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Dites "Kyïv" - Montage Flair - Getty Images / Canva

Pourquoi il importe de dire ““Kyïv”” plutôt que ““Kiev””

Kathleen Wuyard

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nombre de publications dans les médias et sur les réseaux réclament de ne plus désigner la capitale sous le nom de “Kiev” mais bien plutôt de dire “Kyïv” à la place.

Peut-être un détail sans conséquence pour vous, mais pour les habitants d’Ukraine, ça veut dire beaucoup. Pensez-y: à part quelque métropoles internationalement célébrées telles que Paris ou New York, rares sont les villes qui ont l’honneur de voir leur nom se dire de la même manière dans toutes les langues. Si on regarde simplement à l’échelle de la Belgique, Liège ne s’appelle ainsi qu’en francophonie, et se dit “Luik” au nord du pays, tandis que les habitants des cantons de l’Est, eux, disent “Lüttich”. Une particularité linguistique qui dénote de toute la richesse culturelle du pays.

Mais dans le cas de Kyïv, ou Kiev ainsi que le veut l’usage le plus répandu, la manière dont on écrit et prononce le nom de la capitale ukrainienne est tout sauf anodine. Le débat date d’ailleurs du conflit précédent ayant vu la Russie envahir l’Ukraine, en 2018 cette fois, après que Poutine ait envoyé ses troupes en Crimée et que le ministère des Affaires étrangères ukrainien ait lancé dans la foulée une campagne “Kyiv not Kiev” pour réclamer que la capitale soit connue sous le nom qui lui est donné en Ukraine.

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En effet, ainsi que le rappelaient alors les linguistes du pays, l’orthographe russe des noms de ville leur a été imposée quand l’Ukraine appartenait à l’URSS, époque où parler ukrainien était réprimé. «Kiev» est ainsi la translittération du nom russe de la ville, qui, en ukrainien, s’appelle «Київ», qui se traduit plutôt par «Kyïv» en français. Raison pour laquelle dès les débuts de l’invasion la plus récente de la Russie, le 24 février dernier, Volodymyr Zelensky a intégré à ses demandes à la communauté internationale celle de rendre à Kyïv son “nom véritable” et de cesser de l’appeler Kiev.

Un appel auquel une série de médias de référence parmi lesquels la BBC, le “New York Times” ou encore le “Guardian” ont déjà répondu par l’affirmative, même si, en francophonie, l’adaptation de la prononciation reste l’exception plutôt que la norme. Et à toutes celles et ceux qui seraient tentés de dire que ça importe peu, et qu’il y a d’autres chats nettement plus importants à fouetter,  la linguiste Iryna Dmytrychyn, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), a rappelé à nos confrères de L’Express que “L’Ukraine veut aujourd’hui se réapproprier sa toponymie, comme le font tous les pays qui sortent d’une ère de domination coloniale. La demande des Ukrainiens en faveur de Kyïv est donc légitime. A défaut, cela revient à leur dire : ‘Votre culture n’est pas digne de considération, à la différence de la culture russe.'”

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On imaginerait mal aujourd’hui quelqu’un qui s’obstinerait à appeler Kinshasa “Léopoldville”, ou à parler de “Danzig” pour Gdansk, car ce choix de dénomination, loin d’être anodin, ferait référence à une période d’occupation douloureuse pour les locaux. À nous d’adopter la même attitude envers une ville qui, à l’heure d’écrire ces lignes, est le théâtre d’un conflit sanglant qui voit la capitale ukrainienne ressembler chaque jour un peu plus au décor d’un film apocalyptique. Promis, une fois qu’on s’y est habitué·e, “Kyïv” (dites “ki-ïve”) n’est même pas si difficile à prononcer que ça. Et la recette du poulet à la KyÏv, elle, reste inchangée.

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