semble pas possible en Belgique.
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